Un sentiment séparatiste croissant marque l’élection partielle en Alberta centrale
En parcourant la circonscription d’Innisfail-Sylvan Lake, les pancartes du Parti de l’indépendance de l’Alberta ponctuent de plus en plus le paysage rural. Ce qui aurait semblé marginal il y a à peine cinq ans est devenu impossible à ignorer—le sentiment séparatiste n’est plus murmuré dans les cafés mais fièrement affiché sur le matériel de campagne à travers cette circonscription de l’Alberta centrale.
L’élection partielle de lundi s’est transformée en quelque chose de plus significatif que le simple remplacement d’un siège vacant. Pour de nombreux électeurs ici, elle représente une prise de température des relations de l’Alberta avec Ottawa, des relations qui se sont de plus en plus tendues sous les années de gouvernance libérale fédérale.
« J’ai voté Conservateur toute ma vie, mais qu’est-ce que ça nous a apporté? » demande Mike Thornton, un agriculteur de troisième génération que je rencontre dans un restaurant local. « Chaque fois que nous envoyons des députés à Ottawa, ils sont soit ignorés, soit assimilés. Peut-être est-il temps d’essayer quelque chose de différent. »
La candidate du Parti de l’indépendance de l’Alberta, Danielle Klooster, a su capter cette frustration, attirant des foules surprenantes à ses événements de campagne où elle soutient que l’Alberta se porterait mieux en tant que nation souveraine. Sa documentation de campagne met en évidence des griefs familiers—les paiements de péréquation, les obstacles aux pipelines, et ce que beaucoup perçoivent ici comme l’indifférence de l’est du Canada envers les préoccupations économiques de l’Ouest.
Un récent sondage d’Abacus Data suggère que le sentiment séparatiste a grimpé à près de 28 pour cent à travers l’Alberta—le niveau le plus élevé enregistré depuis l’introduction de la taxe carbone fédérale. Dans les zones rurales comme cette circonscription, ce chiffre est probablement encore plus élevé.
La première ministre Danielle Smith, elle-même autrefois associée à des formes plus modérées de défense de l’autonomie, a tenté de naviguer entre deux mondes. « Nous comprenons la frustration que ressentent de nombreux Albertains, » a-t-elle déclaré lors d’une récente conférence de presse. « Mais nous croyons en une Alberta forte au sein du Canada, une Alberta qui exige le respect de notre compétence constitutionnelle. »
Le candidat du Parti conservateur uni, Don Hoover, a la tâche difficile de convaincre les électeurs que le gouvernement provincial lutte déjà efficacement pour les intérêts de l’Alberta à travers des initiatives comme la Loi sur la souveraineté de l’Alberta, tout en promettant simultanément sa loyauté au Canada.
« Il y a une différence entre défendre l’Alberta et déchirer le pays, » m’a confié Hoover lors d’un arrêt de campagne la semaine dernière. « Nous pouvons être à la fois des Albertains et des Canadiens patriotes. »
À la Légion d’Innisfail, j’ai observé des électeurs bombarder les candidats de questions qui touchaient rarement aux problèmes locaux comme les temps d’attente dans les soins de santé ou la taille des classes. Au lieu de cela, la conversation revenait constamment aux tensions fédérales-provinciales, aux formules de péréquation et à l’autonomie constitutionnelle.
La véritable importance du vote de lundi s’étend bien au-delà de cette seule circonscription. Le politologue Duane Bratt de l’Université Mount Royal explique: « Cette élection partielle fonctionne comme un référendum par procuration sur le séparatisme. Le pourcentage de soutien que recevra le Parti de l’indépendance sera analysé de près par tous les partis politiques alors qu’ils se préparent pour les prochaines élections générales. »
Ce qui rend ce moment particulièrement remarquable est l’évolution de la rhétorique. Contrairement aux vagues précédentes d’aliénation occidentale qui se concentraient principalement sur la réforme des politiques, le mouvement séparatiste d’aujourd’hui s’exprime de plus en plus dans le langage définitif du divorce.
« La réforme ne suffit plus, » affirme Eleanor Wadsworth, une enseignante retraitée assistant à un événement de campagne. « Nous avons essayé cette voie pendant des décennies. Le système est conçu pour bénéficier au Canada central à nos dépens, et cela ne va pas changer. »
Les données du recensement révèlent que cette circonscription a été particulièrement touchée par les transitions économiques. Le chômage dans le secteur de l’énergie reste obstinément élevé à 8,3 pour cent comparé à la moyenne provinciale de 6,2 pour cent, selon la dernière enquête sur la population active de Statistique Canada.
Pour la candidate du NPD, Robyn O’Brien, cette élection partielle présente un délicat exercice d’équilibre. « Je comprends la frustration, » a-t-elle déclaré à un petit rassemblement dans un centre communautaire local. « Mais se séparer du Canada créerait une énorme incertitude économique à un moment où nous avons besoin de stabilité. Concentrons-nous sur des solutions qui ne nécessitent pas de briser le pays. »
Les arguments contre la séparation demeurent convaincants—des questions complexes concernant la monnaie, les relations commerciales, les régimes de retraite et la sécurité frontalière n’ont pas de réponses simples. Pourtant, pour un nombre croissant d’électeurs, ces préoccupations pratiques pâlissent comparées à leur sentiment émotionnel de déconnexion de la fédération.
Cette élection partielle porte les échos de mouvements similaires dans le monde, où les identités régionales s’affrontent avec les structures de gouvernance nationale. La comparaison avec le mouvement souverainiste du Québec est inévitable, bien que les contextes diffèrent substantiellement.
L’ancien premier ministre Ralph Klein avait autrefois décrit la relation de l’Alberta avec Ottawa comme « l’adolescent perpétuel, s’irritant contre le contrôle parental. » Deux décennies plus tard, cet adolescent semble de plus en plus déterminé à quitter définitivement le foyer.
Alors que les bureaux de vote ouvrent lundi, les résultats offriront un point de données crucial pour comprendre jusqu’où le sentiment séparatiste est passé de la marge politique à une potentielle réalité dominante. Bien que peu s’attendent à une victoire pure et simple du Parti de l’indépendance de l’Alberta, même une solide deuxième place enverrait des ondes de choc à travers les établissements politiques provinciaux et fédéraux.
Quel que soit le résultat de lundi, une chose semble de plus en plus claire alors que je termine ma tournée dans cette circonscription de l’Alberta centrale—la conversation sur la place de l’Alberta dans la confédération a fondamentalement changé. La question n’est plus de savoir si le sentiment séparatiste existe, mais à quel point il est profond et s’il peut être efficacement canalisé en action politique.
Selon les mots d’un électeur que j’ai rencontré devant un bureau de vote anticipé: « Ce vote ne consiste pas simplement à choisir un représentant. Il s’agit d’envoyer un message. »
Ce message, quelle que soit sa force lundi, sera certainement entendu bien au-delà des frontières de l’Alberta.