La pluie fouette le rivage quand j’arrive à la plage de Kitsilano. Dans la lumière grise du matin, Denise Wong, technicienne en conservation marine au Centre de recherche sur les écosystèmes aquatiques de Vancouver, est déjà plongée dans son travail – littéralement. Elle recueille des échantillons de microplastiques dans la zone de marée, tamisant méthodiquement le sable et les débris.
« Il y a cinq ans, cette plage nous donnait au moins trois douzaines de sacs plastiques lors d’une journée de collecte standard, » me confie Wong, sa veste de pluie luisante d’humidité. « Aujourd’hui, je m’estime chanceuse si j’en trouve deux. »
Cette réduction spectaculaire des déchets de sacs plastiques n’est pas simplement anecdotique. Une nouvelle étude complète publiée dans le Journal canadien des sciences environnementales confirme ce que les défenseurs de l’environnement soupçonnaient depuis longtemps : les interdictions de sacs plastiques réduisent considérablement la pollution environnementale.
L’étude évaluée par des pairs, menée sur trois ans dans 17 municipalités canadiennes, a révélé que les communautés ayant interdit les sacs plastiques ont connu une réduction de 71 % des déchets liés aux sacs par rapport à celles sans politiques similaires. Cette recherche représente l’analyse la plus exhaustive à ce jour de l’efficacité de la législation sur les sacs plastiques en Amérique du Nord.
« Les preuves sont claires et convaincantes, » explique Dr. Michael Cheng, chercheur principal et expert en politique environnementale à l’Université de la Colombie-Britannique. « Lorsqu’elles sont correctement mises en œuvre et appliquées, les interdictions de sacs plastiques entraînent des diminutions mesurables de la contamination environnementale. »
J’ai été témoin de cette transformation pour la première fois en couvrant la stratégie de réduction des plastiques à usage unique de Vancouver en 2018. À l’époque, les groupes environnementaux faisaient face à une opposition significative des représentants de l’industrie qui remettaient en question les bénéfices environnementaux réels des interdictions, craignant qu’elles ne fassent qu’incommoder les consommateurs.
L’interdiction nationale du gouvernement fédéral sur la fabrication et l’importation de plastiques à usage unique est entrée en vigueur en décembre 2022, suivie d’une interdiction de leur vente en décembre 2023. Mais des municipalités individuelles avaient déjà mis en œuvre leurs propres réglementations depuis des années, créant une expérience naturelle pour les chercheurs.
« Ce qui rend cette étude particulièrement précieuse, c’est que nous avons pu comparer des communautés similaires avec et sans interdictions, » affirme Cheng. « Nous avons contrôlé des facteurs comme la densité de population, la proximité côtière et les impacts du tourisme pour isoler l’effet des interdictions elles-mêmes. »
La méthodologie de recherche comprenait des audits trimestriels de déchets menés selon des protocoles standardisés développés par Environnement et Changement climatique Canada. Les chercheurs ont compté et catégorisé tous les déchets plastiques visibles dans des zones de collecte désignées, avec une attention particulière aux sacs plastiques à usage unique.
Au-delà des chiffres, l’étude révèle un changement culturel. À Victoria, qui a mis en œuvre l’une des premières interdictions municipales du Canada en 2018, les chercheurs ont documenté l’évolution des comportements des consommateurs par le biais d’enquêtes et d’entretiens.
« Au début, il y avait de la résistance, » se souvient Caroline Tai, coordinatrice des services environnementaux de Victoria, qui n’a pas participé à l’étude. « Mais nous avons observé une normalisation complète des sacs réutilisables. Ce qui était autrefois perçu comme un inconvénient fait maintenant simplement partie de la vie quotidienne. »
Les résultats remettent en question les affirmations persistantes de l’industrie selon lesquelles les interdictions de sacs plastiques ne feraient que déplacer les problèmes environnementaux plutôt que de les résoudre. Les critiques ont soutenu que des alternatives comme les sacs en papier ou les sacs plastiques « réutilisables » plus épais pourraient avoir une empreinte carbone plus importante ou finir également comme déchets.
