Le monde financier me fait souvent penser à ces illusions d’optique où ce que l’on voit dépend entièrement de notre perspective. C’est le cas du dernier rapport financier de Great-West Lifeco, qui montre simultanément des baisses préoccupantes et des performances record.
Le géant canadien de l’assurance et de la gestion de patrimoine a présenté un deuxième trimestre 2025 quelque peu contradictoire, avec un bénéfice net en baisse de 11 % sur un an à 715 millions de dollars, tandis que le bénéfice de base – leur indicateur de performance préféré – a atteint un niveau record de 999 millions de dollars, en hausse de 6 % par rapport à la même période l’année dernière.
« Ce trimestre démontre la résilience de notre modèle d’affaires diversifié dans un contexte de marché difficile », a déclaré Paul Mahon, président et chef de la direction, lors de la conférence téléphonique d’hier sur les résultats. « Bien que certains éléments ponctuels aient affecté nos résultats, la force sous-jacente de nos activités principales continue de prendre de l’ampleur. »
La société de portefeuille de services financiers basée à Winnipeg, qui opère sous des marques comme Canada-Vie, Empower et Irish Life, a attribué la baisse du bénéfice net principalement aux impacts liés au marché sur les passifs des contrats d’assurance et à plusieurs charges de restructuration ponctuelles dans ses activités européennes.
Pour l’investisseur moyen ou le titulaire de police, ces indicateurs divergents peuvent sembler déroutants. Le bénéfice de base exclut certains éléments que la direction considère comme étant en dehors des opérations normales – essentiellement ce que l’entreprise aurait gagné sans événements extraordinaires ou ajustements comptables. Le bénéfice net, quant à lui, représente l’image financière complète.
Le segment canadien de l’entreprise a fait preuve d’une force particulière, avec un bénéfice de base en hausse de 8 % à 380 millions de dollars, stimulé par l’augmentation des revenus de frais dans la gestion de patrimoine et une expérience de morbidité favorable dans l’assurance collective. Cette performance reflète la demande continue de produits d’investissement alors que les Canadiens se préparent à la retraite malgré des pressions inflationnistes qui ont persisté plus longtemps que prévu par de nombreux économistes.
« Nous constatons que les clients canadiens privilégient la sécurité financière à long terme tout en gérant les pressions de coûts à court terme », a souligné Mahon. « Cette tendance a profité à nos activités d’assurance et de gestion de patrimoine. »
Les opérations américaines de Great-West sous la marque Empower ont contribué à hauteur de 257 millions de dollars au bénéfice de base, soit une augmentation de 7 %. La société a cité l’amélioration des marges basées sur les frais et l’intégration réussie des acquisitions réalisées au cours des trois dernières années comme principaux moteurs de croissance.
Cependant, le segment européen a présenté des résultats plus mitigés, avec un bénéfice de base en hausse à 256 millions de dollars tout en faisant face à des coûts de restructuration qui ont impacté le bénéfice net. L’entreprise est en train de réaliser ce qu’elle appelle un « réalignement stratégique » dans ses opérations britanniques, en réponse à l’évolution des exigences réglementaires et des préférences des clients vers les services numériques.
Les analystes de l’industrie ont fourni diverses interprétations de ces résultats. Mona Nazir de Valeurs mobilières Banque Laurentienne a maintenu sa recommandation d’« achat » sur les actions de Great-West, soulignant le bénéfice de base record comme preuve de la solidité opérationnelle.
« Quand on regarde au-delà des chiffres globaux, Great-West exécute bien sa stratégie d’affaires fondamentale », a écrit Nazir dans une note aux clients. « L’impact de la volatilité du marché est transitoire, tandis que la capacité bénéficiaire de leur franchise continue de se renforcer. »
Pendant ce temps, Gabriel Dechaine de la Financière Banque Nationale a adopté un ton plus prudent, soulignant l’écart croissant entre le bénéfice de base et le bénéfice net comme une préoccupation potentielle. « Bien que la croissance du bénéfice de base soit impressionnante, les investisseurs devraient se demander si cette divergence représente un phénomène temporaire ou signale des défis plus profonds dans la réconciliation de la performance opérationnelle avec la réalité comptable », a noté Dechaine.
La position en capital de Great-West reste solide, avec un ratio du TSAV de 123 %, bien au-dessus des exigences réglementaires. Le conseil d’administration a approuvé le maintien du dividende trimestriel à 0,65 $ par action ordinaire, ce qui marquerait la 40e année consécutive d’augmentation des dividendes si cette tendance se poursuit jusqu’en 2025.
Pour l’avenir, la direction a réaffirmé ses objectifs financiers à moyen terme, notamment une croissance annuelle du bénéfice de base par action de 8 à 10 %. Toutefois, les dirigeants ont reconnu les incertitudes économiques persistantes, notamment concernant l’inflation et les trajectoires des taux d’intérêt, qui pourraient avoir un impact sur les rendements des investissements et le comportement des titulaires de polices.
Les actions de l’entreprise ont initialement chuté après la publication des résultats, mais se sont redressées en milieu de séance à mesure que les investisseurs assimilaient ces résultats mitigés. Depuis le début de l’année, les actions de Great-West ont augmenté d’environ 8 %, sous-performant par rapport à la hausse de 11 % de l’indice composé S&P/TSX.
Pour les près de 31 000 employés de Great-West et de ses filiales – et les millions de clients qu’ils servent – ces résultats reflètent la navigation continue de l’entreprise dans les réalités post-pandémiques. L’accent mis sur la transformation numérique se poursuit, l’entreprise signalant une augmentation de 22 % des interactions numériques avec les clients par rapport au même trimestre de l’année dernière.
Les données du Bureau d’assurance du Canada suggèrent que le secteur de l’assurance vie et maladie a fait preuve d’une résilience remarquable malgré les vents contraires économiques, la croissance des primes dépassant l’inflation dans la plupart des catégories de produits au premier semestre 2025.
Alors que Great-West approche de son 150e anniversaire en 2027, l’entreprise se trouve à équilibrer ses modèles d’affaires traditionnels avec le besoin d’innovation dans un paysage de services financiers de plus en plus numérique. Le rapport financier d’hier, avec ses indicateurs contrastés, semble emblématique de cette transition même – des fondations solides soutenant de nouvelles initiatives de croissance, même si certaines lignes d’activité traditionnelles font face à des pressions d’ajustement.
Le récit financier de Great-West, comme cette illusion d’optique que j’ai mentionnée, dépend en fin de compte des indicateurs sur lesquels les investisseurs choisissent de se concentrer. Pour l’instant, la direction parie que le bénéfice de base record se traduira éventuellement par une amélioration des résultats nets à mesure que les facteurs ponctuels s’estomperont et que la force des activités principales se manifestera.