Le coucher de soleil transforme le lac François en un miroir ondulant d’or orangé, où les huards s’appellent à travers l’eau et les familles se rassemblent sur des quais qui ont résisté à des décennies de saisons dans le nord de la Colombie-Britannique. C’est ce lien durable entre la communauté et l’eau qui rend l’étude actuelle sur la santé des rives si essentielle pour cette région.
« Quand mon grand-père a construit notre chalet dans les années 1950, on pouvait voir jusqu’au fond même dans les parties les plus profondes près du rivage », raconte Ellen Thompson, dont la famille passe ses étés au lac François depuis trois générations. « Maintenant, à certains endroits, la clarté de l’eau a changé de façon spectaculaire. »
Thompson n’est pas la seule à remarquer ces changements. Ses observations sont précisément la raison pour laquelle l’Association de conservation du lac François s’est associée au Conseil du bassin du Fraser pour mener une évaluation complète de la santé des rives tout au long de l’été 2023.
Le lac François, long de 110 kilomètres et l’un des plus grands lacs naturels de la Colombie-Britannique, a connu une pression croissante liée au développement et à l’utilisation récréative au cours des deux dernières décennies. Ce qui rend cette étude différente, c’est son approche communautaire qui équilibre la collecte de données scientifiques avec les connaissances locales.
« Les personnes qui vivent sur ce lac depuis des décennies possèdent une base de connaissances incroyable qu’aucune imagerie satellite ou évaluation ponctuelle ne pourrait capturer », explique Jordan Williams, écologiste aquatique au Conseil du bassin du Fraser. « Nous combinons leurs observations avec des évaluations écologiques standardisées pour créer une image plus complète. »
Par un mardi matin ensoleillé, je rejoins Williams et deux bénévoles locaux alors qu’ils naviguent dans un petit bateau en aluminium le long de la rive nord-est. L’équipe documente la végétation riveraine, les modifications du rivage et les caractéristiques de l’habitat faunique tout en enregistrant les coordonnées GPS à intervalles réguliers.
À un arrêt, Williams mesure soigneusement la clarté de l’eau à l’aide d’un disque de Secchi – un simple cercle noir et blanc qu’on descend dans l’eau jusqu’à ce qu’il disparaisse de vue. Plus il reste visible profondément, plus l’eau est claire. Lecture du jour : 4,2 mètres.
« Les données historiques des années 1970 montrent des mesures plus proches de 7 mètres dans cette même zone pendant les mois d’été », note Williams en enregistrant la mesure. « Ce n’est pas catastrophique, mais cela indique des changements que nous devons comprendre. »
L’étude examine également comment les activités humaines affectent les processus naturels du lac. Les pelouses bien entretenues s’étendant jusqu’au bord de l’eau, l’élimination de la végétation indigène et les rives durcies avec du béton ou de l’enrochement interrompent tous les systèmes de filtration naturels qui maintiennent la qualité de l’eau.
Selon le ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique, les zones riveraines saines – les zones où la terre et l’eau se rencontrent – fournissent des services écologiques essentiels, notamment le contrôle de l’érosion, la filtration de l’eau et l’habitat pour près de 80 % des espèces fauniques de la région. Ces zones tampons deviennent de plus en plus importantes à mesure que le changement climatique apporte des événements météorologiques plus extrêmes dans le nord de la C.-B.
Des règlements sur l’aménagement des rives existent dans le cadre de la Loi sur la durabilité des ressources en eau de la province, mais l’application a été difficile dans les vastes zones rurales de la C.-B. Un rapport de 2021 de l’Alliance des eaux douces a révélé que seulement environ 30 % des propriétaires riverains comprennent pleinement comment leurs pratiques de gestion des terres affectent la qualité de l’eau.
« Nous ne cherchons pas à pointer du doigt », déclare Melissa Chen, présidente de l’Association de conservation du lac François. « Cette étude nous aide tous à comprendre où notre lac est en bonne santé et où il a besoin d’aide. L’objectif est de travailler ensemble pour protéger ce qui rend cet endroit spécial. »
La méthodologie de l’étude s’inspire du protocole de cartographie des habitats sensibles développé par Pêches et Océans Canada, adapté pour inclure les connaissances écologiques traditionnelles des communautés Wet’suwet’en et Carrier dont les territoires comprennent le lac François.
« Mon grand-père m’a appris qu’on peut lire la santé de la terre dans la façon dont l’eau se déplace et ce qui pousse le long de ses bords », dit Robert Patrick, un aîné Wet’suwet’en qui conseille le projet. « La science rattrape ce que notre peuple a toujours su – tout est connecté. »
Les résultats préliminaires montrent qu’environ 40 % des rives étudiées restent dans un état quasi naturel, tandis qu’environ 25 % présentent une altération significative. Les 35 % restants se situent quelque part entre les deux – modifiés mais conservant une certaine fonction écologique.
Pour les résidents riverains comme Thompson, l’étude fournit des conseils pratiques. Après avoir appris l’importance de la végétation indigène pour prévenir l’érosion, elle replante des sections de sa rive avec du saule et du cornouiller stolonifère.
« C’est en fait moins de travail que d’essayer d’entretenir une pelouse jusqu’au bord de l’eau », explique-t-elle. « Et les oiseaux adorent ça. »
Le Conseil du bassin du Fraser prévoit d’utiliser les résultats de l’étude pour créer des ressources pour les propriétaires, y compris un guide de restauration spécifique à l’écosystème du lac François. Ils travailleront également avec les districts régionaux pour éclairer les futures décisions d’aménagement autour du lac.
Une surveillance environnementale communautaire similaire a montré des résultats prometteurs ailleurs en C.-B. Sur le lac Kootenay, un projet de cartographie des rives soutenu par des bénévoles a conduit à une augmentation de 30 % des projets de restauration et à une meilleure conformité aux règlements d’aménagement, selon le réseau Living Lakes Canada.
Le projet du lac François se poursuivra jusqu’à l’automne, avec des résultats finaux attendus au printemps 2024. Pour l’instant, Williams et son équipe continueront à travailler méthodiquement autour des 220 kilomètres de rivage du lac, en documentant ce qu’ils trouvent et en impliquant les résidents en cours de route.
Alors que notre bateau retourne au quai après une longue journée d’étude, une famille arrive pour passer la soirée à pêcher. Leur jeune fille scrute l’eau, fascinée par les vairons qui se faufilent entre les rochers. C’est un rappel de ce qui est en jeu.
« Nous faisons cela pour elle », dit Williams, en hochant la tête vers l’enfant. « Et pour tous ceux qui connaîtront ce lac dans les décennies à venir. »