Le camp Tamaracouta, niché dans les Laurentides québécoises, changera bientôt de propriétaire, ne laissant aux générations d’anciens scouts que des souvenirs d’aventures estivales le long de ses rives.
Scouts Canada a confirmé la semaine dernière la mise en vente de ce site historique—le plus ancien camp scout en opération continue au Canada—citant des difficultés financières qui s’accumulent depuis des années. Le terrain de 1 000 acres près de Mille-Isles, à environ une heure au nord-ouest de Montréal, accueille de jeunes aventuriers depuis 1912.
« La décision n’a pas été prise à la légère », a déclaré Andrew Price, commissaire exécutif et PDG de Scouts Canada. « Malheureusement, l’entretien de ces grandes propriétés est devenu insoutenable compte tenu de la baisse du nombre de membres et de l’évolution des besoins des programmes. »
Pour des milliers de scouts québécois d’hier et d’aujourd’hui, la nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre. La propriété a vu plus de 300 000 jeunes franchir ses portes en 112 ans, apprenant des compétences de plein air tout en développant des aptitudes au leadership autour des feux de camp.
Jean Pelletier, qui a visité Tamaracouta pour la première fois à l’âge de 12 ans en 1987, peine à contenir sa déception. « Mon fils devait participer à son premier camp de nuit cet été. Trois générations de ma famille ont des liens avec cet endroit », m’a-t-il confié lors d’une réunion communautaire à Saint-Sauveur le week-end dernier.
Cette annonce s’inscrit dans une tendance de désinvestissement immobilier chez Scouts Canada, qui a vendu neuf propriétés à l’échelle nationale depuis 2018, selon les registres de l’organisation. Le nombre de jeunes membres a diminué d’environ 30 % au cours de la dernière décennie, d’après les rapports annuels publiés sur leur site web.
Des groupes locaux de conservation et des élus municipaux ont exprimé leur intérêt pour préserver le terrain d’un développement potentiel. Le maire de Mille-Isles, Howard Sauvé, a confirmé des discussions préliminaires sur les options d’acquisition, tout en prévenant que le financement demeure incertain.
« Cette propriété représente un patrimoine naturel irremplaçable », a déclaré Marie Legault des Amis de Tamaracouta, un groupe communautaire nouvellement formé. « Le lac, les forêts et les zones humides ont une importance environnementale qui dépasse l’importance culturelle du camp. »
La vente coïncide avec des changements plus larges dans les programmes jeunesse, alors que les organisations traditionnelles de plein air font face à la concurrence des activités numériques et des camps d’été spécialisés. Selon l’Enquête sur les activités des jeunes 2022 de Statistique Canada, la participation aux clubs de plein air traditionnels a diminué d’environ 18 % depuis 2010.
L’importance du Camp Tamaracouta s’étend au-delà du Québec. En 1946, il a accueilli le premier Jamboree canadien, rassemblant des scouts de tout le pays dans une démonstration d’unité d’après-guerre. Le réfectoire, construit en 1938, présente encore des initiales gravées par des scouts remontant à plusieurs générations.
L’historien Claude Arsenault, qui a documenté l’importance du camp dans son livre « Patrimoine scout au Québec », s’inquiète de ce qui sera perdu. « Ces lieux portent nos mémoires collectives. Une fois disparus, nous perdons des repères qui relient les générations. »
Plusieurs anciens ont organisé un rassemblement d’adieu prévu pour mai, espérant parcourir une dernière fois les sentiers familiers avant le changement de propriétaire. La page de l’événement a déjà attiré plus de 2 000 réponses d’anciens campeurs prévoyant d’y assister.
Scouts Canada indique que les produits de la vente soutiendront les besoins de programmation ailleurs dans l’organisation, bien que les plans spécifiques restent vagues. Un porte-parole a indiqué que les opérations se poursuivront jusqu’à l’été 2024, donnant aux membres actuels une dernière saison sur ce site historique.
Entre-temps, les troupes scoutes locales s’efforcent de trouver d’autres lieux de camping pour les étés à venir. « Nous examinons des options dans les Cantons-de-l’Est, mais rien n’égale les installations ou l’histoire de Tamaracouta », a déclaré Michelle Tremblay, qui dirige une troupe à Laval.
La propriété comprend un vaste accès au bord de l’eau, des sentiers de randonnée, des chalets et des zones d’activités développées depuis plus d’un siècle. Des analystes immobiliers suggèrent que le terrain pourrait se vendre au-delà de 10 millions de dollars étant donné sa taille et son emplacement, bien que les protections environnementales puissent limiter le potentiel de développement.
Pour beaucoup dans la communauté scoute québécoise, les calculs financiers ne parviennent pas à saisir ce qui est réellement perdu. « Mon grand-père a aidé à construire ce hangar à bateaux en 1952 », a déclaré Robert Sinclair, en montrant une photo en noir et blanc lors de notre entretien. « Comment mettre un prix là-dessus? »
Alors que le paysage de l’éducation en plein air au Canada continue d’évoluer, la vente imminente de Tamaracouta représente plus qu’une simple transaction immobilière. Elle marque la fin d’un chapitre dans l’histoire du développement de la jeunesse québécoise—un chapitre écrit autour de feux de camp qui s’éteindront bientôt après plus d’un siècle à illuminer de jeunes vies.