La vision venue d’en-bas n’est pas très reluisante concernant l’approche éducative du Québec, selon une délégation d’experts australiens en politiques éducatives qui a récemment visité les écoles de notre province. Leur évaluation? Un exemple à ne pas suivre plutôt qu’un modèle à imiter.
« Ce qui m’a immédiatement frappée, c’est la rigidité, » affirme Dr. Margaret Thornton, chercheuse en politique éducative de l’Université de Melbourne, qui a visité plusieurs écoles de la région montréalaise le mois dernier. « Le système semble prisonnier d’un cadre dépassé qui ne reflète pas les environnements d’apprentissage modernes. »
La délégation australienne, composée de responsables de l’éducation et d’universitaires, a passé deux semaines à observer des classes à travers le Québec dans le cadre d’une étude comparative des systèmes éducatifs. Leurs conclusions soulignent des préoccupations concernant l’approche québécoise tant au niveau des infrastructures que de la conception des programmes.
Les bâtiments scolaires vieillissants du Québec ont fait l’objet de critiques particulières. De nombreuses structures, construites pendant le boom de la construction des années 1960, font face aujourd’hui à d’importants défis d’entretien. Le rapport du Vérificateur général de l’été dernier a révélé que 39% des écoles québécoises sont dans un état « mauvais » ou « très mauvais », nécessitant plus de 5,8 milliards de dollars en réparations.
« Nous avons parcouru des corridors où des tuiles de plafond manquaient et vu des salles de classe avec une ventilation inadéquate, » note Peter Wilson, coordinateur des infrastructures scolaires au ministère australien de l’Éducation. « Ces environnements physiques ne créent pas les conditions où les élèves peuvent s’épanouir. »
L’évaluation de la délégation arrive à un moment délicat. Le ministre québécois de l’Éducation, Bernard Drainville, défend les performances de la province suite à une baisse des résultats aux tests internationaux. Les récents résultats PISA ont montré que les élèves québécois performent toujours au-dessus de la moyenne canadienne en mathématiques, mais ont reculé en lecture et en sciences par rapport aux années précédentes.
Contacté pour commentaire, le cabinet de Drainville a souligné les investissements en cours. « Nous engageons 2,3 milliards de dollars cette année uniquement pour les rénovations et la construction d’écoles, » a déclaré la porte-parole du ministère, Catherine Pelletier. « Rome ne s’est pas construite en un jour, et notre système éducatif ne se transformera pas du jour au lendemain non plus. »
Au-delà des préoccupations d’infrastructure, les experts australiens ont remis en question l’approche québécoise des programmes, particulièrement la mise en œuvre controversée et rapide du programme Culture et citoyenneté au Québec qui a remplacé les cours d’Éthique et culture religieuse.
Le professeur James Murray de l’Université Macquarie de Sydney a décrit ce déploiement comme « hâtif et politiquement motivé » plutôt que pédagogiquement fondé. « L’élaboration des programmes nécessite une préparation des enseignants et une mise en œuvre réfléchie. Quand l’éducation devient un ballon politique, ce sont finalement les élèves qui perdent. »
La comparaison avec l’Australie est particulièrement pertinente car les deux régions ont entrepris d’importantes réformes des programmes ces dernières années. Cependant, l’approche australienne implique généralement des périodes de consultation plus longues et une mise en œuvre progressive.
Les comités de parents à travers le Québec ont exprimé des préoccupations similaires. Marie-Claude Giroux, présidente de la Fédération des comités de parents, affirme que l’évaluation australienne fait écho à ce que vivent les parents. « Nous disons au gouvernement depuis des années que nos bâtiments et notre approche ont besoin de modernisation. Parfois, il faut un regard extérieur pour rendre ces problèmes impossibles à ignorer. »
Les commentaires n’étaient pas tous négatifs. Les Australiens ont salué les programmes d’éducation de la petite enfance du Québec et l’engagement de la province envers l’enseignement du français. « La composante d’éducation culturelle est impressionnante, » a reconnu Dr. Thornton. « Il y a une volonté claire de préserver l’identité par l’éducation dont beaucoup de systèmes pourraient s’inspirer. »
Certains éducateurs ont réagi aux critiques. Jean Bouchard, un enseignant de Laval avec 30 ans d’expérience, se demande si des observateurs étrangers peuvent vraiment saisir le contexte unique du Québec. « Notre système a formé des générations de diplômés qui réussissent. Chaque système éducatif a ses défis, mais nous avons aussi des forces qui méritent d’être reconnues. »
La Fédération des commissions scolaires du Québec prévoit d’examiner le rapport complet de la délégation australienne lorsqu’il sera publié le mois prochain. « Nous accueillons les critiques constructives, » déclare le porte-parole François Leblanc. « Mais nous devons également tenir compte de nos besoins particuliers et des progrès que nous avons déjà réalisés. »
Alors que le Québec poursuit ses efforts de réforme de l’éducation, cette perspective internationale ajoute une autre voix au débat en cours sur la meilleure façon de préparer les élèves à un avenir de plus en plus complexe. Reste à voir si ces critiques extérieures influenceront les politiques, mais elles donnent certainement matière à réflexion sur la voie à suivre pour les 1,2 million d’élèves québécois.
Pour des parents comme la Montréalaise Sophie Tremblay, ces conclusions ne font que confirmer les réalités quotidiennes. « L’école de ma fille avait des seaux dans le corridor tout l’hiver pour recueillir l’eau des fuites. Nous savons qu’il y a des problèmes. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est d’action, pas plus d’études nous disant ce que nous voyons déjà. »