Dans un développement frappant qui fait jaser les économistes et les experts en politiques publiques, l’inégalité des revenus au Canada a grimpé à des niveaux sans précédent durant le premier trimestre de 2025. Les dernières données de Statistique Canada dressent un portrait inquiétant d’un fossé qui s’élargit entre les Canadiens les mieux et les moins bien rémunérés—une tendance qui semble s’accélérer malgré des années de promesses gouvernementales pour remédier au déséquilibre.
Les chiffres révèlent que les 20% des Canadiens aux revenus les plus élevés accaparent maintenant 49,7% de tous les revenus du pays, en hausse par rapport aux 45,8% d’il y a cinq ans. Parallèlement, les 40% des ménages les moins fortunés ne représentent collectivement que 15,3% du revenu total, ce qui représente un déclin continu de leur part déjà modeste.
« Nous assistons à une restructuration fondamentale du paysage économique canadien, » explique Marianne Chen, économiste principale à l’Institut C.D. Howe. « Ce n’est pas qu’un simple bruit statistique—c’est un modèle persistant qui a de sérieuses implications pour la cohésion sociale et la mobilité économique. »
Le moment ne pourrait être plus chargé politiquement. Avec les élections fédérales qui se profilent l’année prochaine, les statistiques sur l’inégalité sont instantanément devenues des munitions dans les débats politiques de plus en plus tendus à Ottawa. Le parti au pouvoir souligne les initiatives récentes comme l’Allocation canadienne pour les travailleurs élargie comme preuve qu’ils s’attaquent au problème, tandis que les critiques de l’opposition soutiennent que ces mesures ne sont guère plus que de la poudre aux yeux face à un problème structurel.
Qu’est-ce qui alimente cette disparité record? Les données suggèrent plusieurs coupables, à commencer par la concentration continue de richesse parmi ceux qui possèdent d’importants actifs d’investissement. Malgré les récents ajustements des taux d’intérêt, les marchés boursiers et l’immobilier—des actifs détenus de façon disproportionnée par les Canadiens à revenus élevés—ont généré des rendements exceptionnels, créant ce que Chen appelle un « accélérateur d’effet de richesse » pour ceux déjà bien positionnés.
Au café Yorkville à Toronto, où un seul latté de spécialité coûte ce qu’un travailleur au salaire minimum gagne en 20 minutes, Devon Mills, cadre dans le secteur technologique, reconnaît la disparité. « Je vois les deux côtés de l’équation, » me dit-il. « Mon entreprise crée de bons emplois, mais je ne peux ignorer que même nos salaires d’entrée placent les employés dans les 30% des revenus les plus élevés du pays. Ce n’est pas normal. »
Les dimensions régionales de l’inégalité racontent une histoire tout aussi troublante. À Vancouver et Toronto, le prix moyen d’une maison dépasse maintenant 1,4 million de dollars, excluant non seulement les travailleurs à faible revenu mais aussi, de plus en plus, les professionnels de la classe moyenne. Dans le Canada atlantique, malgré une croissance économique modérée, les salaires n’ont pas suivi l’inflation, érodant le pouvoir d’achat de nombreux ménages.
Plus inquiétant encore est ce que Statistique Canada appelle la « stagnation de la mobilité » évidente dans les données. Les Canadiens nés dans des ménages à faible revenu font maintenant face à des chances plus minces de gravir l’échelle économique qu’à tout autre moment depuis le début des mesures dans les années 1980. Seulement 4,7% des Canadiens nés dans le quintile de revenu inférieur atteindront le quintile supérieur au cours de leur vie—une baisse par rapport aux 7,3% d’il y a deux décennies.
« Quand nous perdons la mobilité économique, nous sacrifions plus que des principes économiques abstraits, » avertit Sophia Williams, directrice des études politiques à l’Institut de recherche en politiques publiques. « Nous perdons le contrat social qui stipule que le travail acharné et l’éducation devraient créer des opportunités. »
Le rapport de Statistique Canada met également en évidence des tendances préoccupantes concernant ceux qui subissent le poids de l’inégalité. Les femmes continuent de gagner environ 87 cents pour chaque dollar gagné par leurs homologues masculins dans des postes comparables. Les communautés autochtones font face à des taux de chômage presque deux fois supérieurs à la moyenne nationale. Les immigrants récents, malgré leurs diplômes avancés, gagnent 23% de moins que les travailleurs nés au Canada avec des qualifications équivalentes.
Les chefs d’entreprise offrent des perspectives variées sur ces développements. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante note que les propriétaires de petites entreprises, particulièrement dans le secteur des services, font face à des pressions sur leurs marges qui limitent leur capacité à augmenter substantiellement les salaires. Pendant ce temps, le Conseil canadien des affaires a appelé à des réformes éducatives pour mieux aligner la formation aux compétences avec les opportunités économiques émergentes.
Quelques points positifs existent parmi les statistiques troublantes. Le secteur technologique continue de créer des postes avec des packages de rémunération qui peuvent propulser les travailleurs dans des tranches de revenus plus élevées. Les récentes augmentations du salaire minimum provincial ont apporté des gains modestes pour les travailleurs les moins bien rémunérés, bien que les économistes débattent si ces augmentations déclenchent simplement des ajustements de prix qui annulent les gains réels de pouvoir d’achat.
Les économistes progressistes pointent vers des exemples internationaux comme feuilles de route potentielles. La Finlande et le Danemark maintiennent des indicateurs d’inégalité significativement plus bas tout en soutenant des économies d’innovation robustes. Leurs approches combinent généralement une fiscalité progressive, des services sociaux solides et un investissement substantiel dans l’éducation et les programmes de reconversion.
Le gouvernement fédéral, en réponse à la publication de Statistique Canada, a annoncé des plans pour ce qu’il appelle une « Commission sur l’équité économique » pour développer des recommandations fondées sur des preuves. Les critiques notent que des commissions similaires ont produit des rapports substantiels dans le passé, dont beaucoup ont pris la poussière une fois que l’attention médiatique s’est portée ailleurs.
Pour les Canadiens ordinaires comme Priya Sharma, infirmière à Winnipeg, les statistiques confirment ce que la vie quotidienne rend déjà évident. « Je suis considérée comme ayant un revenu moyen sur papier, » explique-t-elle, « mais entre les coûts de logement, les prêts étudiants et mes efforts pour économiser quelque chose pour l’éducation de mes enfants, j’ai l’impression de faire du surplace. Et je suis l’une des chanceuses avec un emploi stable. »
Les indicateurs de vulnérabilité financière montrent que 43% des ménages canadiens auraient du mal à couvrir une dépense imprévue de 1 000 $ sans emprunter—un chiffre qui grimpe à 67% parmi le quintile de revenu inférieur. Cette précarité crée des effets d’entraînement dans toute l’économie, réduisant la confiance des consommateurs et limitant la résilience économique pendant les ralentissements.
Alors que le Parlement revient de la pause estivale le mois prochain, ces statistiques sur l’inégalité encadreront sans aucun doute les priorités budgétaires et les initiatives politiques. Reste à voir si elles se traduiront par des changements structurels significatifs ou deviendront simplement un autre sujet de discussion dans la conversation continue du Canada sur l’équité. Ce qui est clair à partir des données, c’est que sans intervention, les forces qui élargissent le fossé entre les nantis et les démunis du Canada ne montrent aucun signe de correction naturelle.