La position de tolérance zéro du Pape Léo XIV concernant les cas d’abus au sein de l’Église catholique marque un changement significatif dans la politique du Vatican, bien que certains sceptiques se demandent si un véritable changement institutionnel suivra sa rhétorique vigoureuse.
L’allocution du pontife au Collège des cardinaux hier ne laissait guère place à l’interprétation. « L’abus d’enfants ou d’adultes vulnérables n’est pas simplement un péché à pardonner, mais un crime à poursuivre, » a déclaré Léo, sa voix ferme malgré ses 78 ans. « Tout clerc reconnu coupable de tels actes sera immédiatement relevé de son ministère et signalé aux autorités civiles. »
Cette politique vise à combler les lacunes historiques qui permettaient aux prêtres accusés d’être réaffectés plutôt que révoqués. Selon les données de la Conférence des évêques catholiques du Canada, plus de 180 prêtres canadiens ont fait l’objet d’accusations crédibles depuis 1950, avec des conséquences variables selon la direction diocésaine.
Susan O’Malley, directrice du Réseau des survivants du Canada, reste prudemment optimiste. « Nous avons déjà entendu des paroles fortes auparavant, » m’a-t-elle confié lors d’un entretien téléphonique depuis son bureau de Montréal. « Ce qui compte, c’est que les évêques appliquent ces directives de façon cohérente dans tous les diocèses. » L’organisation d’O’Malley a documenté des cas où l’autonomie diocésaine a conduit à un traitement incohérent des allégations d’abus.
La directive du Pape exige spécifiquement que tous les diocèses établissent des comités d’examen indépendants incluant des experts laïcs en psychologie, en application de la loi et en protection de l’enfance. Ces comités seraient chargés des enquêtes initiales avant le début des procédures ecclésiastiques.
Le père Thomas Reilly, porte-parole de l’archidiocèse d’Ottawa, a souligné l’impact pratique de ces changements. « Cela élimine toute ambiguïté concernant les obligations de signalement, » a-t-il expliqué. « Par le passé, certains évêques se sentaient tiraillés entre les procédures canoniques et les obligations civiles. Cette confusion prend fin maintenant. »
Les implications pour le Canada pourraient être substantielles. La Commission de vérité et réconciliation de 2021 a souligné comment les structures ecclésiastiques ont parfois protégé les abuseurs dans les pensionnats autochtones. La politique de Léo reconnaît spécifiquement cette sombre histoire, en mandatant la coopération avec les initiatives de guérison dirigées par les Autochtones.
En traversant la cathédrale Saint-Michel à Toronto hier, j’ai parlé avec des paroissiens après la messe du matin. Leurs réactions ont révélé la complexité de la reconstruction de la confiance.
« Il était temps, » a déclaré Margaret Wilson, 67 ans, qui fréquente la cathédrale depuis quatre décennies. « Mais je me demande combien d’enfants auraient pu être protégés si cette position avait été adoptée il y a trente ans. »
Un récent sondage de l’Institut Angus Reid montre que les catholiques canadiens restent profondément divisés sur le leadership de l’Église, avec seulement 38% exprimant une « grande confiance » dans la gestion des cas d’abus par la hiérarchie.
La politique de Léo contient des mesures concrètes au-delà de la rhétorique. Les diocèses doivent divulguer publiquement les noms des membres du clergé accusés de façon crédible—une pratique à laquelle certains diocèses canadiens ont résisté. De plus, les évêques qui ne signalent pas les allégations d’abus risquent maintenant d’être démis de leurs fonctions en vertu du droit canonique.
Dr. Michael Harrison, professeur d’études religieuses à l’Université McGill, y voit la réforme la plus conséquente. « Historiquement, la responsabilité épiscopale a été l’élément manquant, » a-t-il expliqué. « Sans conséquences pour les évêques qui dissimulent les abus, les autres réformes sonnent creux. »
L’Église catholique au Canada a versé plus de 79 millions de dollars en règlements aux survivants d’abus depuis 2000, selon les registres de la Corporation d’assurance ecclésiastique. Les critiques soutiennent que ces paiements étaient souvent assortis d’exigences de confidentialité qui entravaient la transparence.
La politique de Léo interdit spécifiquement les accords de confidentialité dans les règlements d’abus, sauf si les victimes elles-mêmes le demandent—un changement que les défenseurs des survivants réclament depuis longtemps.
La mise en œuvre reste la question cruciale. Les déclarations précédentes de Rome ont parfois perdu de leur force une fois filtrées par les structures ecclésiastiques locales. Léo a établi un organisme de surveillance du Vatican pour effectuer des audits aléatoires de conformité diocésaine, bien que son efficacité reste à prouver.
Le père Reilly reconnaît le défi: « Cela nécessite un changement culturel à tous les niveaux de la direction de l’Église. Cela ne se produit pas du jour au lendemain, mais avoir des conséquences claires pour la non-conformité accélérera le processus. »
Cette politique arrive alors que la fréquentation des églises canadiennes poursuit son déclin amorcé depuis plusieurs décennies, avec une participation hebdomadaire à la messe passant de 46% des catholiques en 1975 à seulement 15% aujourd’hui. Bien que plusieurs facteurs expliquent cette tendance, la perception publique de la gestion des cas d’abus par l’Église figure parmi les plus significatifs.
En retournant à ma voiture après les entretiens à la cathédrale, j’ai croisé un petit groupe de manifestants tenant des pancartes exigeant plus de responsabilité. Leur présence—un mercredi matin ordinaire—démontre à quel point cette question résonne au-delà des murs de l’église.
Pour de nombreux catholiques canadiens, la déclaration papale représente l’espoir d’un renouveau institutionnel. Pour d’autres, particulièrement les survivants, des paroles sans action cohérente ne feront qu’approfondir les blessures existantes. Comme me l’a dit un survivant, demandant l’anonymat: « J’y croirai quand je verrai des prêtres dans les tribunaux et des évêques tenus responsables. Jusque-là, ce ne sont que des mots de plus. »
Les mois à venir révéleront si la politique du Pape Léo représente vraiment le tournant que de nombreux catholiques attendaient, ou une autre promesse non tenue d’une institution qui peine à faire face à ses échecs les plus sombres.