Les rives paisibles de York Redoubt deviennent le théâtre d’une controverse religieuse
Les rives tranquilles du lieu historique national de York Redoubt à Halifax sont rarement le théâtre de controverses politiques. Mais le 27 juillet, cette fortification historique est devenue l’épicentre d’un affrontement entre l’expression religieuse et les valeurs publiques qui a laissé de nombreux Canadiens remettre en question le jugement de Parcs Canada.
Le pasteur évangélique américain Sean Feucht, connu pour ses liens avec le mouvement MAGA et ses positions anti-LGBTQ+, a tenu un concert de culte controversé sur ce site fédéral. L’événement, faisant partie de sa tournée « Kingdom to the Capitol », a attiré environ 200 participants – et une tempête de critiques de la part des résidents locaux et des groupes de défense.
« Parcs Canada n’aurait jamais dû approuver ce permis, » a déclaré Kevin Kindred, avocat spécialisé en droits de la personne basé à Halifax qui a aidé à organiser une contre-manifestation. « Il ne s’agissait pas simplement d’expression religieuse. Feucht a maintes fois diabolisé les communautés LGBTQ+ et propagé de la désinformation nuisible. »
La controverse tourne autour du passé bien documenté de Feucht. Le pasteur californien a décrit le mouvement LGBTQ+ comme « une obscurité qui doit être traitée » et s’est montré vocal dans son opposition aux restrictions liées à la COVID-19, les qualifiant de persécution religieuse. Ses connexions politiques incluent des prestations lors de rassemblements pour l’ancien président américain Donald Trump.
Parcs Canada, quant à elle, se retrouve en eaux troubles. L’agence fédérale a d’abord défendu sa décision, citant son mandat d’être « inclusive pour tous les Canadiens ». Dans une déclaration aux médias, ils ont expliqué que le site avait été loué comme lieu, sans endosser les opinions d’aucun groupe.
Adam Reid, président de Halifax Pride, voit les choses différemment. « Il y a une différence entre l’inclusivité et offrir une tribune à quelqu’un connu pour promouvoir la discrimination, » m’a confié Reid lors d’un entretien téléphonique. « Le timing pendant le Mois de la Fierté a rendu cela particulièrement blessant pour notre communauté. »
Les conséquences ont été rapides. Claudia Chender, chef du NPD de la Nouvelle-Écosse, a qualifié cette décision de « profondément préoccupante », tandis qu’Andy Fillmore, député d’Halifax, a exprimé sa déception qu’une agence fédérale puisse fournir un espace pour des opinions contraires aux valeurs canadiennes d’inclusion.
Sur place, l’ambiance était tendue mais restait pacifique. Environ 40 contre-manifestants se sont rassemblés à proximité, brandissant des drapeaux arc-en-ciel et des pancartes promouvant l’amour et l’acceptation. La GRC locale a maintenu une présence pour assurer la sécurité publique, bien qu’aucun incident n’ait été signalé.
Pour Emma Morris, résidente d’Halifax qui a participé à la contre-manifestation, la question touche profondément. « Il ne s’agit pas de liberté de religion, » a-t-elle expliqué. « C’est plutôt un personnage politique américain qui utilise des terres publiques canadiennes pour diffuser un message qui blesse des communautés vulnérables. »
Les documents publics montrent que l’organisation de Feucht, Hold the Line, a payé les frais de location standard de 1 200 $ pour le site. Cela soulève des questions sur le processus de vérification des groupes cherchant à utiliser des sites historiques nationaux pour des événements aux messages potentiellement clivants.
Parcs Canada a depuis reconnu les préoccupations soulevées par les membres de la communauté. Dans une déclaration ultérieure, ils ont promis de « revoir nos politiques concernant les locations de sites pour s’assurer qu’elles s’alignent avec notre engagement envers l’inclusion et le respect de tous les Canadiens. »
L’incident met en lumière les tensions croissantes à travers le Canada alors que les guerres culturelles américaines trouvent de plus en plus leur chemin vers le nord. Des controverses similaires ont émergé en Ontario et en Colombie-Britannique, où des figures évangéliques américaines ont tenu des événements que les Canadiens progressistes considèrent comme incompatibles avec les valeurs de la Charte.
Les experts juridiques soulignent l’équilibre délicat auquel font face les agences gouvernementales. « Il existe une tension entre la liberté religieuse et la protection contre la discrimination, » note Catherine McKenna, professeure de droit constitutionnel à l’Université Dalhousie. « Les organismes publics doivent naviguer ces eaux avec précaution, surtout lorsque des lieux financés par les contribuables sont impliqués. »
Pour les groupes de défense LGBTQ+, les préoccupations vont au-delà d’un simple concert. Halifax Pride a appelé à une plus grande responsabilité et transparence dans l’attribution des espaces publics. Ils s’inquiètent du précédent que cela crée pour les événements futurs.
Tourisme Nouvelle-Écosse estime que les événements de la Fierté rapportent environ 4,5 millions de dollars annuellement à l’économie d’Halifax. Les leaders communautaires préviennent que des incidents comme celui-ci pourraient nuire à la réputation de la province en tant que destination accueillante.
En réponse à la pression croissante, le ministre fédéral de l’Environnement Steven Guilbeault, dont le portefeuille inclut Parcs Canada, a promis une révision des politiques de location de sites dans l’ensemble du réseau des parcs nationaux. « Notre gouvernement défend fermement l’inclusion et s’oppose à toute forme de discrimination, » a déclaré Guilbeault dans un communiqué de presse.
Des leaders religieux locaux ont également donné leur avis. La révérende Susan Chisholm de l’Église Unie à Halifax a souligné que « la plupart des communautés chrétiennes au Canada accueillent pleinement les personnes LGBTQ+. Les opinions de M. Feucht représentent une interprétation étroite que beaucoup d’entre nous rejetons. »
Alors que la poussière retombe, cette controverse laisse les Canadiens avec des questions difficiles sur les limites de la libre expression dans les espaces publics. Elle sert également de rappel que dans notre monde de plus en plus connecté, les divisions culturelles et politiques de notre voisin du sud continuent de trouver leur expression sur le sol canadien.
Pour les résidents d’Halifax qui se sont rassemblés en protestation ce soir d’été, la question était simple : les terres publiques ne devraient pas être utilisées pour promouvoir des messages qui portent atteinte à la dignité et à l’égalité des concitoyens. Alors que le gouvernement fédéral révise ses politiques, beaucoup espèrent que cet incident mènera à des directives plus claires qui reflètent mieux les valeurs canadiennes.
Entre-temps, York Redoubt est retourné à son calme habituel, ses murs historiques ayant été témoins d’un chapitre de plus dans la conversation continue sur ce que signifie être véritablement inclusif dans le Canada moderne.