Le géant canadien des télécommunications Rogers a officiellement annoncé un retour au bureau à temps plein obligatoire pour ses employés à partir de janvier 2025, marquant l’un des changements les plus décisifs en matière d’organisation du travail dans le paysage post-pandémique du Canada.
Selon des communications internes obtenues auprès d’employés, les dirigeants de Rogers ont informé le personnel plus tôt cette semaine que l’entreprise éliminera ses dispositions de travail hybride, exigeant que tous les employés corporatifs travaillent au bureau cinq jours par semaine à partir de l’année prochaine.
« Ce n’est pas qu’un simple changement de politique d’entreprise—cela représente un renversement fondamental de la flexibilité en milieu de travail qui a émergé pendant la pandémie, » explique Nora Billington, consultante en culture organisationnelle chez Vertex Partners à Toronto. « Rogers signale essentiellement qu’ils croient que la collaboration en personne l’emporte sur les avantages du télétravail. »
Cette décision touche environ 15 000 employés corporatifs à travers le pays, la majorité étant concentrée au siège social de l’entreprise au centre-ville de Toronto et dans les bureaux régionaux de Vancouver, Calgary et Montréal.
La note interne de l’entreprise, distribuée aux employés mardi, soulignait le « renforcement de la culture organisationnelle » et « l’amélioration de l’innovation collaborative » comme principales motivations derrière ce changement de politique. Le PDG de Rogers, Tony Staffieri, aurait cité des indicateurs internes de productivité montrant que les équipes travaillant en personne démontraient « des résultats mesurables plus solides » dans les cycles de développement de produits et les taux de résolution du service à la clientèle.
Ce virage stratégique contraste fortement avec les tendances actuelles du milieu de travail. Des données récentes de Statistique Canada montrent qu’environ 42 % des entreprises canadiennes ont adopté des modèles hybrides permanents après la pandémie, seulement 12 % exigeant une présence à temps plein au bureau. Les secteurs technologiques et des télécommunications ont généralement adopté une flexibilité encore plus grande, de nombreux concurrents maintenant des politiques hybrides ou privilégiant le télétravail.
Le mandat de Rogers a déjà suscité des réactions mitigées parmi les employés. Un ingénieur logiciel qui a demandé l’anonymat a partagé : « Beaucoup d’entre nous ont déménagé plus loin du centre-ville en s’attendant à ce que le travail hybride continue. Cela équivaut effectivement à une baisse de salaire quand on tient compte des coûts de transport et des décisions de logement que nous avons prises en fonction des politiques existantes. »
Pendant ce temps, les analystes immobiliers voient des effets d’entraînement potentiels au-delà de Rogers même. « Les grands employeurs qui reviennent aux modèles de bureau traditionnels pourraient avoir un impact significatif sur l’immobilier commercial dans les centres-villes, » note Jordan Chen, analyste en immobilier commercial chez RBC Marchés des Capitaux. « Si d’autres grands employeurs suivent l’exemple, nous pourrions voir un renversement significatif des tendances de vacance des bureaux du centre-ville qui persistent depuis 2020. »
La décision de Rogers soulève des questions sur la rétention des talents dans un marché du travail concurrentiel des télécommunications et de la technologie. Bell Canada maintient actuellement une approche hybride flexible, tandis que TELUS s’est publiquement engagé à offrir des options de télétravail permanentes pour les postes éligibles grâce à son programme « Styles de travail ».
« Les entreprises qui mettent en œuvre des politiques strictes de retour au bureau font face à des risques mesurables, » prévient Priya Sharma, recruteuse dans le secteur technologique chez Hirewell Canada. « Nos dernières données montrent que 67 % des professionnels de la technologie envisageraient de changer d’employeur s’ils étaient forcés de retourner au bureau à temps plein, et 41 % accepteraient des réductions de salaire modérées pour maintenir la flexibilité. »
Rogers a tenté d’atténuer les réactions négatives potentielles en annonçant l’amélioration des commodités de bureau, y compris l’expansion des options de restauration sur place, des installations de bien-être et des programmes de transport subventionnés. L’entreprise offrirait également des forfaits d’aide à la relocalisation pour les employés qui ont déménagé au-delà d’une distance raisonnable pendant la pandémie.
Les analystes financiers restent divisés sur la question de savoir si cette décision profitera aux résultats de Rogers. « Bien qu’il y ait des avantages légitimes à la collaboration en personne, les coûts potentiels en termes de perte de talents et de satisfaction des employés pourraient contrebalancer les gains de productivité, » suggère Omar Hassan, analyste des télécommunications à la Financière Banque Nationale.
Ce changement de politique survient au milieu de changements plus larges chez Rogers suite à son acquisition de Shaw Communications pour 26 milliards de dollars l’année dernière, qui a déjà entraîné une restructuration organisationnelle importante. Les observateurs de l’industrie spéculent que le mandat de retour au bureau pourrait faire partie d’une stratégie plus large visant à consolider la culture d’entreprise après la fusion.
À l’approche de la date de mise en œuvre en janvier 2025, des groupes de défense des employés organisent déjà une résistance. Une Association des employés de Rogers nouvellement formée a commencé à recueillir des signatures pour une pétition demandant à l’entreprise de reconsidérer sa position ou d’adopter une approche de transition plus graduelle.
Cette décision d’entreprise reflète la tension persistante entre les modèles de travail traditionnels et les arrangements flexibles qui ont émergé pendant la pandémie—une conversation qui se déroule dans les salles de conseil d’administration partout au Canada alors que les entreprises recalibrent leurs approches du travail dans un paysage transformé.
Pour la communauté d’affaires canadienne au sens large, la position audacieuse de Rogers pourrait devenir soit un modèle, soit un récit de mise en garde alors que d’autres grands employeurs soupèsent des décisions similaires dans les mois à venir.