La plupart des Canadiens ne pourraient nommer un seul candidat potentiel pour remplacer Jagmeet Singh s’il démissionne après les prochaines élections fédérales, selon un nouveau sondage qui met en lumière un déficit de notoriété auquel fait face le NPD.
L’enquête d’Abacus Data, menée la semaine dernière auprès de 1 500 électeurs canadiens, a révélé que 78 % des répondants n’ont pu identifier aucun prétendant possible à la direction du troisième plus grand parti fédéral du Canada.
« Ce que nous observons, c’est un parti qui souffre d’un problème de visibilité au-delà de son chef actuel, » explique David Coletto, PDG d’Abacus Data. « Bien que Singh jouisse d’une notoriété relativement forte, l’équipe derrière lui demeure largement inconnue des Canadiens moyens. »
Ce vide de reconnaissance survient à un moment délicat pour les Néo-démocrates. Bien que Singh n’ait pas officiellement annoncé son intention de se retirer, les spéculations se sont intensifiées suite à l’accord de soutien de son parti avec les Libéraux, que certains membres de la base considèrent comme compromettant les principes du NPD.
Lors d’une assemblée communautaire à Burnaby le mois dernier, Singh a évité les questions directes concernant son avenir. « Je me concentre sur les résultats pour les Canadiens maintenant, pas sur les courses à la direction, » a-t-il déclaré aux participants. Mais en coulisses, des initiés du parti suggèrent que la planification des scénarios de succession a discrètement commencé.
Le sondage révèle des chiffres particulièrement inquiétants au Québec, où seulement 12 % des répondants pouvaient identifier ne serait-ce qu’un candidat potentiel à la direction. La province formait autrefois l’épine dorsale de la percée du NPD sous Jack Layton.
« Le Québec a toujours représenté cette relation prometteuse mais compliquée pour le NPD, » affirme Chantal Hébert, chroniqueuse politique pour le Toronto Star. « Tout futur chef devra renouer avec les électeurs québécois si le parti espère croître au-delà de sa position actuelle. »
Lorsqu’on leur a présenté une liste de noms, la reconnaissance s’est quelque peu améliorée. La députée manitobaine Niki Ashton, qui a déjà brigué la direction, a été identifiée par 31 % des répondants. Charlie Angus, le vétéran député du nord de l’Ontario, a été reconnu par 28 %.
Mais les nouvelles figures comme Matthew Green de Hamilton et Leah Gazan de Winnipeg – tous deux mentionnés dans les cercles politiques d’Ottawa comme potentiels futurs leaders – ont été reconnus par moins de 15 % des personnes interrogées.
Le sondage suggère que ce vide de leadership pourrait affecter la capacité du parti à capitaliser sur des positions politiques progressistes qui bénéficient d’un soutien public plus fort. Près de 62 % des répondants ont exprimé leur intérêt pour les propositions d’assurance-médicaments et de soins dentaires du NPD, mais seulement 24 % se sont dits « très susceptibles » ou « assez susceptibles » de voter pour le parti.
« Il existe un décalage entre l’attrait des politiques et la connexion avec le parti, » note Anne McGrath, une stratège de longue date du NPD actuellement non affiliée au siège du parti. « Développer un éventail plus large de voix reconnaissables aide les électeurs à voir le parti comme plus qu’uniquement son chef. »
Le défi de reconnaissance est particulièrement prononcé chez les jeunes électeurs âgés de 18 à 34 ans, qui pourraient autrement être attirés par la position progressiste du NPD. Seulement 11 % de cette démographie pouvaient nommer spontanément un candidat potentiel à la direction, malgré leur soutien le plus fort aux politiques du NPD.
Des disparités régionales sont également apparues. Les résidents de la Colombie-Britannique ont démontré la plus grande connaissance des prétendants potentiels à la direction, 32 % étant capables de nommer au moins un candidat possible. Cela reflète probablement le gouvernement provincial néo-démocrate de la province et une infrastructure partisane plus solide.
Le timing est crucial. Avec des élections fédérales prévues au plus tard en octobre 2025, toute transition de leadership devrait se produire relativement rapidement par la suite pour permettre à un nouveau chef de s’établir avant la campagne suivante.
« Les partis politiques fonctionnent mieux quand ils ont de la profondeur – plusieurs voix qui peuvent connecter avec différents segments du public, » explique Kathleen Monk, ancienne directrice des communications pour Jack Layton. « Bâtir cet effectif ne se fait pas du jour au lendemain. »
Quelques signes prometteurs existent pour le parti. Le sondage a révélé que 41 % des répondants croient qu' »il est temps d’avoir de nouvelles voix au NPD, » suggérant une ouverture à un leadership renouvelé.
À titre de comparaison, des sondages similaires avant la course à la direction conservatrice montraient des niveaux de reconnaissance plus élevés pour les candidats potentiels, Pierre Poilievre étant déjà connu par environ 45 % des Canadiens avant de lancer sa candidature réussie.
« Les Conservateurs ont bénéficié d’une course à la direction très disputée et médiatisée qui a présenté leurs candidats aux Canadiens, » souligne Coletto. « Le NPD n’a pas eu cette plateforme récemment. »
Lors d’une récente convention politique à Hamilton, plusieurs leaders potentiels ont eu l’occasion de s’exprimer, bien que la couverture médiatique se soit principalement concentrée sur les positions politiques plutôt que sur les personnalités.
Le défi de reconnaissance représente également une opportunité. Avec peu d’idées préconçues sur les candidats potentiels, le terrain reste ouvert pour quelqu’un qui souhaiterait faire une forte première impression lorsqu’une course finira par se matérialiser.
« Parfois, débuter avec une faible notoriété peut être un avantage, » suggère Robin MacLachlan, un ancien employé du NPD travaillant maintenant comme consultant politique. « Vous pouvez vous définir avant que d’autres ne vous définissent. »
Pour l’instant, le parti reste concentré sur l’exploitation de son accord avec les Libéraux pour mettre en œuvre des politiques progressistes plutôt que sur les spéculations concernant le leadership. Mais à mesure que 2025 approche, la question de savoir qui pourrait mener le parti lors du prochain cycle électoral gagnera inévitablement en importance.
D’ici là, la plupart des Canadiens continueront d’associer le NPD principalement à son chef actuel plutôt qu’à ceux qui pourraient un jour le remplacer.