Les investisseurs étrangers ont délaissé les actions canadiennes pour le quatrième mois consécutif en juin, selon les nouvelles données de Statistique Canada publiées jeudi, suscitant des inquiétudes quant à l’attrait du pays comme destination d’investissement dans un contexte économique difficile.
Les investisseurs internationaux ont réduit leurs participations en actions canadiennes de 3,2 milliards de dollars canadiens, après une vente de 5,1 milliards de dollars canadiens en mai. Cette réduction continue survient alors que l’indice composé S&P/TSX affiche des performances inférieures à celles des marchés américains, avec un rendement depuis le début de l’année de seulement 3,8 % contre un solide gain de 12,9 % pour le S&P 500.
« Nous sommes témoins de ce que j’appellerais une crise de confiance dans les marchés canadiens, » affirme Mackenzie Johnson, stratège en chef des investissements chez Northview Capital. « Les investisseurs étrangers votent avec leurs dollars, et ils regardent de plus en plus ailleurs. »
Le repli semble concentré dans les secteurs des ressources, traditionnellement la force du Canada. Les actions énergétiques ont fait face aux ventes les plus importantes, les investisseurs internationaux remettant en question les perspectives à long terme des producteurs pétroliers canadiens dans le contexte de la transition énergétique mondiale et des obstacles réglementaires persistants.
Cette tendance au désinvestissement coïncide avec des préoccupations croissantes concernant l’écart de productivité du Canada. En examinant les données, j’ai remarqué que l’investissement étranger dans le secteur manufacturier canadien a diminué de 22 % depuis 2021, ce qui suggère que le capital international recherche des environnements plus productifs.
« Le Canada fait face à des problèmes structurels de compétitivité qui ne peuvent être ignorés, » explique Priya Sharma, économiste chez TD Securities. « Lorsque les investisseurs étrangers se retirent de façon aussi constante, cela signale des préoccupations plus profondes concernant les perspectives de croissance et les rendements du capital. »
La récente baisse des taux d’intérêt par la Banque du Canada – la deuxième cette année – n’a apporté qu’un soulagement temporaire aux marchés boursiers. Le gouverneur Tiff Macklem a reconnu la fragilité de l’économie lors de l’annonce de la réduction de 25 points de base, citant l’affaiblissement des dépenses de consommation et des investissements des entreprises.
Pour les Canadiens ordinaires, les implications vont au-delà des portefeuilles d’investissement. Les sorties de capitaux étrangers soutenues sont généralement corrélées à une réduction des investissements en capital, ce qui peut affecter la création d’emplois et la croissance des salaires. Le secteur technologique, qui avait brièvement attiré d’importants investissements internationaux au cours de la période 2020-2021, a vu cet intérêt diminuer alors que les investisseurs mondiaux réorientent leurs capitaux vers les initiatives américaines en matière d’IA.
« L’économie de l’innovation a besoin de capital patient, » déclare Vikram Rehal, fondateur de PaymentLogic, une startup fintech basée à Toronto. « Lorsque nous présentons maintenant à des sociétés de capital-risque internationales, la première question est souvent de savoir pourquoi nous ne sommes pas basés aux États-Unis. Cela ne se produisait pas il y a deux ans. »
Tous les secteurs ne connaissent pas de désinvestissement. Les services financiers, particulièrement les grandes banques, ont maintenu des niveaux de propriété étrangère relativement stables, probablement en raison de leurs rendements en dividendes constants et de leurs solides positions en capital. Cependant, ce positionnement défensif souligne davantage la prudence des investisseurs.
Le gouvernement fédéral a récemment annoncé des mesures visant à stimuler la productivité du Canada et à attirer les investissements, notamment des allocations élargies pour le coût en capital et des incitatifs ciblés à l’innovation. Il reste incertain si ces initiatives inverseront la tendance des investissements étrangers.
« Les ajustements politiques prennent du temps pour influencer le comportement des investisseurs, » note Emma Richardson, gestionnaire de portefeuille chez RBC Gestion mondiale d’actifs. « Le défi pour le Canada est de concurrencer dans un monde où le capital est de plus en plus mobile et sélectif. »
Ce qui rend cette tendance particulièrement préoccupante est sa persistance pendant une période où l’investissement mondial en actions a généralement augmenté. Alors que les investisseurs ont versé des montants record dans les marchés américains et certaines économies émergentes, le Canada continue d’enregistrer des sorties de capitaux.
Les données de Statistique Canada ont également révélé que les investisseurs étrangers ont réduit leurs participations en obligations canadiennes de 1,7 milliard de dollars canadiens en juin, bien que cela représente une réduction plus faible que les mois précédents. Les obligations gouvernementales ont suscité un modeste intérêt d’achat suite aux signaux indiquant que le cycle de réduction des taux de la Banque du Canada s’accélérerait.
Pour les investisseurs canadiens, le retrait étranger crée à la fois des défis et des opportunités. Les valorisations des entreprises canadiennes de qualité sont devenues de plus en plus attrayantes selon les normes historiques, le TSX se négociant à un ratio cours/bénéfice près de 20 % inférieur à son homologue américain.
« L’argent intelligent va souvent à contre-courant, » affirme Johnson. « Certaines des meilleures entreprises canadiennes se négocient maintenant à des prix qui ne reflètent pas leur force fondamentale ou leur potentiel mondial. »
Les données suggèrent que les investisseurs institutionnels étrangers, particulièrement d’Europe et d’Asie, mènent les ventes, tandis que les investisseurs américains ont maintenu des positions plus stables. Cette divergence géographique pourrait refléter différentes perspectives sur la stratégie de transition énergétique du Canada et la proximité des informations de marché.
Alors que la saison d’investissement estivale se poursuit, les observateurs du marché surveilleront si juillet apporte un renversement de cette tendance ou une accélération supplémentaire du désinvestissement étranger. L’un ou l’autre résultat fournira d’importants signaux sur la confiance internationale dans l’orientation économique et le climat d’investissement du Canada.