Sous le soleil de l’après-midi qui filtrait à travers les fenêtres de l’hôtel de ville de Victoria jeudi dernier, les membres du conseil ont voté à 7 contre 2 pour approuver un important programme de sécurité communautaire de 10 millions de dollars qui promet de transformer le centre-ville de Victoria. Ce financement survient alors que les résidents et les propriétaires d’entreprises ont de plus en plus exprimé leurs préoccupations concernant les troubles publics, la consommation de drogues en plein air et les crimes contre les biens dans le cœur de la ville.
« Nous adoptons une approche équilibrée qui répond à la fois aux préoccupations immédiates de sécurité et aux causes sous-jacentes, » a expliqué la mairesse Marianne Alto à l’issue de la tendue séance du conseil qui a duré quatre heures. « Il ne s’agit pas de choisir entre la compassion et la sécurité, mais de fournir les deux. »
Ce programme complet répartit les fonds entre trois priorités principales : des initiatives de logement avec services de soutien, une présence policière renforcée dans les zones problématiques et des équipes élargies d’intervention en santé mentale. Environ 4,2 millions de dollars renforceront les services de logement, tandis que 3,8 millions augmenteront les ressources policières spécifiquement pour les patrouilles du centre-ville. Les 2 millions restants permettront d’étendre les équipes d’intervention en santé mentale qui associent des agents de police à des infirmiers psychiatriques.
Selon les données du Service de police de Victoria publiées le mois dernier, les appels de service au centre-ville ont augmenté de 27 % depuis 2022, les plaintes pour crimes contre les biens et troubles à l’ordre public représentant la majorité de cette hausse. Des petits commerçants comme Samantha Chen, qui gère un café sur Government Street, en ont ressenti directement l’impact.
« J’ai déjà eu mes vitres brisées deux fois cette année, » m’a confié Chen lors de ma visite dans son établissement hier. Elle a fait un geste vers une grille de sécurité nouvellement installée. « Je soutiens l’aide aux personnes vulnérables, mais mes clients ne se sentent plus en sécurité. Quelque chose devait changer. »
Ce programme de financement arrive au milieu de vifs débats provinciaux sur les approches de sécurité publique. Le gouvernement du premier ministre David Eby a récemment annoncé sa propre initiative provinciale de 23 millions de dollars ciblant les récidivistes et élargissant les options de traitement dans toute la Colombie-Britannique. Le plan de Victoria complétera ces efforts provinciaux tout en se concentrant sur les préoccupations spécifiques à la ville.
Tout le monde ne considère pas l’approche du conseil comme équilibrée. La conseillère Susan Kim, l’un des deux votes dissidents, a critiqué cette allocation comme étant trop axée sur le maintien de l’ordre. « Nous investissons trop lourdement dans des solutions policières alors que ce dont nous avons vraiment besoin, c’est de logement et de soins de santé, » a-t-elle soutenu pendant les délibérations.
Des défenseurs du logement comme Tanya Patterson du Réseau de logement de Victoria ont exprimé des sentiments mitigés concernant ce programme. « Les ressources supplémentaires en matière de logement sont désespérément nécessaires, » a reconnu Patterson lors de notre entretien téléphonique. « Mais nous sommes préoccupés par la criminalisation accrue de la pauvreté à travers une présence policière renforcée. »
La Chambre de commerce de Victoria a toutefois apporté son soutien total à cette initiative. Dans un communiqué publié vendredi, le PDG de la Chambre, Bruce Williams, l’a qualifiée de « première étape cruciale vers le rétablissement de la confiance dans notre centre-ville, » notant que les entreprises membres ont signalé une diminution de l’achalandage piétonnier à mesure que la perception publique de la sécurité s’est détériorée.
La mise en œuvre commencera le mois prochain avec l’expansion des patrouilles à pied au centre-ville. Les composantes liées au logement, y compris 40 nouveaux logements avec services de soutien et des services d’approche élargis, seront déployées au cours des six prochains mois selon les documents municipaux.
Pour des résidents comme Eleanor Martinez, qui vit dans un condo du centre-ville avec sa jeune famille, cette nouvelle apporte un optimisme prudent. « Je veux que mes enfants se sentent en sécurité en allant à la bibliothèque, » m’a-t-elle confié au marché fermier de samedi. « Mais je veux aussi qu’ils grandissent dans une ville compatissante qui prend soin de tout le monde. J’espère que ce plan pourra réellement offrir les deux. »
Ce programme de financement n’est pas sans conséquences financières pour les résidents de Victoria. Les taxes foncières augmenteront d’environ 1,8 % pour couvrir les nouvelles dépenses, ce qui représente approximativement 68 $ par an pour le propriétaire moyen.
Le chef de police Del Manak a salué la décision du conseil tout en soulignant que le maintien de l’ordre à lui seul ne peut pas résoudre des problèmes sociaux complexes. « Cela nous donne les ressources nécessaires pour répondre aux préoccupations immédiates de sécurité publique, » a-t-il noté lors de la conférence de presse de vendredi. « Mais le véritable succès viendra de nos partenariats avec les services de santé et les fournisseurs de logement. »
Ce qui rend l’approche de Victoria remarquable, c’est son engagement à mesurer les résultats. Le programme comprend des exigences de rapports trimestriels, avec des indicateurs clairs tant pour la réduction de la criminalité que pour le succès du placement en logement. Le personnel municipal doit présenter le premier rapport d’étape d’ici septembre, permettant des ajustements si nécessaire.
Alors que les villes canadiennes luttent contre des défis similaires concernant l’abordabilité, la santé mentale et la consommation de substances, l’approche de Victoria sera suivie de près. Vancouver, Calgary et Toronto ont toutes annoncé des initiatives de sécurité similaires à multiples volets ces derniers mois, bien que l’investissement par habitant de Victoria figure parmi les plus élevés.
Le véritable test de l’efficacité du plan ne viendra pas des salles du conseil ou des communiqués de presse, mais des expériences vécues par les résidents du centre-ville, les propriétaires d’entreprises et ceux qui luttent contre l’insécurité du logement. Pour l’instant, Victoria a misé sur une approche équilibrée – une approche qui reconnaît à la fois la complexité des problèmes et l’urgence de les résoudre.