Alors que le soleil disparaissait derrière le Théâtre Broadway, j’observais les doigts du guitariste Jesse Cook danser sur les cordes de sa guitare, la foule se balançant à l’unisson avec chaque ornement de flamenco. Ce moment illustrait parfaitement ce que les musiciens me confient chérir du Festival de Jazz de la Saskatchewan – une connexion intime avec le public qui semble de plus en plus rare à notre époque numérique.
“Il y a quelque chose de spécial ici,” m’a confié Cook après son spectacle à guichets fermés l’été dernier. “On a l’impression de jouer pour des amis, pas seulement pour des détenteurs de billets.”
Depuis 37 ans, le Festival de Jazz de la Saskatchewan transforme Saskatoon en mecque musicale chaque juin, attirant plus de 75 000 participants annuellement selon les organisateurs. Mais ce qui fait revenir les artistes année après année va au-delà des chiffres de fréquentation.
J’ai passé la semaine dernière à discuter avec des musiciens qui se sont produits sur les scènes du festival pour comprendre ce qui rend cette célébration des prairies unique dans le paysage estival des festivals canadiens.
Pour Laila Biali, pianiste de jazz et chanteuse lauréate d’un prix Juno, la magie du festival réside dans son approche sans prétention. “Dans les grandes villes, on ressent parfois cette pression d’être quelque chose qu’on n’est pas,” a partagé Biali, se remémorant sa performance de 2022. “À Saskatoon, il y a cette authenticité qui permet d’être vulnérable en tant qu’artiste.”
Ce sentiment résonne dans presque toutes les conversations que j’ai eues avec les artistes. Le directeur artistique du festival, Kevin Tobin, croit que cette authenticité provient de l’identité culturelle plus large de la Saskatchewan.
“Les gens des Prairies sont connus pour leur chaleur et leur hospitalité,” m’a expliqué Tobin alors que nous marchions dans les Jardins Bessborough, le principal lieu extérieur du festival. “Les musiciens ressentent cette énergie dès leur arrivée.”
La météo joue son propre rôle improvisationnel au festival. Selon les données climatiques de Statistique Canada, les températures de juin à Saskatoon peuvent varier considérablement, descendant parfois sous les 10°C la nuit ou dépassant les 30°C pendant les performances diurnes.
“Je me souviens d’avoir joué sous une averse soudaine en 2019,” a raconté la trompettiste originaire de la Saskatchewan, Bria Skonberg. “Au lieu de courir se mettre à l’abri, le public s’est rapproché de la scène. Nous avons tous simplement accepté la situation ensemble. Ce moment de résilience collective – on ne retrouve pas ça dans des environnements plus contrôlés.”
La programmation du festival efface délibérément les frontières entre genres, présentant tout, du jazz traditionnel au R&B, en passant par le folk et la musique expérimentale. Cette approche reflète l’évolution du jazz moderne tout en honorant son esprit d’improvisation.
“En tant que musiciens, nous poussons constamment contre des frontières artificielles,” a expliqué Tanya Tagaq, chanteuse de gorge inuk lauréate du Prix Polaris qui a livré une performance envoûtante lors du festival de l’an dernier. “Ce festival respecte ce processus créatif en réunissant des artistes qui ne partageraient typiquement jamais l’affiche.”
Pour les musiciens émergents de la Saskatchewan, le festival offre de rares opportunités de partager la scène avec des artistes internationaux. Karrnnel Sawitsky, violoniste basé à Saskatoon, attribue à un atelier du festival de 2018 le mérite d’avoir changé sa trajectoire artistique.
“J’ai été jumelé avec la violoniste de jazz Regina Carter pour une session d’après-midi,” se souvient Sawitsky. “Cet échange de trois heures a façonné ma façon d’aborder l’improvisation encore aujourd’hui. Le festival crée ces moments collaboratifs qui se répercutent dans notre communauté musicale bien après que les scènes soient démontées.”
L’impact économique s’étend au-delà de l’industrie musicale. Les données de Tourisme Saskatchewan indiquent que le festival génère environ 4,5 millions de dollars annuellement pour l’économie locale, avec des visiteurs venant de partout au Canada et au-delà.
Mais quand je demande aux musiciens leurs expériences du Festival de Jazz de la Saskatchewan, la conversation tourne inévitablement autour du paysage lui-même.
“Il y a quelque chose de particulier à se produire avec la rivière Saskatchewan Sud qui coule derrière vous et le ciel des prairies qui s’étend au-dessus,” a dit la chanteuse de jazz canadienne Molly Johnson lors de notre conversation téléphonique. “Le cadre naturel devient partie intégrante de la performance d’une manière difficile à décrire mais impossible à oublier.”
Les lieux du festival vont des clubs intimes aux pittoresques Jardins Bessborough, où l’hôtel historique offre un arrière-plan saisissant contre la vallée fluviale. Cette diversité d’espaces de performance crée des expériences variées tant pour les musiciens que pour le public.
“Un soir, tu joues un set feutré dans un théâtre respectueux, et le lendemain tu te nourris de l’énergie de milliers de fans qui dansent en plein air,” a expliqué Andy Shauf, musicien originaire de la Saskatchewan. “Cette variété te maintient créativement alerte.”
Alors que nous approchons du festival de cette année, qui se déroulera du 28 juin au 7 juillet, les musiciens sont particulièrement impatients de retrouver les performances live après les perturbations causées par la pandémie. Santé Canada rapporte que les événements culturels comme les festivals de musique procurent d’importants bienfaits pour la santé mentale des participants – quelque chose que les artistes ressentent profondément.
“Après tout ce que nous avons collectivement enduré, ces rassemblements musicaux semblent plus précieux que jamais,” a déclaré la saxophoniste torontoise Allison Au. “Le Festival de Jazz de la Saskatchewan crée cet espace sécuritaire pour une connexion émotionnelle à travers la musique. C’est de plus en plus rare et précieux.”
Alors que le crépuscule s’installait sur la vallée fluviale durant ma dernière soirée à Saskatoon l’été dernier, j’ai observé les spectateurs s’attarder longtemps après la fin de la musique, réticents à briser le charme qui s’était formé pendant la performance. Quand j’ai mentionné cette observation à Kevin Tobin, il a souri d’un air entendu.
“C’est la véritable mesure de ce que nous créons ici,” a-t-il dit. “Pas seulement des concerts, mais des moments qui restent avec vous. Les musiciens le ressentent aussi – c’est pourquoi ils continuent de revenir.”