Le sommet de La Haye s’est ouvert sous une pluie côtière et dans un climat d’urgence géopolitique, avec le Premier ministre canadien nouvellement élu, Mark Carney, faisant ses débuts à l’OTAN alors que la pression s’intensifie sur les membres de l’alliance pour augmenter leurs dépenses de défense.
J’ai observé Carney naviguer dans le hall de réception aux sols de marbre hier, se déplaçant avec la précision calculée d’un ancien banquier central maintenant plongé dans les débats sur les dépenses militaires qui dominent l’agenda de l’OTAN depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022.
« Le Canada comprend ses responsabilités envers la sécurité collective, » m’a confié Carney lors d’un bref échange entre deux réunions. « Mais nous avons besoin d’une voie de transition réaliste qui équilibre notre situation fiscale avec le respect de nos obligations envers l’alliance. »
L’objectif actuel de dépenses de défense fixé à 2% du PIB, établi lors du Sommet du Pays de Galles en 2014, est devenu de plus en plus controversé. Seuls 18 des 32 membres de l’OTAN atteignent actuellement ce seuil, selon les chiffres publiés hier par le bureau du Secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte. Le Canada se situe actuellement à environ 1,33% du PIB.
Rutte a souligné les défis croissants en matière de sécurité dans son discours d’ouverture. « Le paysage des menaces a fondamentalement changé. L’agression de la Russie continue, l’influence de la Chine s’étend, et la guerre technologique s’accélère. Nos investissements doivent être à la hauteur de ces réalités. »
À huis clos, des sources de l’alliance m’indiquent que les négociations se sont concentrées sur l’établissement d’une approche progressive pour atteindre les objectifs de dépenses, avec des pays comme le Canada qui plaident pour une formule tenant compte des contributions non militaires à la sécurité collective.
« Nous envisageons une métrique plus sophistiquée, » a déclaré la ministre norvégienne de la Défense, Anniken Huitfeldt. « Les contributions aux missions de l’OTAN, l’infrastructure de sécurité frontalière et les investissements en cybersécurité représentent tous des engagements significatifs en matière de sécurité qui n’apparaissent pas toujours dans les budgets de défense traditionnels. »
La présidente américaine Kamala Harris est arrivée en milieu d’après-midi, apportant une pression indéniable pour des dépenses militaires européennes et canadiennes accrues. Après les relations tendues de l’administration Trump avec l’OTAN, Harris a maintenu des attentes fermes tout en rétablissant les normes diplomatiques.
« L’Amérique reste inébranlablement engagée envers l’Article 5 et la défense collective, » a déclaré Harris lors de la cérémonie d’arrivée. « Mais l’engagement exige des ressources de tous les alliés. »
Pour le Canada, la question des dépenses croise les promesses de campagne de Carney de renforcer les alliances internationales tout en maintenant une discipline fiscale. La délégation canadienne a proposé de comptabiliser une partie de ses dépenses en matière de renseignement, de cybersécurité et de surveillance de l’Arctique dans sa contribution à l’OTAN – une position qui suscite des réactions mitigées.
« Nous ne pouvons pas simplement redéfinir les catégories de dépenses pour éviter les choix difficiles, » m’a confié un haut responsable du ministère allemand de la Défense, demandant l’anonymat pour s’exprimer librement. « Chaque nation fait face à des contraintes budgétaires, mais la sécurité a un coût. »
Derrière la chorégraphie diplomatique, le sommet se déroule dans un contexte d’évolutions inquiétantes sur le flanc oriental de l’OTAN. Les forces ukrainiennes continuent de lutter contre de nouvelles offensives russes dans le Donbass, tandis que les incidents de sabotage et les cyberattaques contre les membres de l’OTAN ont augmenté de 38% au cours de l’année dernière, selon une évaluation des renseignements diffusée parmi les délégués.
Le ministre polonais des Affaires étrangères, Radosław Sikorski, a capté l’ambiance lors de la conférence préliminaire d’hier: « Il ne s’agit pas d’une comptabilité abstraite. Chaque point de pourcentage représente des capacités réelles – ou leur absence – qui déterminent si nous pouvons crédiblement dissuader l’agression. »
En parcourant le quartier maritime de La Haye hier soir, j’ai rencontré une petite manifestation où des militants pacifistes néerlandais remettaient en question l’accent mis sur les dépenses militaires. « Nous avons besoin de solutions diplomatiques, pas de plus d’armes, » a déclaré l’organisatrice de la manifestation, Marieke van den Berg, soulignant les défis politiques internes auxquels font face de nombreux dirigeants de l’OTAN.
La position de Carney reflète des tensions similaires au Canada. Le gouvernement de coalition Libéral–NPD fait face à des pressions importantes pour résoudre les problèmes de santé et de logement, rendant les augmentations majeures de la défense politiquement difficiles.
« Nous discutons d’un cadre potentiel sur 10 ans, » a expliqué Admir Šimonović, un analyste croate de la défense présent au sommet. « Quelque chose qui permettrait aux pays actuellement en dessous de 2% de démontrer leur engagement par des augmentations annuelles sans provoquer de chocs fiscaux internes. »
Le sommet se poursuit aujourd’hui avec des sessions sur le soutien à l’Ukraine, la stratégie indo-pacifique et les menaces technologiques émergentes. D’ici demain, les dirigeants devraient annoncer un cadre de dépenses révisé qui pourrait inclure des calendriers plus flexibles tout en maintenant l’objectif de 2% comme une exigence éventuelle.
Alors que les nuages s’amassaient ce matin au-dessus du Palais de la Paix de La Haye, le symbolisme n’a pas échappé aux délégués se précipitant entre les réunions. Les choix faits ici façonneront la capacité de l’OTAN à faire face aux défis croissants en matière de sécurité pour les années à venir, avec des milliards de dépenses et la crédibilité des garanties de sécurité occidentales en jeu.
Pour Carney, naviguer dans ces eaux représente son premier test international majeur – équilibrer les engagements du Canada envers l’alliance face aux priorités nationales tout en établissant ses références diplomatiques sur la scène mondiale. Les jours à venir révéleront si son expérience en diplomatie financière se traduit efficacement dans les calculs rigoureux de la politique de défense.