La sécurité financière à la retraite : un défi croissant pour les Canadiens
En observant mon père noter méticuleusement chaque dollar dans son carnet en cuir usé, j’ai compris l’importance de la sécurité financière bien avant de saisir les concepts d’intérêts composés ou de comptes fiscalement avantageux. Aujourd’hui, alors que le Canada fait face à une tempête économique parfaite — inflation persistante, coûts du logement qui défient la gravité et espérance de vie qui s’allonge — cette discipline à l’ancienne semble plus pertinente que jamais.
« La plupart des Canadiens sous-estiment considérablement ce dont ils auront besoin pour la retraite, » explique Melissa Leong, experte en finances personnelles et auteure avec qui j’ai discuté la semaine dernière. « L’écart entre la perception et la réalité n’a jamais été aussi grand. »
Les chiffres lui donnent raison. Une récente enquête de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada a révélé que, bien que 66 % des Canadiens épargnent activement pour leur retraite, seulement 37 % sont confiants d’épargner suffisamment. Ce manque de confiance survient à un moment où l’équation traditionnelle de la retraite est en pleine réécriture.
L’époque où le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse couvraient confortablement les besoins essentiels est révolue. Les retraités d’aujourd’hui font face à un paysage où les coûts de santé dépassent l’inflation, le logement reste cher même après avoir réduit la taille de sa maison, et beaucoup soutiennent leurs enfants adultes plus longtemps que prévu.
« Pensez à la planification de la retraite comme à l’entraînement pour un marathon, pas un sprint, » conseille David Chilton, auteur de « L’Homme au Carnet de Chèques ». « Le renforcement de la santé financière nécessite des années d’efforts constants. »
Pour les Canadiens qui souhaitent éviter la précarité à la retraite — que Statistique Canada définit comme vivre avec moins de 25 000 $ par année pour les célibataires — le chemin à suivre exige à la fois discipline et stratégie.
La règle des 30 % qui a tout changé
Lorsque Christine Tang, développeuse de logiciels de 43 ans de Vancouver, a réalisé que son épargne-retraite ne suivait pas son style de vie, elle a mis en place ce qu’elle appelle la « solution des 30 % » — diriger automatiquement 30 % de chaque augmentation de salaire vers son épargne-retraite avant que l’inflation du mode de vie ne puisse l’absorber.
« Je ne regrette jamais ce que je ne vois jamais, » m’a confié Tang. « Sur 15 ans, cette habitude a ajouté près de 340 000 $ à mon portefeuille de retraite. »
L’approche de Tang illustre ce que les spécialistes de la retraite recommandent de plus en plus : des garde-fous comportementaux qui nous protègent de nos pires impulsions financières. Plutôt que de compter uniquement sur la volonté, des systèmes automatiques assurent un progrès constant.
L’amélioration du RPC que de nombreux Canadiens ignorent
Lorsque le Régime de pensions du Canada a été bonifié à partir de 2019, cela a créé ce qui pourrait être l’opportunité de planification de retraite la plus négligée par les Canadiens. L’amélioration augmente progressivement le taux de remplacement du revenu de 25 % à 33 % des gains ouvrant droit à pension.
« La plupart des Canadiens à qui je parle ne réalisent pas qu’ils peuvent planifier stratégiquement la date de perception de leur RPC pour maximiser les prestations à vie, » explique Alexandra Macqueen, spécialiste du revenu de retraite. « Chaque année de report après 65 ans, jusqu’à 70 ans, augmente votre paiement de 8,4 % de façon permanente. »
Pour un Canadien ayant droit à la prestation maximale du RPC, la différence entre la percevoir à 60 ans plutôt qu’à 70 ans peut représenter plus de 10 000 $ par an — une somme importante qui s’accumule tout au long de la retraite.
L’angle mort de l’efficacité fiscale
Bien que les Canadiens contribuent diligemment aux REER et aux CELI, beaucoup manquent des opportunités de retraits fiscalement efficaces à la retraite. Cette négligence peut coûter aux retraités des milliers de dollars en impôts inutiles.
