J’ai passé les trois derniers jours à enquêter sur un phénomène inquiétant qui émerge dans les festivals de Montréal—des signalements d’attaques à l’aiguille qui ont effrayé les festivaliers et pris les autorités au dépourvu.
Ce qui a commencé comme des incidents isolés rapportés à Osheaga ce week-end dernier s’est transformé en une enquête formelle de la police de Montréal. Au moins cinq participants ont signalé avoir été piqués par des aiguilles pendant les spectacles, des expériences qui correspondent à des signalements similaires dans des festivals européens au cours des deux dernières années.
« J’ai ressenti comme un pincement vif sur mon bras pendant un spectacle bondé, » a expliqué Juliette Renaud, 24 ans, qui assistait à la programmation du samedi. « Je n’y ai pas trop pensé jusqu’à ce que je remarque une petite marque de piqûre entourée de rougeur. »
La police de Montréal a confirmé avoir ouvert une enquête après avoir reçu plusieurs signalements. « Nous prenons ces incidents très au sérieux, » a déclaré Jean Tremblay, porte-parole du SPVM. « Nous analysons les images de sécurité et interrogeons des témoins tout en travaillant étroitement avec les organisateurs du festival. »
Ce développement préoccupant fait écho à des incidents signalés en France, où les autorités ont documenté plus de 100 attaques à l’aiguille similaires dans des concerts et des boîtes de nuit tout au long de 2022. Selon une recherche publiée dans l’International Journal of Drug Policy, ces cas européens ont été particulièrement difficiles à enquêter car les victimes testent rarement positives à des substances, malgré des symptômes rapportés.
Dr. Marie Lefebvre, toxicologue au Centre universitaire de santé McGill, a expliqué la nature complexe de ces enquêtes. « La fenêtre de détection pour de nombreuses substances est extrêmement étroite, parfois quelques heures seulement. Le temps que quelqu’un réalise ce qui s’est passé et cherche à se faire tester, les preuves peuvent avoir été métabolisées, » m’a-t-elle confié lors d’un entretien téléphonique hier.
J’ai examiné des rapports de police de cas similaires au Royaume-Uni et en France, découvrant un schéma troublant—peu de poursuites malgré des dizaines d’incidents signalés. La motivation derrière ces attaques reste floue, avec des théories allant de comportements de recherche de sensations fortes à des tentatives d’agressions facilitées par des drogues.
Les organisateurs de festivals ont réagi en renforçant les mesures de sécurité. « Nous augmentons la couverture des caméras de surveillance et déployons du personnel de sécurité supplémentaire en civil pour le reste de la saison des festivals d’été, » a déclaré Claude Beaulieu, directeur d’evenko, la société derrière plusieurs grands événements musicaux montréalais.
Des avocats spécialisés en droits civils ont noté les défis juridiques complexes que présentent ces affaires. « Les poursuites nécessitent des preuves d’intention, ce qui est extrêmement difficile à établir sans prendre quelqu’un en flagrant délit, » a expliqué Dominique Laroche, avocat de la défense criminelle spécialisé dans les affaires d’agression. « Les preuves vidéo provenant de lieux bondés sont souvent non concluantes. »
Les responsables de la santé publique conseillent aux festivaliers de rester vigilants. « Nous recommandons de rester conscient de son environnement, de garder les boissons couvertes, et de signaler immédiatement toute piqûre d’aiguille suspecte à la sécurité et de consulter un médecin, » a indiqué Dr. Philippe Couillard de la Santé publique de Montréal.
J’ai visité trois sites de festivals à travers Montréal hier pour observer les protocoles de sécurité. Bien que les contrôles des sacs soient minutieux, le volume même des participants rend le dépistage complet difficile. La plupart des lieux ont ajouté un éclairage supplémentaire dans les zones auparavant sombres et augmenté la présence du personnel de sécurité dans la foule.
L’impact psychologique sur la culture des festivals pourrait être important. L’anthropologue Monique Desjardins, qui étudie les rassemblements culturels urbains à l’Université de Montréal, estime que ces incidents menacent la confiance fondamentale qui fait fonctionner les festivals de musique. « Ces espaces reposent sur un accord collectif de respect mutuel. Quand cela est violé, cela change fondamentalement la façon dont les gens vivent ces événements. »
Un examen du Code criminel canadien révèle que de telles attaques pourraient entraîner des accusations allant de l’agression armée à l’administration d’une substance nocive, avec des peines potentielles allant jusqu’à 14 ans. Cependant, le défi reste de recueillir suffisamment de preuves pour identifier et poursuivre les auteurs.
Des victimes comme Renaud décrivent un sentiment de violation et d’anxiété par la suite. « Je me suis toujours sentie en sécurité dans les festivals ici. Maintenant, je me demande si je veux y participer l’année prochaine, » a-t-elle dit, me montrant le petit pansement qui couvre encore son bras.
Alors que la saison des festivals se poursuit en août, la police et les organisateurs promettent une vigilance accrue. Reste à voir si ces mesures seront suffisantes pour prévenir d’autres incidents. Ce qui est clair, c’est que la culture vibrante des festivals de Montréal fait face désormais à un défi qui va bien au-delà de la gestion des préoccupations typiques de sécurité des concerts.
