Le marché de l’aviation canadienne pourrait bientôt connaître une transformation majeure. Dans une initiative qui risque de remodeler l’industrie aérienne du pays, le Bureau de la concurrence préconise l’élimination des restrictions sur la propriété étrangère pour les compagnies aériennes opérant exclusivement à l’intérieur des frontières canadiennes.
Actuellement, les investisseurs étrangers ne peuvent détenir que jusqu’à 49 % des compagnies aériennes canadiennes, avec un plafond de 25 % pour un seul investisseur étranger. Cette politique, vieille de plusieurs décennies, a longtemps été défendue comme nécessaire pour la sécurité nationale et pour protéger les emplois canadiens. Mais la nouvelle position du Bureau de la concurrence suggère que ces restrictions pourraient en fait nuire aux voyageurs canadiens là où ça compte le plus – leur portefeuille.
« Une concurrence accrue dans le transport aérien intérieur entraînerait probablement des prix plus bas, plus de choix et un meilleur service« , indique le rapport du Bureau publié la semaine dernière. La logique est simple: plus d’acteurs sur le marché signifie généralement plus de compétition pour vos dollars de voyage.
Cette proposition arrive à un moment critique pour les voyageurs aériens canadiens. Ces dernières années ont vu une augmentation des plaintes concernant les options limitées de routes et des prix de billets qui laissent souvent les Canadiens avec l’impression de payer des tarifs premium pour un service de base. Une analyse de 2023 de Cirium, une firme de données aéronautiques, a révélé que les Canadiens paient environ 30 % de plus pour des routes intérieures comparables que les voyageurs américains.
Ce qui rend cette recommandation particulièrement notable est son focus étroit sur les compagnies qui desservent uniquement des routes intérieures. Les transporteurs internationaux et ceux reliant le Canada à des destinations étrangères seraient toujours soumis aux restrictions existantes. Cette approche ciblée semble conçue pour répondre aux préoccupations concurrentielles tout en évitant certains des débats plus controversés sur la sécurité nationale.
Air Canada et WestJet, qui contrôlent ensemble environ 80 % de la capacité en sièges domestiques selon les données de Transports Canada, se sont historiquement opposés aux changements significatifs des règles de propriété étrangère. Lorsqu’ils ont été contactés pour commentaire, les deux transporteurs ont souligné l’importance de la « stabilité réglementaire » et des « règles du jeu équitables » – un langage d’entreprise qui signale généralement une résistance aux perturbations du marché.
Cependant, les petits transporteurs y voient une opportunité. « Cela pourrait changer la donne pour l’expansion des services vers les marchés mal desservis« , déclare Merren McArthur, PDG de Lynx Air, l’un des transporteurs à très bas coûts les plus récents du Canada. « La structure actuelle rend extrêmement difficile l’obtention du capital nécessaire pour se développer à grande échelle et véritablement défier les acteurs dominants. »
L’impact potentiel s’étend au-delà des prix des billets. Robert Kokonis, analyste en aviation chez AirTrav Inc., souligne que « L’investissement étranger pourrait apporter plus que de l’argent – il apporte une expertise opérationnelle, des stratégies de gestion de flotte et des innovations technologiques qui ont fonctionné sur d’autres marchés. »
Le moment coïncide avec d’autres développements importants dans les transports canadiens. Le gouvernement examine simultanément la concurrence ferroviaire et révise la Loi sur les transports au Canada, créant ce que certains observateurs de l’industrie appellent une « tempête parfaite » pour la réforme des transports.
Le ministre des Transports Pablo Rodriguez ne s’est pas engagé sur la proposition mais a reconnu la contribution du rapport aux « efforts continus pour améliorer l’abordabilité et le service dans le transport aérien canadien. » Lire entre les lignes des déclarations prudentes du gouvernement suggère que cette recommandation fera face à un examen minutieux avant de devenir une politique.
À quoi ressemblerait concrètement la mise en œuvre? Le Bureau suggère une approche progressive, commençant potentiellement avec les petits transporteurs régionaux avant de s’étendre aux opérateurs plus importants. Un tel changement graduel permettrait de surveiller les impacts concurrentiels tout en gérant les perturbations potentielles.
Pour les voyageurs canadiens ordinaires, les avantages potentiels sont alléchants: plus d’options de vol, des tarifs potentiellement plus bas et des normes de service améliorées alors que les transporteurs se font concurrence plus agressivement pour la fidélité des clients. Le risque, selon certains, est que la propriété étrangère pourrait éventuellement conduire à une réduction du service vers les petites communautés si les investisseurs internationaux axés sur les profits se concentrent exclusivement sur les routes à fort trafic.
Les groupes de défense des consommateurs ont prudemment accueilli la proposition tout en soulignant la nécessité de solides réglementations de protection des passagers, peu importe qui possède les compagnies aériennes. « La propriété compte moins que la responsabilité« , note John Lawford du Centre pour la défense de l’intérêt public. « Les Canadiens méritent des options de voyage aérien abordables avec de fortes protections des consommateurs, que la compagnie aérienne soit canadienne ou non. »
La recommandation du Bureau de la concurrence représente finalement un changement significatif dans la façon de penser l’amélioration du voyage aérien canadien. Reste à voir si elle prendra son envol ou demeurera clouée au sol dans la bureaucratie, mais elle a certainement lancé une nouvelle conversation sur l’avenir du ciel canadien.
Pour les voyageurs perpétuellement frustrés par les options limitées et les prix élevés lors de vols à l’intérieur du Canada, cette conversation ne peut pas arriver assez tôt.