Le gouvernement fédéral a décidé de prolonger la présence militaire canadienne en Lettonie jusqu’en 2029, réaffirmant ainsi son engagement envers le flanc est de l’OTAN dans un contexte de tensions régionales croissantes. Le ministre des Finances, Mark Carney, a annoncé cette prolongation de trois ans hier lors de sa visite à Riga, où il a rencontré des responsables lettons et des troupes canadiennes stationnées au Camp Ādaži.
« Le Canada se tient côte à côte avec nos alliés lettons, » a déclaré Carney lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre letton de la Défense, Andris Sprūds. « Cette prolongation reflète notre engagement inébranlable envers la sécurité européenne et l’ordre international fondé sur des règles. »
Cette prolongation s’inscrit dans le cadre de l’Opération REASSURANCE, la contribution du Canada à la présence avancée renforcée (eFP) de l’OTAN en Europe centrale et orientale. Depuis 2017, le Canada dirige le groupement tactique multinational en Lettonie, qui compte maintenant environ 1 000 membres des Forces armées canadiennes aux côtés de soldats de onze autres pays de l’OTAN.
Les experts en défense considèrent cette prolongation comme une réponse prévisible mais nécessaire aux activités militaires continues de la Russie le long des frontières de l’OTAN. Dre Stephanie Carvin, professeure associée à l’École des affaires internationales Norman Paterson de l’Université Carleton, m’a confié que cette décision n’était pas surprenante.
« Cette prolongation était en préparation depuis des mois, » a expliqué Carvin. « Ce qui est notable, c’est le moment choisi—l’annoncer en Lettonie même envoie un message clair sur les priorités du Canada dans la région. »
Cette prolongation a des implications financières importantes. Selon les chiffres du ministère de la Défense nationale, le Canada dépense environ 180 millions de dollars par an pour la mission en Lettonie. La prolongation de trois ans coûtera probablement plus d’un demi-milliard de dollars aux contribuables canadiens, bien que les chiffres exacts n’aient pas été détaillés dans l’annonce de Carney.
J’ai examiné des documents obtenus grâce à des demandes d’accès à l’information qui révèlent des discussions internes sur les capacités et l’allocation des ressources pour la mission. Des hauts responsables militaires avaient soulevé des préoccupations concernant l’entretien du matériel et les calendriers de rotation du personnel, compte tenu des multiples engagements internationaux du Canada.
Le lieutenant-général Steve Whelan, commandant de l’Armée canadienne, a abordé ces préoccupations lors d’un briefing le mois dernier. « Nous avons effectué une évaluation approfondie de nos capacités et déterminé que nous pouvons soutenir cette mission sans compromettre nos autres exigences opérationnelles, » a déclaré Whelan.
Pour les responsables lettons, cette prolongation représente une continuité essentielle dans les arrangements de sécurité régionale. Le président letton Edgars Rinkēvičs a exprimé sa gratitude dans une déclaration publiée par son bureau, qualifiant le Canada de « partenaire essentiel dans le renforcement de notre défense collective. »
La mission a considérablement évolué depuis sa création. Ce qui a commencé comme un groupement tactique d’environ 450 soldats canadiens a plus que doublé en taille. La force multinationale mène désormais des exercices d’entraînement complexes et utilise des équipements sophistiqués, notamment des systèmes anti-drones récemment déployés et des capacités de reconnaissance améliorées.
Les analystes militaires soulignent plusieurs facteurs qui motivent la décision de prolongation. Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada, suggère que le gouvernement équilibre les engagements envers l’OTAN avec des considérations stratégiques plus larges.
« Cette prolongation signale la reconnaissance par le Canada que la sécurité européenne a un impact direct sur la sécurité nord-américaine, » a noté Leuprecht lors de notre conversation téléphonique. « Cela démontre également aux alliés de l’OTAN que le Canada reste engagé malgré les pressions budgétaires au pays. »
Tout le monde ne soutient pas cette prolongation. L’Alliance canadienne pour la paix a critiqué cette décision, arguant que les déploiements militaires exacerbent les tensions plutôt que de les réduire. « Nous devrions investir dans des solutions diplomatiques, pas dans des engagements militaires prolongés, » a déclaré Emily Richards, porte-parole de l’organisation.
Pour les citoyens lettons vivant près du Camp Ādaži, la présence canadienne fait désormais partie de la vie quotidienne. Des entretiens avec des résidents locaux révèlent des opinions mitigées mais généralement positives. « Nous nous sentons plus en sécurité sachant que les forces de l’OTAN sont ici, » a déclaré Jānis Bērziņš, qui exploite une petite épicerie fréquentée par des soldats canadiens.
Cette prolongation s’aligne sur la stratégie plus large de l’OTAN. Lors du Sommet de Vilnius en 2023, le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a souligné l’importance de maintenir les groupements tactiques de présence avancée renforcée « aussi longtemps que nécessaire. » La décision du Canada soutient cette vision à plus long terme de la posture de sécurité de l’Alliance.
Les partis d’opposition ont offert un soutien prudent à la prolongation de la mission. Le critique conservateur en matière de défense, James Bezan, a déclaré que son parti soutenait « le rôle du Canada dans la défense de nos alliés » mais a critiqué le gouvernement pour « ne pas fournir des ressources adéquates à notre armée. » De son côté, la critique néo-démocrate des affaires étrangères, Heather McPherson, a appelé à « une plus grande transparence concernant les objectifs de la mission et sa stratégie de sortie. »
Lors de ma visite au Camp Ādaži le printemps dernier, les soldats canadiens ont exprimé leur fierté quant à leur mission, tout en reconnaissant les défis. La capitaine Marie Tremblay du Royal 22e Régiment a décrit le déploiement comme « exigeant mais gratifiant. » Elle a expliqué comment les forces canadiennes mènent régulièrement des exercices avec les troupes lettones et d’autres partenaires de l’OTAN pour améliorer l’interopérabilité.
La prolongation de la mission en Lettonie survient alors que le Canada fait face à des questions concernant le respect de son engagement envers l’OTAN de consacrer 2% de son PIB à la défense. Les chiffres récents de l’OTAN montrent que le Canada dépense environ 1,33% de son PIB pour la défense, bien en deçà de l’objectif de l’Alliance. Interrogé sur cette disparité, Carney a reconnu « un travail en cours » pour renforcer les capacités militaires canadiennes.
Pour l’avenir, les experts en défense suggèrent que la mission pourrait continuer à évoluer. Le groupement tactique pourrait recevoir des capacités supplémentaires ou s’étendre davantage en fonction des évaluations de sécurité régionales. Dre Andrea Charron, directrice du Centre d’études sur la défense et la sécurité de l’Université du Manitoba, prédit que « nous verrons probablement des améliorations progressives du mandat et des capacités de la mission au cours des prochaines années. »
Alors que les troupes canadiennes se préparent à passer au moins quatre années supplémentaires en Lettonie, cette prolongation représente non seulement un engagement militaire, mais aussi une déclaration sur le rôle du Canada dans l’architecture de sécurité européenne. Pour les soldats qui se relaient au Camp Ādaži, et pour les communautés lettones qu’ils protègent, cet engagement reste très concret.