En tant que journaliste politique chevronné ayant couvert tout, des élections fédérales aux changements de politiques municipales, je me trouve de plus en plus attiré par les histoires où la protection des consommateurs croise les lacunes réglementaires. Ce sont ces espaces où la politique rencontre la vie quotidienne des Canadiens—souvent avec des conséquences coûteuses.
La semaine dernière, j’ai parlé avec Sarah Bannon, une résidente de Calgary dont la simple tentative d’assister au concert d’un de ses artistes préférés s’est transformée en une leçon à 900 dollars sur le monde obscur de la revente de billets en ligne.
« Je voulais simplement voir un concert, » m’a confié Bannon lors de notre conversation téléphonique. « Je me suis retrouvée à perdre mon argent sans rien obtenir en retour. »
Bannon avait acheté des billets via StubHub, l’une des plus grandes plateformes de revente de billets opérant au Canada, pour un concert populaire au Scotiabank Saddledome. Le jour de l’événement, elle a découvert que ses billets avaient été annulés sans qu’elle en soit informée. Plus troublant encore : StubHub a initialement refusé de lui accorder un remboursement.
« Ils m’ont dit que ce n’était pas leur responsabilité, » a expliqué Bannon, la frustration évidente dans sa voix. « Mais ce sont eux qui ont facilité toute la transaction. »
Ce qui est arrivé à Bannon n’est pas un incident isolé. Les données du Bureau d’éthique commerciale montrent que les plaintes contre les plateformes de revente de billets ont augmenté de 38% l’année dernière sur les marchés canadiens. Cette hausse coïncide avec l’enthousiasme post-pandémique pour les concerts et l’augmentation des prix des billets qui ont poussé davantage de consommateurs vers les marchés secondaires.
Laura Pellegrini, défenseure des droits des consommateurs à l’Association des consommateurs de l’Alberta, y voit un problème plus large. « La revente de billets existe dans une zone grise réglementaire dans de nombreuses provinces. Bien que l’Alberta dispose de certaines lois sur la protection des consommateurs, leur application aux marchés numériques reste incohérente. »
Les dimensions politiques de cette question sont importantes. Lors de la dernière session de l’Assemblée législative de l’Alberta, le projet de loi 79 a été présenté, visant à renforcer la protection des consommateurs sur les marchés numériques. Le projet a été bloqué en comité, les lobbyistes de l’industrie s’opposant à ce qu’ils qualifiaient de « réglementation excessive. »
« La réalité est que les gens subissent des préjudices financiers pendant que les gouvernements débattent des frontières juridictionnelles, » affirme Dr. Thomas Chen, qui étudie la réglementation du commerce numérique à l’Université de Calgary. « Il existe une mosaïque de réglementations provinciales, sans approche fédérale cohérente. »
Pour Bannon, cette expérience a ébranlé sa confiance dans les marchés en ligne. Après avoir fait remonter sa plainte et s’être engagée dans ce qu’elle décrit comme « des heures d’appels téléphoniques frustrants, » StubHub lui a finalement offert un crédit—mais pas le remboursement complet qu’elle réclamait.
J’ai contacté StubHub pour obtenir des commentaires sur la situation de Bannon. Un porte-parole de l’entreprise a fourni une déclaration écrite : « Nous soutenons notre Garantie FanProtect et travaillons à résoudre rapidement tous les problèmes des clients. Bien que nous ne puissions pas discuter de cas spécifiques, notre politique est de fournir une compensation appropriée lorsque des billets validés ne peuvent être honorés. »
Cette réponse corporative soigneusement formulée élude la réalité à laquelle de nombreux consommateurs sont confrontés : la responsabilité dispersée entre les vendeurs originaux, les revendeurs, les plateformes et les lieux crée un système où il est difficile d’établir une responsabilité claire.
La réponse politique canadienne à ces problèmes a été tiède, au mieux. Alors que le Québec a mis en œuvre des mesures de protection des consommateurs plus strictes pour la revente de billets, la plupart des provinces s’appuient sur des lois générales de protection des consommateurs qui précèdent les marchés numériques.
Lors des audiences du comité économique le mois dernier à Ottawa, le député Blake Richards a soulevé des questions sur la responsabilité des marchés numériques. « Les Canadiens méritent de savoir qu’ils sont protégés lorsqu’ils participent au commerce en ligne, » a déclaré Richards pendant la session. « Nous devons examiner si les cadres actuels sont suffisants. »
Le Bureau de la concurrence fédéral a lancé une enquête sur les pratiques de vente de billets en 2018, mais ses conclusions ont entraîné peu de changements substantiels dans l’industrie. Pendant ce temps, des consommateurs comme Bannon continuent de naviguer dans ces systèmes largement sans protection.
Pour ceux qui envisagent d’utiliser des plateformes de revente de billets, Pellegrini offre des conseils pratiques : « Utilisez toujours des cartes de crédit pour une meilleure protection, prenez des captures d’écran de toutes les confirmations, et renseignez-vous sur les politiques de garantie de la plateforme avant d’acheter. »
Ces précautions personnelles, bien qu’utiles, placent finalement le fardeau sur les consommateurs plutôt que de s’attaquer aux problèmes systémiques qui nécessitent un courage politique pour être résolus.
Après avoir parlé avec des experts et des consommateurs touchés par ces pratiques, il est clair que l’intersection de la technologie, du commerce et du divertissement a créé des espaces où la protection des consommateurs n’a pas suivi le rythme. La question n’est pas de savoir si une réglementation est nécessaire, mais plutôt quelle forme elle devrait prendre et quel niveau de gouvernement devrait en prendre la responsabilité.
En terminant ma conversation avec Bannon, elle a réfléchi à son expérience avec un mélange de résignation et de détermination. « Je ne veux simplement pas que d’autres vivent ça, » a-t-elle dit. « Quelqu’un doit tenir ces entreprises responsables. »
Cette responsabilisation nécessitera en fin de compte une volonté politique—quelque chose qui s’est avéré difficile à maintenir lorsque de puissants intérêts industriels s’opposent aux mesures de protection des consommateurs.
En attendant, des Canadiens comme Bannon continueront à partager leurs histoires, espérant qu’une pression politique suffisante se construise pour combler les lacunes réglementaires qui ont permis à leurs expériences de se produire.