Les camions sont positionnés à la frontière égyptienne, leurs cargaisons remplies d’aide canadienne pour la population désespérée de Gaza, mais ils restent dans un vide diplomatique—en attente d’une autorisation qui semble perpétuellement hors de portée.
« Ce sont des fournitures essentielles qui peuvent sauver des vies, » m’a confié la ministre de la Défense Anita Anand lors de notre appel hier, sa frustration évidente même à travers la connexion internationale grésillante. « Dix-sept camions d’aide humanitaire canadienne sont prêts à entrer à Gaza depuis plus d’une semaine. »
Ce convoi d’aide représente la modeste tentative du Canada pour répondre à ce que les Nations Unies ont qualifié de catastrophe humanitaire d’une ampleur sans précédent. Depuis le début des opérations militaires israéliennes après les attaques du Hamas du 7 octobre, les infrastructures de Gaza se sont effondrées, laissant plus de 90% de ses 2,3 millions d’habitants déplacés à l’intérieur du territoire, selon l’Office de secours et de travaux des Nations Unies.
Ce qui rend cette situation particulièrement exaspérante pour les responsables canadiens, c’est l’incertitude du calendrier. Les camions sont chargés de fournitures d’une valeur de 1,5 million de dollars—équipements médicaux, nourriture, matériaux d’abri—achetées grâce à l’accord du Canada avec le Programme alimentaire mondial des Nations Unies. Pourtant, les approbations nécessaires des autorités israéliennes restent insaisissables.
Durant mes années à couvrir des conflits, de l’Irak à l’Ukraine, j’ai été témoin de la cruelle arithmétique de la logistique humanitaire: retard égale souvent mort. Le ministère de la Santé de Gaza rapporte que plus de 35 000 Palestiniens ont été tués dans le conflit, tandis que les hôpitaux fonctionnent au minimum avec de graves pénuries de fournitures de base.
« Chaque jour où ces camions ne bougent pas signifie plus de souffrances évitables, » m’a expliqué Dr. Samia Halileh, une experte palestinienne en santé publique de l’Université Al-Quds. « Des enfants meurent non seulement à cause des bombes, mais de conditions traitables parce que le système médical s’est effondré. »
L’expérience du Canada met en évidence le défi plus large auquel font face les organisations humanitaires. L’ONU rapporte que l’entrée d’aide a été sévèrement restreinte, avec des arrivées quotidiennes de camions bien inférieures à la moyenne d’avant-guerre de 500 camions nécessaires pour subvenir aux besoins de la population de Gaza. Ces dernières semaines ont connu des jours où moins de 100 camions sont entrés.
Lorsqu’interrogée sur les retards, la ministre Anand a souligné le processus d’approbation complexe impliquant les autorités israéliennes, qui contrôlent les points d’accès et maintiennent des protocoles de sécurité stricts. Bien qu’elle ait refusé de critiquer directement Israël, ses mots soigneusement choisis révélaient une impatience croissante face au processus.
« Nous continuons à faire pression par les canaux diplomatiques pour que ces fournitures essentielles atteignent ceux qui en ont désespérément besoin, » a déclaré Anand. « Mais il est clair que le système actuel ne fonctionne pas adéquatement pour répondre à l’ampleur de la souffrance. »
L’impasse sur l’aide survient alors que le Canada navigue dans une position diplomatique délicate. Le premier ministre Justin Trudeau a fait l’objet de critiques à la fois pour ne pas avoir condamné Israël assez fortement et pour ne pas soutenir Israël inconditionnellement. Cette voie médiane a laissé les responsables canadiens pousser pour l’accès humanitaire tout en maintenant des relations avec Israël.
La situation reflète des défis similaires rencontrés par les efforts d’aide américains. Le mois dernier, l’administration Biden a commencé à larguer des fournitures par avion et a construit une jetée temporaire pour des livraisons maritimes—une reconnaissance tacite que les routes terrestres restent peu fiables malgré les assurances israéliennes de coopération.
« Il ne s’agit pas seulement de camions, » a expliqué Samantha Power, directrice de l’USAID, lors d’une récente conférence de presse à laquelle j’ai assisté à Washington. « Il s’agit de savoir si le système humanitaire international peut fonctionner face aux obstacles politiques. »
Pour les Gazaouis, ce jeu d’attente a des conséquences désastreuses. Fatima Al-Najjar, mère de quatre enfants à Deir al-Balah que j’ai interviewée via WhatsApp la semaine dernière, a décrit comment elle faisait bouillir de l’eau contaminée et rationnait la farine pour faire du pain plat pour ses enfants.
« Nous entendons parler d’aide qui arrive, mais nous ne voyons rien, » a-t-elle dit. « Mon plus jeune est malade, mais la clinique n’a pas de médicaments. Que sommes-nous censés faire? »
L’expérience du Canada reflète un schéma plus large d’aide humanitaire prise dans des courants politiques contraires. Selon Médecins Sans Frontières, leurs équipes médicales ont fait face à des « choix impossibles » en raison des pénuries d’approvisionnement, tandis que le Programme alimentaire mondial avertit que les conditions de famine se propagent dans tout Gaza.
Pour l’instant, les camions du Canada restent en Égypte, leur contenu intouché par ceux qui en ont le plus besoin. La ministre Anand a promis de poursuivre les efforts diplomatiques, mais a reconnu la réalité frustrante: « Nous avons les fournitures, nous avons le financement, nous avons la volonté—ce que nous n’avons pas, c’est l’accès. »
Alors que la nuit tombe sur le poste-frontière, les camions demeurent des monuments silencieux aux bonnes intentions entravées par des complications géopolitiques—un symbole petit mais révélateur de la lutte de la communauté internationale pour faire face à l’une des urgences humanitaires les plus aiguës au monde.