Alors que la saison estivale des voyages s’intensifie, un nuage d’incertitude plane sur les opérations d’Air Canada. Les 8 500 agents de bord de la compagnie aérienne ont voté massivement en faveur d’une grève si les négociations contractuelles en cours ne produisent pas de résultats satisfaisants. Avec 99,2 % des membres soutenant une potentielle action syndicale, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) s’est positionné pour ce qui pourrait devenir une perturbation majeure dans le secteur aérien canadien.
J’ai passé hier après-midi à discuter avec des voyageurs à l’aéroport international d’Ottawa, où l’anxiété était déjà palpable. « Nous planifions cette réunion de famille à Vancouver depuis plus d’un an », a confié Melissa Chen, serrant sa carte d’embarquement. « Maintenant, je me demande si nous devrions réserver des vols de secours avec une autre compagnie, juste au cas où. »
Cette possible interruption de travail survient à un moment particulièrement délicat. Air Canada reconstruit sa réputation post-pandémique tout en composant avec des attentes croissantes des passagers et des pressions réglementaires. Selon les données de Transports Canada, la compagnie a transporté environ 32 millions de passagers en 2023, approchant pour la première fois les niveaux d’avant la pandémie.
Les problèmes centraux qui alimentent ce conflit de travail reflètent des tensions plus larges dans l’industrie canadienne du voyage en pleine reprise. Les agents de bord réclament de meilleurs salaires, des pratiques d’horaires améliorées et une protection accrue de la sécurité d’emploi. Wesley Lesosky, président de la composante Air Canada du SCFP, a souligné que la rémunération n’a pas suivi l’inflation ni les normes de l’industrie.
« Nos membres ont fait des sacrifices importants pour aider l’entreprise pendant les périodes difficiles », a déclaré Lesosky lors d’une conférence de presse à Toronto. « Maintenant qu’Air Canada est redevenue rentable, il est temps que les agents de bord participent à cette reprise. »
Air Canada a déclaré un revenu d’exploitation de 2,3 milliards de dollars en 2023, marquant un redressement substantiel par rapport aux pertes de l’ère pandémique. Ce redressement financier a renforcé la position du syndicat selon laquelle les travailleurs méritent des régimes de rémunération améliorés.
Le calendrier d’une perturbation potentielle approche rapidement. Le syndicat sera en position légale de grève d’ici le 26 juin, au moment même où les écoles ferment et où la saison estivale des voyages bat son plein. Ce timing donne aux deux parties environ trois semaines pour parvenir à un accord avant que des interruptions de service ne deviennent possibles.
Pour les voyageurs inquiets, la préoccupation immédiate est simple : qu’advient-il de leurs projets de voyage? Air Canada a publié une déclaration indiquant qu’elle reste « engagée à parvenir à un accord équitable » et que « tous les vols fonctionnent comme prévu ». Cependant, la compagnie s’est abstenue de présenter des plans d’urgence spécifiques.
Le ministre des Transports Pablo Rodriguez a exhorté les deux parties à poursuivre les négociations, notant que le gouvernement fédéral « surveille la situation de près ». Bien que le gouvernement conserve le pouvoir d’intervenir dans les conflits de travail affectant les services essentiels, il a traditionnellement été réticent à s’immiscer dans les négociations de travail des compagnies aériennes.
Les analystes de l’industrie suggèrent que le vote de grève lui-même pourrait être principalement une tactique de négociation. « Le soutien écrasant donne au syndicat un levier important à la table des négociations », a expliqué Dr. Anita Singh, experte en relations de travail à l’Université York. « Aucune des parties ne souhaite vraiment un arrêt de travail, mais cela démontre le sérieux des préoccupations des agents de bord. »
Ce qui rend cette grève potentielle particulièrement impactante, c’est le nombre limité d’alternatives disponibles pour les voyageurs. WestJet, le deuxième plus grand transporteur du Canada, a connu ses propres défis opérationnels plus tôt cette année. Les transporteurs plus petits comme Porter et Flair n’ont pas la capacité d’absorber un nombre significatif de passagers d’Air Canada déplacés.
Les voyageurs internationaux font face à des complications supplémentaires. Air Canada dessert plus de 180 destinations dans le monde, et de nombreuses routes ont une concurrence limitée ou inexistante. Cela signifie que les voyageurs vers certaines destinations pourraient se retrouver avec peu d’alternatives si les grèves se poursuivent.
Pour les consommateurs détenant des billets Air Canada pour les voyages d’été, l’assurance voyage devient une considération cruciale. Cependant, les polices standard excluent généralement la couverture des grèves annoncées avant l’achat de la police. « Une fois qu’un vote de grève a été rendu public, les nouvelles polices d’assurance ne couvriront généralement pas les annulations liées », a mis en garde Marvin Ryder, professeur de commerce à l’Université McMaster.
Les préoccupations des agents de bord vont au-delà des salaires. Les pratiques de planification, particulièrement concernant les périodes de repos entre les vols, sont devenues de plus en plus litigieuses. L’agente de bord Samantha Wright, qui a demandé que son vrai nom ne soit pas utilisé, m’a parlé de travailler sur des vols transatlantiques consécutifs avec un temps de récupération minimal. « La fatigue n’est pas seulement une question de bien-être pour nous—c’est un problème de sécurité pour tous à bord », a-t-elle expliqué.
La dernière perturbation majeure du travail chez Air Canada s’est produite en 2011, lorsqu’une grève de trois jours des agents du service clientèle a été interrompue par une législation fédérale de retour au travail. Ce différend a finalement mené à un arbitrage obligatoire. Reste à voir si la situation actuelle suivra un chemin similaire.
Alors que les négociations se poursuivent à huis clos, les voyageurs s’interrogent sur leurs projets d’été. Les agences de voyage signalent une augmentation des appels de clients inquiets, bien que les annulations restent minimes jusqu’à présent.
L’issue de ce conflit de travail aura probablement des répercussions dans toute l’industrie aéronautique canadienne. En tant que transporteur national et plus grande compagnie aérienne du pays, les relations de travail d’Air Canada établissent souvent des précédents pour le secteur. D’autres travailleurs de l’aviation observent attentivement, avec des pilotes de plusieurs compagnies aériennes canadiennes actuellement à diverses étapes de leurs propres négociations contractuelles.
Pour l’instant, les représentants de la compagnie aérienne et du syndicat continuent d’exprimer leur optimisme quant à la conclusion d’un accord. Que cela se produise avant que les vacances d’été ne soient perturbées dépendra des progrès réalisés dans les jours et semaines à venir. Pour les voyageurs anxieux comme Melissa Chen à l’aéroport international d’Ottawa, l’attente continue.