Les rivages rocheux de la Nouvelle-Écosse et les forêts denses du Nouveau-Brunswick ne sont pas seulement des paysages pittoresques – ils représentent un potentiel économique inexploité qui pourrait transformer l’avenir financier du Canada atlantique.
C’est le message des économistes et experts en politiques qui se sont réunis au Forum économique de l’Atlantique la semaine dernière à Halifax. Leur consensus? Les provinces atlantiques doivent accélérer le développement des ressources pour faire face aux défis économiques persistants et au déclin démographique.
« Nous sommes assis sur des ressources naturelles incroyables pendant que nous regardons nos jeunes partir chercher des opportunités ailleurs, » a expliqué Dre Marie Landry, économiste à l’Université Dalhousie. « Le développement responsable des ressources n’est pas simplement une option pour le Canada atlantique – c’est devenu un impératif économique. »
La région fait face à un paysage économique complexe. Alors qu’Halifax continue de connaître une croissance dans le secteur technologique et que St. John’s bénéficie de l’énergie extracôtière, les communautés rurales du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et certaines parties de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve sont aux prises avec le vieillissement démographique et des possibilités d’emploi limitées.
Les données de Statistique Canada révèlent que la croissance du PIB du Canada atlantique a constamment été inférieure à la moyenne nationale de 0,7 à 1,2 point de pourcentage annuellement depuis 2010. Parallèlement, les statistiques de migration interprovinciale montrent un exode net des résidents en âge de travailler, particulièrement ceux entre 25 et 39 ans.
L’ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna, qui a participé au panel d’ouverture du forum, n’a pas mâché ses mots: « Nous sommes devenus de plus en plus hésitants à développer nos avantages naturels. Pendant ce temps, l’écart économique entre le Canada atlantique et le reste du pays continue de s’élargir. »
McKenna a souligné plusieurs projets d’exploitation des ressources retardés ou controversés dans la région, notamment des opérations minières dans le nord du Nouveau-Brunswick, des limitations d’exploration extracôtière et des différends sur la gestion forestière.
Le Conseil économique des provinces atlantiques estime que les projets d’exploitation des ressources approuvés actuellement à l’étude pourraient générer 12 000 emplois directs et indirects dans la région et ajouter environ 3,8 milliards de dollars aux PIB provinciaux au cours de la prochaine décennie.
Cependant, les défenseurs de l’environnement présents au forum ont souligné que le développement des ressources doit se faire dans des cadres stricts de durabilité.
« Il ne s’agit pas de revenir à une économie d’extraction marquée par des cycles d’expansion et de récession, » a noté Catherine Williams de la Coalition atlantique pour le climat. « Toute stratégie de développement doit prioriser la gérance environnementale à long terme et garantir que les bénéfices profitent aux communautés locales, pas seulement aux intérêts des entreprises. »
Plusieurs intervenants ont souligné des modèles réussis d’autres juridictions, particulièrement l’approche du fonds souverain de la Norvège pour les revenus pétroliers et les pratiques forestières durables de la Finlande.
« Le faux choix entre environnement et économie doit être rejeté, » a soutenu Dr Thomas Arsenault, économiste des ressources à l’Université Memorial. « Le développement moderne des ressources, lorsqu’il est correctement réglementé et géré, peut générer de la prospérité tout en maintenant l’intégrité environnementale. »
Le forum a également abordé le rôle crucial des partenariats autochtones dans le développement futur des ressources. Le chef Matthew Bernard de la Première Nation d’Abegweit a souligné que des consultations significatives et une participation économique doivent être à la base de toute stratégie de développement.
« Les Premières Nations ne s’opposent pas au développement – nous nous opposons à être exclus de la planification, des bénéfices et de la prise de décision, » a expliqué Bernard. « Une véritable réconciliation économique signifie une prospérité partagée et une responsabilité environnementale. »
Les participants au forum ont reconnu les défis de la perception publique concernant les projets d’exploitation des ressources, particulièrement suite à des controverses médiatisées comme la fermeture de l’usine Northern Pulp en Nouvelle-Écosse et les débats sur la fracturation hydraulique au Nouveau-Brunswick.
« Nous devons reconstruire la confiance du public par la transparence, des normes environnementales rigoureuses et un véritable engagement communautaire, » a suggéré Patricia Morrison, chercheure principale à l’Institut atlantique d’études de marché. « Cela signifie que l’industrie doit démontrer son engagement envers des pratiques qui vont au-delà de la simple conformité. »
La discussion sur la stratégie économique s’est étendue au-delà des ressources traditionnelles comme les mines, la foresterie et l’énergie. Plusieurs panélistes ont souligné les opportunités émergentes dans l’aquaculture durable, le développement des énergies renouvelables et la transformation à valeur ajoutée qui pourraient moderniser l’économie des ressources de la région.
« Le Canada atlantique a le potentiel de devenir un leader mondial en matière d’innovation verte dans les ressources, » a déclaré James Peterson, PDG d’Ocean Technology Atlantic. « Notre patrimoine maritime combiné à des institutions de recherche comme l’Institut Ocean Frontier nous positionne parfaitement pour un leadership dans l’économie bleue durable. »
Les mécanismes de financement fédéral ont également reçu une attention significative, les participants au forum critiquant ce que beaucoup ont décrit comme des règles du jeu inégales par rapport à d’autres régions. L’investissement fédéral par habitant dans les infrastructures critiques reste plus faible dans les provinces atlantiques que la moyenne nationale, selon les données présentées au forum.
« Si nous sommes sérieux concernant le développement de nos ressources, nous avons besoin de réseaux de transport, de systèmes énergétiques et d’infrastructures numériques qui peuvent soutenir des industries compétitives, » a noté Shelley Martin, présidente de la Chambre de commerce de l’Atlantique.
À la conclusion du forum de trois jours, les participants ont rédigé des recommandations politiques pour les gouvernements provinciaux, incluant des cadres réglementaires simplifiés, un investissement accru dans les programmes d’éducation technique et des bureaux dédiés à la coordination du développement des ressources.
Reste à voir si ces recommandations se traduiront par des changements concrets de politique, mais le message des penseurs économiques du Canada atlantique est clair: la voie de la région vers la prospérité pourrait bien être pavée par un développement responsable des ressources – si la volonté politique et le soutien public s’alignent.