L’agressivité et les perturbations dans les écoles de l’Alberta ont atteint de nouveaux sommets ce printemps, poussant le ministre de l’Éducation Demetrios Nicolaides à annoncer la création d’un groupe de travail qui explorera des solutions à ce que de nombreux enseignants qualifient de crise.
Cette annonce fait suite à des mois de rapports préoccupants d’éducateurs de toute la province qui décrivent des salles de classe où l’apprentissage est devenu secondaire par rapport à la gestion des explosions de violence, des dommages matériels et des menaces envers le personnel et les élèves.
« Ce que nous observons n’est pas simplement de la bousculade typique entre enfants, » explique Marie Winters, une enseignante de 4e année à Red Deer avec qui je me suis entretenu la semaine dernière. « Il y a des jours où je passe plus de temps à gérer des problèmes de sécurité qu’à enseigner le programme scolaire. »
L’enquête de l’Association des enseignants de l’Alberta publiée en avril a révélé que 85% des enseignants ont constaté une augmentation des perturbations en classe depuis la pandémie, près de la moitié signalant avoir personnellement subi des agressions physiques de la part d’élèves. Ces chiffres correspondent à ce que j’ai entendu lors de mes visites dans des écoles d’Edmonton, de Calgary et de petites communautés partout dans la province.
Nicolaides a reconnu ces réalités lors de la conférence de presse de mardi à Edmonton. « Nos enseignants méritent de se sentir en sécurité au travail, et nos élèves méritent des environnements d’apprentissage où l’éducation peut réellement avoir lieu, » a-t-il déclaré, entouré de représentants des conseils scolaires et de défenseurs des parents.
Le groupe de travail du ministre réunira des éducateurs, des spécialistes du comportement et des experts en santé mentale pour élaborer des recommandations d’ici janvier 2024. La province a engagé 3,5 millions de dollars pour des ressources de formation immédiates pendant que la stratégie à plus long terme se développe.
Certains éducateurs demeurent sceptiques quant à la possibilité que cette initiative se traduise par des changements significatifs. Jason Schilling, président de l’Association des enseignants de l’Alberta, a prudemment accueilli l’annonce tout en soulignant l’urgence de la situation.
« Les enseignants tirent la sonnette d’alarme au sujet de la violence en classe depuis des années, » m’a confié Schilling par téléphone. « Bien que nous apprécions la reconnaissance du problème par le ministre, nous avons besoin de solutions qui s’attaquent aux causes profondes, pas seulement aux symptômes. »
Ces causes profondes semblent de plus en plus complexes. La psychologue scolaire d’Edmonton, Dr Amrita Singh, évoque un parfait mélange de facteurs: perturbations développementales liées à la pandémie, augmentation du temps d’écran, diminution des compétences sociales et soutiens inadéquats en santé mentale.
« Nous constatons les conséquences de deux années d’isolement social pendant des périodes cruciales du développement, » a expliqué Singh. « De nombreux élèves n’ont tout simplement pas développé les compétences de régulation émotionnelle qu’ils auraient acquises dans des circonstances normales. »
Des parents comme Teresa Domingo de Calgary se sentent pris entre deux feux. Son fils Marcus, élève de 6e année atteint de TDAH, a été à la fois victime et instigateur de perturbations en classe.
« C’est déchirant de voir son enfant en difficulté, » a déclaré Domingo lors de notre conversation dans un café local. « Les écoles font de leur mieux, mais elles sont débordées. Marcus a besoin de plus de soutien qu’elles ne peuvent en offrir avec les ressources actuelles. »
La question du financement complique davantage les choses. Bien que le gouvernement du PCU souligne les dépenses record en éducation dans le budget 2023, les critiques notent que le financement par élève n’a pas suivi l’inflation et la croissance démographique. Cela laisse les écoles se démener pour embaucher les assistants pédagogiques et les conseillers nécessaires pour répondre aux besoins comportementaux complexes.
Sarah Hoffman, critique en éducation pour l’opposition NPD, a qualifié le groupe de travail de « tactique de retardement qui repousse les vraies solutions. »
« Les enseignants et les élèves ont besoin d’un soulagement immédiat, » a déclaré Hoffman dans un communiqué. « Cela signifie des classes plus petites, plus d’assistants pédagogiques et un meilleur accès aux soutiens en santé mentale dans les écoles dès maintenant. »
La question de la violence en classe transcende les clivages urbains-ruraux. À Medicine Hat, le directeur Derek Chartrand a décrit comment les écoles rurales font face à des défis uniques.
« Lorsque des problèmes de comportement surviennent dans les petites communautés, nous manquons souvent d’accès aux soutiens spécialisés qui pourraient être disponibles dans les grands centres, » a expliqué Chartrand. « Un élève peut attendre des mois pour voir un spécialiste en santé mentale pédiatrique. »
Malgré ces défis, des approches prometteuses ont émergé dans certains districts. La division scolaire de Lethbridge a mis en œuvre un programme de « zones de régulation » qui enseigne aux élèves à identifier et gérer leurs états émotionnels. Ils signalent une réduction de 30% des renvois au bureau pour problèmes de comportement depuis la mise en œuvre.
Le ministre Nicolaides a souligné ces initiatives locales réussies comme modèles que le groupe de travail examinera. « Nous n’avons pas besoin de réinventer la roue, » a-t-il noté. « Il existe d’excellentes approches qui fonctionnent déjà dans les salles de classe albertaines et qui pourraient être étendues à l’échelle de la province. »
Pour de nombreux enseignants, cependant, la réalité quotidienne reste difficile. L’enseignante du primaire de Calgary, Priya Sharma, a décrit l’impact sur le moral du personnel.
« Nous sommes devenus enseignants parce que nous aimons aider les enfants à apprendre, » m’a confié Sharma. « Mais de nombreuses journées ressemblent maintenant davantage à de la gestion de crise qu’à de l’éducation. C’est épuisant et insoutenable. »
Alors que l’année scolaire touche à sa fin, l’annonce du ministre offre une lueur d’espoir que septembre pourrait apporter de nouvelles approches. Mais pour les 46 000 enseignants et 730 000 élèves de l’Alberta, des solutions concrètes ne peuvent pas arriver assez vite.
La voie à suivre nécessitera probablement ce que le surintendant de Red Deer, Chad Erickson, a appelé « des conversations honnêtes sur les ressources et les attentes. »
« Nous demandons aux écoles d’être tout pour tout le monde, » a réfléchi Erickson. « Institutions académiques, fournisseurs de soins de santé mentale, agences de services sociaux—tout cela avec des ressources limitées. Quelque chose doit céder. »
Pour l’instant, le groupe de travail sur la violence en classe de l’Alberta fait face au défi considérable de transformer les bonnes intentions en solutions pratiques avant qu’une autre génération d’élèves et d’enseignants n’en paie le prix.