« La séquence des retraits peut être aussi importante que le montant épargné, » affirme Jamie Golombek, directeur général de la planification fiscale et successorale à la CIBC. « Puiser dans les mauvais comptes au mauvais moment pourrait déclencher des récupérations de prestations liées au revenu comme la SV. »
Une stratégie de retrait appropriée implique généralement une coordination minutieuse entre les comptes imposables, les CELI et les régimes enregistrés comme les REER et les FERR. L’objectif : maintenir le taux d’imposition marginal le plus bas possible tout au long de la retraite tout en préservant les prestations gouvernementales.
Pour Edward Chen, 71 ans, résident de Milton, la mise en œuvre d’un plan de retrait stratégique a permis d’économiser environ 4 700 $ d’impôts l’année dernière. « Mon comptable a effectué des simulations montrant que je pourrais économiser près de 60 000 $ d’impôts pendant ma retraite en retirant des différents comptes dans une séquence spécifique, » explique Chen.
Le défi de la longévité dont personne ne parle
Le risque le plus important pour les retraités canadiens n’est peut-être pas la volatilité du marché ou l’inflation, mais de survivre à leur argent. Avec l’espérance de vie canadienne dépassant maintenant 82 ans et beaucoup vivant bien au-delà de 90 ans, l’épargne-retraite doit s’étirer plus que jamais.
« Nous planifions des retraites de 30 ans comme nouvelle norme, » note la chercheuse en retraite Bonnie-Jeanne MacDonald de l’Institut national sur le vieillissement. « Mais nos habitudes d’épargne et nos stratégies de retrait n’ont pas rattrapé cette réalité. »
MacDonald souligne des recherches montrant que les Canadiens sous-estiment généralement leur espérance de vie de 5 à 8 ans lors de la planification de la retraite — un calcul erroné qui augmente considérablement le risque d’épuiser son épargne.
Une solution émergente est l’assurance longévité — des rentes différées qui commencent les paiements à un âge avancé, généralement 80 ou 85 ans. Ces produits peuvent fournir un revenu garanti pendant les dernières années de vie lorsque d’autres économies pourraient être épuisées.
L’énigme de la richesse immobilière
Pour de nombreux Canadiens, leur maison représente leur actif le plus important. Pourtant, l’utilisation de la richesse immobilière pour la retraite reste controversée.
« Les Canadiens sont émotionnellement attachés à leurs maisons et réticents à les inclure dans la planification de la retraite, » observe la courtière hypothécaire Angela Calla. « Mais pour beaucoup, la valeur nette de leur maison représente la différence entre une retraite confortable et des difficultés financières. »
Les options pour exploiter la richesse immobilière comprennent la réduction de la taille du logement, les prêts hypothécaires inversés et les stratégies de HELOC. Chacune comporte des compromis entre liquidité immédiate, coûts à long terme et préservation du patrimoine.
Roy et Priya Sharma, propriétaires à Toronto, ont récemment déménagé de leur maison familiale de 4 chambres à un condo de 2 chambres, libérant 850 000 $ qu’ils ont investis pour générer environ 42 500 $ de revenu annuel de retraite.
« L’ajustement émotionnel a été difficile, » admet Priya. « Mais la liberté financière a transformé notre retraite. Nous voyageons davantage, nous nous inquiétons moins, et nous avons encore quelque chose de significatif à laisser à nos enfants. »
Bâtir une retraite qui fonctionne
Le paysage de la retraite pour les Canadiens continue d’évoluer. La diminution de la couverture des régimes de retraite en milieu de travail, la volatilité des marchés d’investissement et l’évolution des structures familiales compliquent tous la planification. Pourtant, certains principes restent intemporels.
En observant mon père suivre méticuleusement ses finances il y a des décennies, je n’appréciais pas l’impact à long terme de son approche disciplinée. Aujourd’hui, alors qu’il profite d’une retraite confortable à 78 ans, la leçon est claire : la sécurité financière à la retraite n’arrive pas par accident. Elle se construit grâce à des habitudes constantes, des décisions éclairées et une planification stratégique — un dollar à la fois.