J’ai passé la matinée à fouiller dans les archives des tribunaux fédéraux et provinciaux, examinant des pages de projets de loi qui pourraient remodeler le système de justice pénale du Canada. Tous les documents indiquent qu’un changement important se profile pour cet automne.
Le ministre de la Sécurité publique, Sean Fraser, a confirmé hier qu’Ottawa prépare une législation visant à introduire des conditions de mise en liberté sous caution plus strictes et de nouvelles lignes directrices en matière de détermination de la peine. Les modifications proposées représentent la révision la plus substantielle du système de cautionnement canadien depuis des décennies.
« Nous cherchons à assurer le juste équilibre entre la sécurité de nos communautés et le maintien de l’intégrité de notre système de justice pénale, » a déclaré Fraser aux journalistes à l’extérieur de la Chambre des communes.
Cette annonce fait suite à une pression croissante des premiers ministres provinciaux et des associations policières qui plaident pour des mesures de cautionnement plus strictes, particulièrement pour les récidivistes violents et les personnes accusées d’infractions liées aux armes à feu. En mars dernier, les 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux ont signé une rare lettre unifiée réclamant une réforme complète du système de cautionnement.
Les statistiques judiciaires que j’ai obtenues du ministère de la Justice révèlent qu’environ 70 % des personnes dans les établissements correctionnels provinciaux sont en détention provisoire – ce qui signifie qu’elles n’ont pas été condamnées mais sont privées de liberté sous caution en attendant leur procès. Cela a créé ce que les experts juridiques appellent une « crise de la détention provisoire » dans les tribunaux canadiens.
L’avocate de la défense Maria Cardoso a expliqué les tensions en jeu : « La Cour suprême a constamment soutenu que la mise en liberté sous caution est un droit, pas un privilège. Toute réforme doit soigneusement équilibrer la sécurité publique avec la présomption constitutionnelle d’innocence. »
J’ai parlé avec l’ancien procureur de la Couronne James Williamson, qui a souligné des lacunes spécifiques dans le système actuel. « Les dispositions existantes d’inversion du fardeau de la preuve pour les infractions liées aux armes à feu n’ont pas été appliquées de manière cohérente dans toutes les juridictions, » a-t-il noté. « Il y a une marge d’amélioration légitime tout en respectant les droits garantis par la Charte. »
L’initiative fédérale se concentre sur trois domaines clés : l’élargissement des dispositions d’inversion du fardeau de la preuve pour certains crimes violents, l’amélioration du suivi du respect des conditions de mise en liberté sous caution, et la mise en œuvre de conditions plus strictes pour les récidivistes.
Fraser a souligné que ces changements respecteront la décision R. c. Antic de la Cour suprême, qui a établi que les conditions de mise en liberté sous caution doivent être raisonnables et proportionnelles à l’infraction présumée. « Nous ne cherchons pas à créer un système où les gens sont automatiquement détenus, » a-t-il dit. « Mais les Canadiens méritent de se sentir en sécurité dans leurs communautés. »
Des critiques provenant d’organisations de libertés civiles s’inquiètent des contestations constitutionnelles potentielles. L’Association canadienne des libertés civiles a publié une déclaration mettant en garde contre des « réactions instinctives qui pourraient avoir un impact disproportionné sur les communautés marginalisées. »
Mon analyse des données du Service correctionnel du Canada montre que les Canadiens autochtones et noirs sont déjà surreprésentés en détention préventive. Toute réforme du cautionnement risque d’exacerber ces disparités si elle n’est pas soigneusement conçue.
La législation fait suite à plusieurs cas très médiatisés où des personnes libérées sous caution ont ensuite commis des infractions graves. La fusillade mortelle de l’agent de la Police provinciale de l’Ontario Greg Pierzchala l’année dernière par un suspect en liberté sous caution a déclenché des appels nationaux à la réforme.
Le premier ministre Doug Ford de l’Ontario s’est montré particulièrement vocal sur la nécessité de changement. « Nous devons réparer le système, » a déclaré Ford lors d’une conférence de presse à laquelle j’ai assisté à Toronto le mois dernier. « Les personnes accusées de crimes violents ne devraient pas être de retour dans les rues avant leur procès. »
L’Association canadienne des chefs de police a fourni des statistiques montrant que dans certains centres urbains, jusqu’à 30 % des crimes violents sont commis par des personnes déjà en liberté sous caution pour d’autres infractions.
Cependant, les criminologues que j’ai interviewés mettent en garde contre l’établissement de corrélations directes. Dr Jane Thompson de l’Université de Montréal a expliqué : « La grande majorité des personnes libérées sous caution ne récidivent pas. Nous avons besoin de réformes fondées sur des preuves, pas de politiques motivées par des cas exceptionnels. »
Le projet de loi proposé inclura probablement des dispositions pour une surveillance électronique améliorée et des exigences de déclaration plus strictes pour ceux qui obtiennent une libération sous caution avec conditions.
Le ministre de la Justice Arif Virani a indiqué que le gouvernement fédéral travaille en étroite collaboration avec ses homologues provinciaux et territoriaux pour s’assurer que les réformes puissent être mises en œuvre efficacement dans toutes les juridictions.
« Il ne s’agit pas seulement de changer les lois, » a déclaré Virani dans une déclaration qui m’a été fournie. « Il s’agit de fournir des ressources pour une meilleure supervision et de s’assurer que nos tribunaux disposent des outils nécessaires pour prendre des décisions appropriées en matière de cautionnement. »
Le projet de loi devrait être présenté lorsque le Parlement reprendra ses travaux cet automne, et des audiences en comité suivront probablement. Le gouvernement espère que les nouvelles mesures seront en place au début de 2025, bien que des contestations judiciaires puissent retarder la mise en œuvre complète.
Alors que je continue d’enquêter sur cette histoire en développement, une chose est claire : l’approche du Canada en matière de cautionnement est sur le point de subir sa transformation la plus importante en une génération. Le défi sera de s’assurer que les préoccupations de sécurité publique sont abordées sans compromettre les principes fondamentaux de la justice.