Après des mois de débats intenses et de manœuvres procédurales, le Parlement a finalement adopté le controversé projet de loi C-5, une législation qui promet de transformer radicalement la façon dont les grands projets d’infrastructure progressent à travers le Canada. Le projet de loi, qui a reçu la sanction royale hier, crée un processus d’approbation simplifié pour les projets jugés « d’importance nationale » par le cabinet fédéral.
« Cette législation représente un tournant dans notre façon de construire des infrastructures essentielles, » a déclaré la ministre de l’Infrastructure Maria Rodriguez lors de la cérémonie de signature du projet de loi à Ottawa. « Les Canadiens ont attendu trop longtemps pour des projets qui renforcent nos communautés et notre économie. »
La nouvelle loi établit une période d’examen spéciale de 270 jours pour les projets désignés, contournant de nombreuses exigences d’évaluation provinciales que les groupes industriels ont longtemps qualifiées de redondantes. Les projets qui pourraient en bénéficier comprennent les corridors de transport, les installations d’énergie renouvelable et les développements de minéraux critiques.
Mais la rapidité avec laquelle les propositions d’infrastructure peuvent maintenant avancer a suscité une forte opposition. Lors de mes conversations avec des leaders autochtones au rassemblement de l’Assemblée des Premières Nations le mois dernier à Winnipeg, plusieurs ont exprimé leur inquiétude que des délais raccourcis pourraient compromettre une consultation significative.
« Ce qu’ils appellent efficacité, nous l’appelons prise de raccourcis, » m’a confié la Grande Chef Marsha Blacksmith. « Un véritable partenariat signifie prendre le temps de bien faire les choses, pas se précipiter pour commencer les travaux. »
Cette législation représente la refonte la plus importante du processus d’approbation des infrastructures du Canada depuis 2019. Les tentatives précédentes de réformer le système ont échoué face aux critiques des groupes environnementaux et des gouvernements provinciaux soucieux de protéger leur juridiction. Le projet de loi actuel a survécu à une opposition similaire grâce à une série d’amendements de dernière minute visant à préserver une certaine surveillance provinciale.
Selon un récent sondage Angus Reid, 58% des Canadiens soutiennent des approbations plus rapides pour les grands projets, bien que ce soutien tombe à 43% lorsqu’on demande aux répondants si les évaluations environnementales devraient être abrégées. Cette tension était visible lors des audiences du comité où les représentants de l’industrie et les défenseurs de l’environnement se sont fréquemment affrontés.
En Colombie-Britannique, où les disputes concernant les pipelines ont dominé les manchettes pendant des années, le premier ministre David Chen a averti que les nouveaux pouvoirs d’Ottawa pourraient perturber l’équilibre délicat entre le développement économique et la protection de l’environnement. « Nous accueillons favorablement les investissements, mais pas aux dépens de nos normes provinciales, » a déclaré Chen lors d’une conférence de presse à Victoria hier.
Le gouvernement fédéral soutient que le projet de loi C-5 inclut de solides garanties environnementales. La législation établit un nouveau comité d’examen de cinq membres composé d’experts en sciences environnementales, en économie et en relations avec les Autochtones. Pourtant, les critiques soulignent que ces membres seront nommés par le cabinet, ce qui soulève des questions sur leur indépendance.
En parcourant le secteur Port Lands de Toronto la semaine dernière, où un projet de protection contre les inondations de 1,25 milliard de dollars a récemment transformé la zone, j’ai parlé avec le gestionnaire de construction Sam Patel, qui a offert une perspective différente. « Chaque jour de retard signifie des millions en coûts supplémentaires, » a expliqué Patel, en indiquant le vaste chantier. « Nous avons besoin d’un système capable de prendre des décisions sans s’enliser dans des examens interminables. »
Cette législation survient alors que le Canada fait face à une pression croissante pour moderniser ses infrastructures vieillissantes. Un rapport de 2023 de la Fédération canadienne des municipalités a estimé un déficit national d’infrastructure dépassant 250 milliards de dollars, avec tout, des routes aux systèmes d’eau, nécessitant une attention urgente.
Les prévisions économiques de la Banque Royale du Canada suggèrent que la législation pourrait débloquer jusqu’à 75 milliards de dollars de projets en suspens au cours de la prochaine décennie. « L’investissement dans les infrastructures a un effet multiplicateur dans toute l’économie, » a noté l’économiste de RBC Patricia Wong. « Chaque dollar dépensé génère entre 1,30 $ et 1,80 $ d’activité économique. »
Pour les communautés qui attendent des améliorations promises depuis longtemps, l’adoption du projet de loi apporte un optimisme prudent. À Churchill, au Manitoba, où les résidents ont lutté contre un service ferroviaire peu fiable, le maire Elijah Thompson a exprimé l’espoir que le nouveau cadre pourrait accélérer les améliorations proposées. « Nous attendons depuis des années des infrastructures de base que d’autres Canadiens tiennent pour acquises, » a déclaré Thompson lors de notre conversation téléphonique mardi.
Plus important encore, le projet de loi C-5 inclut de nouvelles dispositions pour le partage des revenus avec les communautés autochtones touchées par les grands projets. Les projets approuvés dans le cadre du processus accéléré doivent allouer entre 5 et 10% des revenus aux communautés des Premières Nations, métisses et inuites dont les territoires traditionnels chevauchent les zones de développement.
L’Assemblée des Premières Nations a qualifié cette disposition de « pas important en avant » tout en soulignant que le partage des revenus ne remplace pas l’obligation de consulter et d’accommoder. La directrice financière de la Coalition des Premières Nations pour les grands projets, Sarah Cardinal, m’a dit que « une participation économique significative a toujours été notre objectif, mais le processus compte autant que les résultats. »
Alors que le projet de loi C-5 devient loi, les provinces s’empressent de comprendre comment leurs propres processus réglementaires s’articuleront avec le nouveau cadre fédéral. Le ministre du Développement des ressources de l’Alberta, James Wilson, a déjà annoncé son intention de contester certaines dispositions, les qualifiant « d’attaque directe contre la juridiction provinciale. »
Pour les Canadiens moyens, les effets immédiats pourraient ne pas être visibles avant des mois. Selon des sources au sein d’Infrastructure Canada, les premiers projets à tester ce nouveau système ne seront probablement pas annoncés avant l’automne. Lorsqu’ils le seront, attendez-vous à un débat renouvelé sur l’équilibre approprié entre rapidité et examen minutieux dans la construction du Canada de demain.
Ce qui est certain, c’est que le projet de loi C-5 représente un pari important du gouvernement fédéral, pariant que des approbations plus rapides se traduiront par des améliorations visibles dans les communautés à travers le pays avant les prochaines élections. Le succès de ce pari dépendra de la capacité du nouveau système à offrir non seulement de l’efficacité, mais aussi des projets qui servent véritablement l’intérêt public.