Les caisses enregistreuses ont chanté une mélodie familière à travers le Canada ce mois d’avril, enregistrant une augmentation modeste mais bienvenue des dépenses au détail. Les nouveaux chiffres de Statistique Canada publiés jeudi montrent que les consommateurs ont ouvert leurs portefeuilles un peu plus grand, avec des ventes au détail en hausse de 0,7 pour cent pour atteindre 65,3 milliards de dollars au cours du mois.
Derrière ce chiffre global se cache toutefois un paysage commercial plus nuancé qui continue de refléter les priorités changeantes des Canadiens face aux pressions inflationnistes persistantes et aux coûts d’emprunt élevés.
« Nous voyons des consommateurs qui prennent des décisions de plus en plus calculées, » affirme Tania Kowal, analyste du secteur du commerce de détail chez BMO Marchés des capitaux. « Ils dépensent, mais avec plus de réflexion que nous n’avons vu lors des cycles économiques précédents. »
Le secteur automobile a généré une grande partie des gains d’avril, les concessionnaires signalant une saine augmentation de 2,4 pour cent de leurs ventes. C’est la troisième amélioration mensuelle consécutive pour les détaillants de véhicules, ce qui suggère que certains consommateurs qui ont retardé des achats importants pendant les hausses de taux d’intérêt de 2022-2023 reviennent prudemment dans les salles d’exposition.
Pourtant, ce rebond automobile n’a pas suffi à masquer des signaux préoccupants ailleurs. En excluant les ventes de véhicules automobiles de l’équation, le commerce de détail de base a en fait baissé de 0,1 pour cent—un indicateur subtil mais révélateur que les dépenses discrétionnaires restent contraintes.
Les grands magasins ont connu une baisse de 0,5 pour cent, tandis que les détaillants d’électronique et d’électroménagers ont enregistré une chute plus marquée de 2,9 pour cent. Pendant ce temps, les magasins d’alimentation et de boissons sont restés relativement stables avec une augmentation marginale de 0,1 pour cent.
« Les chiffres du commerce de détail d’avril nous disent essentiellement que les Canadiens remplacent enfin leurs véhicules vieillissants, mais restent prudents pour tout le reste, » explique Avery Chen, économiste principal chez RBC Économie. « Ils achètent ce dont ils ont besoin, pas nécessairement ce qu’ils veulent. »
Géographiquement, la performance des ventes au détail a considérablement varié d’une province à l’autre. L’Ontario est en tête avec une solide augmentation de 1,2 pour cent, tandis que les acheteurs de la Colombie-Britannique ont réduit leurs dépenses, avec une baisse des ventes de 0,8 pour cent. Le Québec a affiché un modeste gain de 0,6 pour cent.
L’estimation préliminaire pour mai pourrait être l’aspect le plus révélateur du rapport. La projection précoce de Statistique Canada indique une baisse de 0,5 pour cent—suggérant que la hausse d’avril pourrait s’avérer de courte durée.
Cette possible inversion s’aligne avec d’autres indicateurs économiques récents. L’indice des prix à la consommation de la semaine dernière a montré que l’inflation s’est atténuée à 2,9 pour cent en mai, en baisse par rapport aux 3,3 pour cent de mars et avril. Bien que toujours au-dessus de la cible de 2 pour cent de la Banque du Canada, cette modération augmente la probabilité de réductions supplémentaires des taux d’intérêt plus tard cette année.
« Les données de vente au détail et les chiffres de l’inflation dépeignent ensemble l’image d’un consommateur qui reste sous pression, » déclare Royce Mendes, directeur général chez Valeurs mobilières Desjardins. « La Banque du Canada surveillera attentivement pour voir si cela représente le début d’un retrait plus large de l’activité des consommateurs. »
Les ventes en ligne continuent de représenter une portion significative de l’activité de détail, comptant pour 7,3 pour cent des ventes totales en avril—en hausse par rapport aux 7,1 pour cent d’il y a un an. Bien que la flambée du commerce électronique de l’ère pandémique se soit modérée, les canaux numériques restent fermement ancrés dans les habitudes d’achat des Canadiens.
Pour les petits entrepreneurs comme Mira Patel, qui exploite trois magasins d’articles ménagers dans la région du Grand Toronto, l’environnement commercial actuel exige une adaptation constante.
« Nous voyons des clients qui font moins d’achats impulsifs et qui font plus de recherches avant d’acheter, » dit Patel. « L’époque des ventes faciles est révolue. Maintenant, il s’agit d’offrir une valeur authentique et des expériences qui justifient la dépense. »
Les chiffres du commerce de détail arrivent alors que les économistes débattent de la possibilité pour le Canada de réaliser l' »atterrissage en douceur » économique que les décideurs politiques ont recherché—refroidir l’inflation sans déclencher une récession significative. La récente réduction de 0,25 point de pourcentage du taux d’intérêt par la Banque du Canada en juin, sa première depuis 2020, a signalé une confiance croissante que les pressions inflationnistes s’atténuent.
« Ce que nous observons dans le commerce de détail est précisément ce qu’un scénario d’atterrissage en douceur prédirait, » note Francis Fong, économiste en chef des Comptables professionnels agréés du Canada. « Les consommateurs n’ont pas complètement arrêté de dépenser, mais ils sont devenus plus sélectifs et sensibles aux prix. »
Pour les investisseurs et les planificateurs d’entreprise, les données sur le commerce de détail offrent un optimisme prudent mais peu de raisons d’exubérance. Les dépenses de consommation—qui représentent généralement environ 60 pour cent de l’activité économique canadienne—ne semblent ni assez robustes pour accélérer la croissance ni assez faibles pour signaler un ralentissement imminent.
Les perspectives d’activité commerciale estivale restent incertaines. Bien que les modèles saisonniers stimulent généralement certaines catégories, des fournitures de jardin à la mode estivale, les vents économiques contraires persistants pourraient tempérer la flambée habituelle des dépenses par temps chaud.
« Les trois prochains mois seront révélateurs, » déclare Doug Porter, économiste en chef du Groupe financier BMO. « L’été apporte généralement une activité sociale accrue et des dépenses discrétionnaires. Si ce modèle saisonnier ne se matérialise pas, cela suggérerait que la fatigue des consommateurs est plus profonde que nous ne l’avons reconnu. »
Alors que les Canadiens naviguent dans ce paysage économique complexe, les détaillants adaptent leurs stratégies en conséquence. Plusieurs mettent l’accent sur les propositions de valeur, renforcent les programmes de fidélité et offrent des options de paiement plus flexibles pour accommoder les acheteurs soucieux de leur budget.
Pour l’instant, la performance du secteur du commerce de détail reste une histoire de résilience face aux contraintes—tout comme l’économie canadienne dans son ensemble.