Le soleil d’été tape fort sur le Parc La Fontaine tandis que Michelle Desrosiers ramasse soigneusement un gobelet de café abandonné et le place dans son sac à ordures déjà à moitié plein. Vêtue d’un équipement de visibilité orange vif avec « Dame des déchets » inscrit au dos, Desrosiers est devenue une figure familière dans les quartiers montréalais ces temps-ci.
« J’ai commencé à remarquer plus de déchets après la levée des restrictions liées à la pandémie. Les gens étaient de nouveau dehors, mais les services municipaux n’avaient pas suivi le rythme », explique Desrosiers, essuyant la sueur de son front. « Je me suis dit – je peux me plaindre ou je peux faire quelque chose. »
Ce qui a commencé comme une mission personnelle pour embellir son quartier du Plateau-Mont-Royal s’est transformé en une initiative de collecte de fonds réussie pour la SPCA de Montréal, l’une des plus grandes organisations de protection animale du Québec. Pour chaque kilomètre de terrain urbain que Desrosiers nettoie, des entreprises locales et des donateurs individuels contribuent à sa campagne, qui a récolté plus de 17 000 $ depuis avril.
L’initiative arrive à un moment critique pour les refuges animaliers partout au Canada. La SPCA de Montréal a signalé une augmentation de 23 % des abandons d’animaux par rapport aux chiffres d’avant la pandémie, une tendance observée dans tous les établissements du pays. Les pressions économiques, notamment la hausse des coûts de logement et l’inflation, ont forcé de nombreux propriétaires d’animaux à prendre des décisions difficiles.
« Les gens ont du mal à payer la nourriture pour animaux, les factures vétérinaires, et certains propriétaires discriminent encore les propriétaires d’animaux malgré les règlements provinciaux sur la location », explique Jean-François Lambert, porte-parole de la SPCA de Montréal. « Le travail de Michelle nous aide à maintenir des services essentiels pendant un été particulièrement difficile. »
Desrosiers suit ses parcours de nettoyage à l’aide d’une application de fitness, publiant des mises à jour quotidiennes sur ses réseaux sociaux où ses abonnés peuvent suivre sa progression en temps réel. Des commerces locaux, dont le Café Santropol, le Dépanneur AS et le restaurant La Banquise, se sont engagés à faire des dons en fonction de son kilométrage.
« J’habite au-dessus de mon restaurant depuis vingt ans et je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi dévoué à la propreté communautaire », déclare Martin Picard, propriétaire d’un établissement participant. « Quand elle nous a approchés pour soutenir la SPCA par son travail, c’était facile de dire oui. »
Le projet a touché les Montréalais de différents quartiers. Le conseiller municipal Alex Norris a salué l’initiative lors d’une récente réunion d’arrondissement, notant : « Cela montre comment l’action individuelle peut répondre simultanément à plusieurs besoins communautaires. »
Sur le plan pratique, les efforts de Desrosiers ont donné des résultats impressionnants. Selon son décompte, elle a collecté plus de 340 sacs de déchets dans les rues et les parcs de la ville depuis le printemps. Les articles les plus courants ? Gobelets de café, mégots de cigarettes et, malheureusement, masques jetables de l’ère pandémique qui continuent de joncher les espaces urbains.
« La première semaine était franchement dégoûtante », rit Desrosiers. « Mais maintenant j’ai un système. Des gants résistants, des pinces appropriées, et je sais quelles zones nécessitent le plus d’attention. »
L’initiative a suscité des nettoyages communautaires improvisés, avec des voisins et des sympathisants qui rejoignent occasionnellement Desrosiers sur ses parcours. Les écoles locales ont également remarqué le projet, avec trois classes de primaire qui ont organisé leurs propres événements « mini déchets » avant les vacances d’été.
Le ministre québécois de l’Environnement, Benoit Charette, a salué le projet sur Twitter la semaine dernière, écrivant : « La citoyenneté à son meilleur – s’attaquer à la propreté urbaine tout en soutenant le bien-être animal. Merci Michelle ! »
Selon Humane Canada, les refuges animaliers à l’échelle nationale connaissent des défis de capacité suite aux abandons d’animaux post-pandémie. L’organisation a rapporté que les taux d’adoption ont chuté de 15 % au premier trimestre de cette année, tandis que les admissions ont augmenté de près de 20 % dans les refuges membres.
« Ce que fait Michelle apporte des avantages doubles », explique Sophie Gaillard, directrice de la défense des animaux à la SPCA de Montréal. « Au-delà du soutien financier, elle sensibilise à nos services quand nous avons le plus besoin de visibilité. »
Pour Desrosiers, qui possède elle-même deux chats rescapés, le lien entre la gestion environnementale et le bien-être animal semble naturel. « Les communautés saines devraient être propres pour tous – personnes et animaux confondus. »
L’initiative a déjà inspiré des efforts similaires à Québec et à Sherbrooke, où des résidents locaux ont lancé leurs propres collectes de fonds de nettoyage pour des organisations de protection animale.
À mesure que l’été avance, Desrosiers a élargi ses parcours au-delà de son arrondissement, nettoyant récemment des zones à Verdun et Hochelaga-Maisonneuve. Elle espère atteindre 25 000 $ de dons avant l’arrivée de l’automne.
« Le meilleur aspect, ce sont les conversations qui se produisent quand les gens s’arrêtent pour demander ce que je fais », dit Desrosiers, vidant son sac de collecte dans une poubelle publique. « C’est l’occasion de parler à la fois de la propreté urbaine et du bien-être animal – des problèmes qui peuvent sembler distincts mais qui sont en fait liés à la façon dont nous prenons soin de nos espaces partagés et de ceux qui dépendent de nous. »
Pour ceux qui souhaitent soutenir l’initiative ou lancer des projets similaires, la SPCA de Montréal a créé une page web dédiée décrivant les parcours de Desrosiers et les options de contribution. L’organisation offre également des conseils aux autres communautés souhaitant établir des programmes comparables.
Alors que la « Dame des déchets » de Montréal poursuit ses tournées quotidiennes, elle nous rappelle que l’impact communautaire significatif commence souvent par les actions les plus simples – dans son cas, ramasser un déchet à la fois.