J’ai récemment passé trois jours à observer le tribunal de santé mentale du Nouveau-Brunswick à Moncton, un tribunal spécialisé qui offre une voie alternative dans le système judiciaire pour les personnes atteintes de maladie mentale. Ce que j’ai vu témoigne d’un changement crucial dans la façon dont nos tribunaux traitent les accusés vulnérables—et maintenant, ce programme est sur le point de connaître une expansion significative.
« Ce tribunal donne aux gens une chance de s’attaquer aux problèmes sous-jacents qui les ont mis en conflit avec la loi en premier lieu, » a expliqué le juge Luc Labonté, qui préside ce rôle depuis sa création en 2017.
Le gouvernement provincial a annoncé la semaine dernière que le financement a été obtenu pour étendre le programme à travers le district judiciaire de Moncton d’ici 2026. Cette expansion étendra les services aux communautés environnantes, notamment Sackville, Shediac et Richibucto—triplant potentiellement la capacité du programme.
Pour les participants comme Daniel Melanson, 34 ans (qui a accordé la permission de partager son histoire), le tribunal a été transformateur. « Avant ce programme, j’entrais et sortais constamment du système judiciaire ordinaire, » m’a-t-il confié lors d’une entrevue dans un café local. « Maintenant j’ai un logement, je prends les bons médicaments, et je n’ai pas eu d’accusations depuis plus de deux ans.«
Les tribunaux de santé mentale fonctionnent selon un modèle fondamentalement différent des tribunaux criminels traditionnels. Les accusés diagnostiqués avec des maladies mentales peuvent demander que leurs cas soient détournés vers ce rôle spécialisé où l’accent passe de la punition au traitement et à la réhabilitation.
Selon les données obtenues par des demandes d’accès à l’information, le tribunal de santé mentale de Moncton a traité 412 cas depuis son ouverture, avec un taux de réussite de 68%—nettement supérieur à la moyenne de 52% pour des programmes similaires à travers le Canada.
Marie-Claude Leblanc, porte-parole du ministère de la Justice, a confirmé que l’expansion recevra un financement de 3,7 millions de dollars sur cinq ans. « Le succès du programme dans la réduction des taux de récidive a fait de cette expansion une priorité, » a-t-elle déclaré.
Dr Sarah Thompson, psychiatre légiste qui consulte pour le tribunal, a souligné les avantages économiques. « Nous avons calculé que pour chaque dollar investi dans le tribunal de santé mentale, environ 4,25 dollars sont économisés en visites aux urgences, hospitalisations et coûts d’incarcération, » a-t-elle expliqué lors de notre entrevue à son bureau à L’Hôpital de Moncton.
J’ai examiné des dossiers judiciaires montrant que 73% des diplômés du programme sont restés sans accusation deux ans après leur achèvement—une statistique frappante comparée au système traditionnel et sa porte tournante.
Cependant, le programme n’est pas sans défis. Pendant mon observation, j’ai remarqué de sévères limitations de ressources. Le tribunal ne fonctionne actuellement qu’un jour par semaine avec un seul juge dédié et une équipe de santé mentale.
« Nous refusons environ la moitié de tous les candidats simplement parce que nous n’avons pas la capacité, » a admis Rachel Blanchard, coordonnatrice de santé mentale du tribunal. « L’expansion ne peut pas arriver assez tôt. »
Le programme exige que les participants assistent régulièrement aux audiences, rencontrent des professionnels de la santé mentale, suivent des plans de traitement et s’abstiennent de substances lorsque cela fait partie de leur problème sous-jacent.
Me Martin Goguen, avocat de la défense qui représente régulièrement des clients au tribunal de santé mentale, croit que le programme aborde une faille fondamentale dans notre système judiciaire. « Plusieurs de mes clients se sont retrouvés face à des accusations criminelles en raison de maladies mentales non traitées, » a-t-il dit. « Ce tribunal reconnaît enfin cette réalité. »
Des critiques ont soulevé des préoccupations concernant la coercition potentielle—les accusés pourraient se sentir contraints de plaider coupable pour accéder aux avantages du programme. Mais le juge en chef de la Cour provinciale, Marco Cloutier, insiste sur des protections rigoureuses.
« La participation est complètement volontaire, et nous nous assurons que les accusés comprennent exactement ce à quoi ils consentent, » m’a dit le juge Cloutier. « L’objectif est la guérison, pas de forcer les gens au traitement. »
Le ministère de la Justice du Nouveau-Brunswick a publié une étude d’évaluation montrant que le programme a réduit les visites aux urgences parmi les participants de 62% et diminué les interactions avec la police de 71%. J’ai vérifié ces statistiques par rapport aux dossiers d’admission hospitalière fournis par le Réseau de santé Horizon.
La division du Nouveau-Brunswick de l’Association canadienne pour la santé mentale a plaidé pour cette expansion depuis des années. « Nous voyons de première main comment cette approche change des vies, » a déclaré la directrice exécutive Christa Baldwin. « La maladie mentale ne devrait pas être criminalisée. »
Pour des communautés comme Richibucto, qui a connu une augmentation des appels policiers liés à la santé mentale, l’expansion offre de l’espoir. Le maire Roger Doiron m’a dit par téléphone que sa communauté a désespérément besoin de ces services: « Nos agents ne sont pas équipés pour gérer les crises de santé mentale, pourtant ils sont souvent les premiers intervenants. »
Alors que les juridictions à travers le Canada sont aux prises avec la surincarcération et des systèmes judiciaires surchargés, l’expansion des tribunaux de santé mentale du Nouveau-Brunswick représente un investissement important dans une approche plus humaine de la justice.
« Je ne serais pas en vie aujourd’hui sans ce programme, » m’a confié Daniel Melanson alors que nous terminions notre entrevue. « J’espère que plus de gens auront la même chance que j’ai eue.«