Je viens de terminer une conversation avec Ron Jacobs, un petit entrepreneur de Thunder Bay qui a passé le week-end dernier à déblayer des arbres tombés après la tempête de vent de juin. « Ces machines sont pratiquement des extensions de nos bras ici », m’a-t-il confié en me montrant sa tronçonneuse STIHL maintenant rappelée. « Quand on dépend autant d’un outil, on s’attend à ce qu’il soit sécuritaire. »
L’annonce hier par Santé Canada d’un rappel immédiat touchant des milliers de tronçonneuses et d’élagueuses à travers le pays a créé des remous tant dans les quartiers résidentiels que dans les communautés rurales où ces outils sont essentiels.
Le rappel cible des modèles spécifiques de produits STIHL et Husqvarna fabriqués entre janvier 2023 et avril 2025, suite à au moins 14 incidents signalés où les chaînes continuaient de tourner de façon inattendue même après que les utilisateurs aient relâché la gâchette d’accélération.
Trois de ces incidents ont entraîné des lacérations graves nécessitant des soins médicaux, dont un cas particulièrement sévère au Nouveau-Brunswick où un travailleur forestier a subi d’importantes blessures au bras gauche et à l’épaule.
Selon l’avis de rappel, environ 12 800 unités vendues au Canada sont affectées par ce qui semble être un mécanisme d’accélération défectueux pouvant rester bloqué en position engagée. Ce dysfonctionnement crée ce que Santé Canada décrit comme « un risque déraisonnable de blessures graves » pour les utilisateurs.
« Ce n’est pas qu’un simple inconvénient, » a expliqué Lisa Montour, porte-parole de l’Association canadienne des détaillants d’outils. « Pour de nombreux Canadiens, surtout en régions rurales, ces outils sont essentiels pour l’entretien des propriétés, la préparation du bois de chauffage, et parfois même pour leur gagne-pain. »
Le moment ne pourrait être pire pour beaucoup. La saison des tempêtes estivales est là, et avec Environnement Canada qui prévoit des événements météorologiques sévères supérieurs à la moyenne dans les provinces du centre et de l’est, de nombreux propriétaires comptaient sur ces outils pour les travaux de nettoyage.
Au Canadian Tire de Kanata, en Ontario, le personnel s’affairait hier à afficher les avis de rappel et à répondre aux appels des clients inquiets. « Les téléphones n’arrêtent pas de sonner, » a déclaré le chef de département Terry Williams. « Les gens sont inquiets, surtout ceux qui utilisent ces outils professionnellement. »
Le processus de rappel semble simple. Les propriétaires des modèles concernés peuvent vérifier leurs numéros de série sur les sites Web des fabricants et sont priés d’arrêter immédiatement d’utiliser l’équipement et de contacter les détaillants autorisés pour une inspection et une réparation gratuites.
STIHL et Husqvarna ont tous deux mis en place des lignes d’assistance dédiées et ajouté du personnel pour gérer le volume anticipé de demandes. Les délais d’attente pour les réparations restent toutefois incertains compte tenu de l’ampleur du rappel.
Les implications financières dépassent les fabricants. Arboristes, paysagistes et entreprises forestières font face à d’éventuelles interruptions de travail pendant leur haute saison. Kevin Desrosiers, qui gère un service d’élagage à Sherbrooke, au Québec, estime que cela pourrait coûter à sa petite entreprise « plus de 4 000 $ en revenus perdus » pendant l’attente de la réparation de son équipement.
Quand je lui ai demandé si des outils alternatifs pourraient combler le vide, Desrosiers a ri. « On ne remplace pas du matériel professionnel du jour au lendemain. Ce ne sont pas des jouets – ce sont des outils spécialisés qui coûtent des milliers de dollars. »
La direction de la sécurité des produits de consommation de Santé Canada a indiqué que ce rappel entre dans leur catégorie de risque la plus élevée. « Quand nous constatons un potentiel de blessures graves avec des outils quotidiens, nous agissons de façon décisive, » a noté la porte-parole réglementaire Sarah Chang. « Les fabricants ont été coopératifs, ce qui aide à simplifier le processus. »
La base de données des rappels montre que ce n’est pas la première fois que ces fabricants font face à des problèmes de sécurité. En 2019, un rappel similaire mais à plus petite échelle avait touché environ 3 000 unités en raison de problèmes de conduites de carburant.
Les analystes de l’industrie suggèrent que cet incident pourrait accélérer l’adoption d’alternatives à batterie, qui ont généralement moins de composants mécaniques susceptibles de tomber en panne. Les données de vente des détaillants de quincaillerie canadiens montrent que les modèles électriques ont gagné 8% de parts de marché par rapport aux versions à essence au cours de la seule année dernière.
Pour Ron Jacobs à Thunder Bay, le rappel suscite des sentiments mitigés. « Bien sûr que je veux un équipement sécuritaire, mais c’est mon troisième été avec cette tronçonneuse et je n’ai jamais eu de problèmes. » Il déposera sa tronçonneuse demain chez le concessionnaire local, en espérant un retour rapide avant le prochain nettoyage de tempête inévitable.
Santé Canada recommande aux consommateurs de consulter le site Web dédié aux rappels à canadiensensante.gc.ca pour obtenir des informations complètes sur les modèles et les plages de numéros de série des produits concernés. L’agence souligne que l’utilisation continue des modèles rappelés présente des risques graves pour la sécurité qui ne doivent pas être ignorés.
Alors que la saison estivale d’entretien des propriétés bat son plein au Canada, des milliers de propriétaires et de professionnels se retrouvent soudainement privés d’outils dont ils sont devenus dépendants – un rappel que même l’équipement le plus fiable ne répond parfois pas aux normes de sécurité.