La pénurie dans les tours de contrôle aérien menace de créer des turbulences pour les voyageurs canadiens cet été, WestJet sonnant maintenant l’alarme concernant d’éventuelles perturbations généralisées durant la haute saison touristique du pays.
La compagnie aérienne basée à Calgary a récemment averti les passagers de se préparer à ce qui pourrait être un été chaotique, pointant directement du doigt ce que les initiés de l’industrie murmurent depuis des mois: le Canada n’a tout simplement pas assez de contrôleurs aériens pour gérer la hausse prévue des vols.
« Nous sommes profondément préoccupés par la capacité de Nav Canada à doter adéquatement en personnel les tours et les centres de contrôle pendant les périodes de pointe, » a déclaré Diederik Pen, directeur des opérations de WestJet, lors d’un briefing industriel la semaine dernière. « Nos planifications préliminaires montrent que nous pourrions devoir réduire les fréquences sur certaines routes si la situation ne s’améliore pas rapidement. »
Il ne s’agit pas simplement d’anxiété corporative. Les données de Transports Canada révèlent que le nombre de contrôleurs aériens a chuté de près de 15 % en dessous des niveaux optimaux dans les principaux aéroports, notamment Pearson à Toronto, l’aéroport international de Vancouver et Montréal-Trudeau. Cette crise de personnel s’est construite silencieusement en arrière-plan pendant que l’industrie se remettait des perturbations liées à la pandémie.
Derrière cette pénurie de contrôleurs se cache un parfait concours de circonstances. Une main-d’œuvre vieillissante a connu des départs à la retraite accélérés pendant la COVID-19, tandis que les programmes de formation pour les nouveaux contrôleurs ont fait face à des suspensions et des retards liés à la pandémie. Le processus de certification exigeant de cette profession nécessite généralement 12 à 18 mois de formation intensive avant que les contrôleurs puissent travailler de façon autonome.
Nav Canada, la société privée à but non lucratif qui gère les services de navigation aérienne civile du pays, reconnaît le problème mais insiste sur le fait que des plans d’urgence sont en cours d’élaboration. « Nous mettons en œuvre des stratégies de recrutement ciblées et des programmes de formation accélérés pour faire face aux défis actuels en matière de personnel, » a déclaré Diana Dunfield, vice-présidente des opérations de Nav Canada.
Toutefois, les experts en aviation demeurent sceptiques quant aux solutions rapides. James Morency, ancien contrôleur aérien et consultant en sécurité aérienne, m’a confié lors d’un entretien téléphonique que cette pénurie représente des années de planification inadéquate de la main-d’œuvre. « On ne peut pas simplement former des contrôleurs qualifiés du jour au lendemain. La précision et la gestion du stress que ce métier exige signifient qu’il n’y a pas de raccourcis dans la formation. »
Pour les passagers, l’impact potentiel pourrait dépasser les simples retards. Une réduction du personnel de contrôle nécessite souvent un espacement accru entre les aéronefs, ce qui réduit effectivement la capacité de l’espace aérien et des aéroports. Cela se traduit par des ajustements d’horaires, des consolidations de vols et, dans les pires scénarios, des annulations – particulièrement pour les routes régionales desservant les petites communautés.
L’Association canadienne du contrôle du trafic aérien alerte sur cette crise de main-d’œuvre depuis des années. Le président du syndicat, Peter Duffey, a souligné dans une récente déclaration que la fatigue des contrôleurs représente un problème de sécurité important. « Les contrôleurs font des heures supplémentaires accrues et font face à une pression croissante. Ce n’est pas viable, ni du point de vue de la rétention du personnel, ni de celui de la sécurité. »
À l’aéroport Pearson de Toronto, le plus achalandé du Canada, les responsables discutent déjà de plans d’urgence. Une source au sein de l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a révélé que les compagnies aériennes ont été invitées à envisager des ajustements d’horaires pendant les périodes de pointe pour mieux correspondre à la capacité disponible des contrôleurs.
Pour les communautés dépendantes de la connectivité aérienne, les impacts pourraient être particulièrement durs. Les régions nordiques et éloignées, qui luttent déjà avec un service limité, pourraient faire face à un isolement accru si les compagnies aériennes privilégient le maintien des horaires sur leurs routes les plus rentables.
Le ministre fédéral des Transports, Pablo Rodriguez, a promis des mesures, annonçant un groupe de travail comprenant Nav Canada, des compagnies aériennes et des représentants des contrôleurs. « Assurer que notre système d’aviation dispose de la main-d’œuvre nécessaire pour fonctionner de manière sûre et efficace est une priorité absolue, » a déclaré Rodriguez lors d’une conférence de presse à Ottawa.
Mais des critiques comme Mark Strahl, porte-parole conservateur en matière de transport, soutiennent que la réponse est trop peu, trop tard. « Ce gouvernement est au courant des pénuries imminentes de contrôleurs depuis des années et n’a pas assuré une planification adéquate de la main-d’œuvre. Maintenant, les voyageurs et les entreprises canadiennes en paieront le prix. »
Cette pénurie survient à un moment particulièrement inopportun alors que les compagnies aériennes canadiennes prévoyaient des saisons estivales record, avec une demande refoulée après des années de restrictions pandémiques. Les données de l’industrie de l’Association du transport aérien du Canada montrent que les réservations anticipées pour l’été 2024 sont 12 % plus élevées qu’en 2019, avant la pandémie.
La petite entrepreneure Melissa Chen, qui compte sur des vols réguliers entre Toronto et Vancouver pour son entreprise d’importation de vêtements, a exprimé la frustration que ressentent de nombreux voyageurs fréquents. « Après toutes les perturbations liées à la pandémie, nous pensions finalement que les voyages aériens revenaient à la normale. Et maintenant ça? Ça rend la planification des voyages d’affaires presque impossible. »
Alors que les compagnies aériennes et Nav Canada se démènent pour trouver des solutions, une chose reste claire – l’écosystème complexe qui maintient les avions en mouvement en toute sécurité dans le ciel canadien est soumis à une pression sans précédent. La capacité des autorités à recruter et à former suffisamment de contrôleurs avant le pic estival déterminera si l’avertissement de WestJet devient réalité.
Pour l’instant, les voyageurs canadiens feraient bien d’emporter une dose supplémentaire de patience avec leurs essentiels de voyage d’été.