L’étude a abordé ces préoccupations en examinant des flux de déchets plus larges et a constaté que, bien que l’utilisation de sacs en papier ait initialement augmenté dans les communautés avec des interdictions de sacs plastiques, cet effet a diminué avec le temps à mesure que les consommateurs s’adaptaient aux alternatives réutilisables. De plus, le volume total de déchets liés aux sacs a diminué significativement dans toutes les communautés avec interdiction.
« Nous avons effectivement observé des effets de substitution dans les 6 à 12 premiers mois après la mise en œuvre, » reconnaît Dr. Cheng. « Mais la tendance à long terme montre un avantage net clair pour la réduction des déchets. »
Pour les communautés autochtones côtières, dont beaucoup ont mis en œuvre des interdictions avant les réglementations provinciales ou fédérales, les résultats valident les connaissances traditionnelles sur la protection des écosystèmes marins.
« Nous disons depuis des générations que ces matériaux n’ont pas leur place dans nos eaux, » déclare Megan Humchitt, conseillère de la Nation Heiltsuk de Bella Bella, en Colombie-Britannique. « Notre communauté a interdit les sacs plastiques en 2017 parce que nous constations de première main comment ils affectaient la vie marine et nos systèmes alimentaires. »
Le territoire de la Nation Heiltsuk dans la Forêt pluviale du Grand Ours abrite certains des écosystèmes marins les plus productifs et diversifiés du Canada. Lors de ma visite en 2019 pour rendre compte de leurs initiatives environnementales, des membres de la communauté m’ont montré comment les déchets plastiques avaient infiltré même les rivages les plus éloignés.
L’étude a révélé que les communautés autochtones côtières qui ont mis en œuvre des interdictions ont connu parmi les réductions les plus spectaculaires de pollution par sacs plastiques – avec des diminutions allant jusqu’à 89 % dans certains endroits.
Bien que la recherche confirme l’efficacité des interdictions, elle met également en évidence des domaines d’amélioration. Les communautés avec des campagnes d’éducation robustes et celles fournissant un accès abordable à des alternatives réutilisables ont montré de meilleurs résultats que celles se contentant de mettre en œuvre des interdictions.
Ces résultats arrivent à un moment critique. Le gouvernement fédéral fait face à une contestation juridique de la part des fabricants de plastique qui affirment que la désignation du plastique comme « toxique » en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement outrepasse l’autorité réglementaire. Une Cour fédérale a statué contre le gouvernement en novembre 2023, bien qu’Ottawa ait fait appel de cette décision.
Pendant ce temps, Environnement et Changement climatique Canada estime que les Canadiens utilisent environ 15 milliards de sacs plastiques par an, dont des millions se retrouvent dans les cours d’eau. Les sacs plastiques peuvent prendre des centaines d’années pour se décomposer, se dégradant en microplastiques qui contaminent les systèmes d’eau et entrent dans les chaînes alimentaires.
De retour à la plage de Kitsilano, Wong catalogue soigneusement les échantillons de microplastiques du jour, qui seront analysés au laboratoire d’océanographie de l’UBC. Si les sacs plastiques sont moins visibles sur nos rivages, l’héritage de décennies de pollution plastique demeure.
« Ces interdictions ne sont qu’un début, » dit Wong, en désignant l’eau. « Mais elles prouvent que les changements de politique peuvent faire une réelle différence. L’étude confirme ce que nous observons sur le terrain – quand nous faisons de meilleurs choix sur terre, nos océans en bénéficient. »
Alors que je me prépare à partir, une famille arrive à la plage, leurs sacs d’épicerie réutilisables reconvertis pour transporter des provisions de pique-nique. Leur fille court devant, seau à la main, prête à explorer les mares de marée. C’est un petit moment qui capture quelque chose de significatif : à quelle vitesse de nouvelles habitudes peuvent devenir naturelles, et comment les politiques peuvent contribuer à façonner une relation différente avec notre environnement.