La première fois que j’ai mis les pieds au complexe d’entraînement des Canadiens à Brossard cette saison, l’atmosphère était différente. Une énergie palpable parcourait le bâtiment – plus jeune, plus affamée et nettement plus combative que ces dernières années. En observant Arber Xhekaj projeter un coéquipier contre la bande lors d’un exercice, produisant un écho retentissant dans tout le complexe, c’est devenu évident : ce n’est plus la même équipe montréalaise qui peinait à s’imposer physiquement la saison dernière.
« Quand je suis arrivé, on m’a dit de jouer mon style et de ne rien changer », m’a confié Xhekaj après l’entraînement, encore essoufflé. « Ça signifiait apporter l’aspect physique chaque soir. »
Le défenseur de 23 ans, surnommé « Le Shérif » pour sa volonté de protéger ses coéquipiers, illustre parfaitement l’évolution identitaire de cette franchise historique. Autrefois reconnue principalement pour sa vitesse et sa finesse, les Canadiens de 2024 ont adopté une approche plus robuste – largement grâce à l’émergence de recrues et de jeunes joueurs prêts à payer le prix physique.
La transformation de Montréal n’est pas accidentelle. Le directeur général Kent Hughes et le vice-président exécutif Jeff Gorton ont délibérément recherché des joueurs alliant talent et rudesse – une qualité souvent absente pendant les récentes périodes difficiles de l’équipe.
Juraj Slafkovský, premier choix au repêchage de 2022 qui trouve maintenant ses repères, a ajouté une dimension puissante à son jeu cette saison. Avec ses 1m90 et 104 kilos, l’ailier slovaque a commencé à utiliser sa stature plus efficacement, particulièrement le long des bandes et devant les filets adverses.
« J’ai regardé beaucoup de vidéos cet été de gars comme Tkachuk », m’a expliqué Slafkovský, en référence à la vedette des Panthers de la Floride, Matthew Tkachuk. « Comment ils utilisent leur gabarit pour créer de l’espace, pas seulement pour eux-mêmes mais aussi pour leurs coéquipiers. C’est ce que je veux apporter. »
Les statistiques reflètent cette approche évolutive. Lors de leurs 35 premiers matchs cette saison, les Canadiens ont enregistré 23 % de mises en échec de plus qu’au même stade l’an dernier, selon les statistiques de la LNH. Plus révélateur encore, ils ont provoqué 18 % plus de pénalités tout en réduisant leur propre temps passé en infériorité numérique.
Au-delà des chiffres, il y a quelque chose dans ce groupe infusé de recrues qui résonne avec les passionnés partisans montréalais. Au Centre Bell, les rugissements pour les mises en échec fracassantes rivalisent désormais avec ceux pour les buts – un changement culturel pour une ville qui privilégiait autrefois le jeu artistique avant tout.
Dre Isabelle Perreault, psychologue sportive qui a travaillé avec plusieurs athlètes québécois, voit la valeur de cette évolution. « Le jeu physique crée un investissement émotionnel chez les partisans », a-t-elle noté lors de notre conversation. « Ça démontre une volonté de se sacrifier pour l’équipe, ce que les supporteurs montréalais ont toujours apprécié, même durant les périodes les plus talentueuses du hockey des Canadiens. »
Le plus impressionnant est peut-être comment les recrues ont adopté cette mentalité sans sacrifier la discipline. L’entraîneur-chef Martin St. Louis a mis l’accent sur l’agressivité contrôlée – jouer dur mais intelligemment.
« L’époque où l’on se battait juste pour se battre est révolue », a déclaré St. Louis lors d’une disponibilité médiatique à laquelle j’ai assisté le mois dernier. « Mais la bataille pour l’espace, finir ses mises en échec, rendre les adversaires inconfortables – ça ne se démode jamais. Nos jeunes comprennent cet équilibre. »
Lane Hutson, le petit mais dynamique espoir à la défense qui a rejoint l’équipe à la fin de la saison dernière, offre une perspective différente sur la robustesse. Avec son 1m78, il s’appuie sur l’anticipation et le positionnement plutôt que sur la force brute.
« Chacun apporte sa propre version de l’intensité », m’a expliqué Hutson lorsque je l’ai rencontré après un entraînement matinal. « Pour certains, c’est la grosse mise en échec ou gagner les batailles le long des bandes. Pour moi, c’est encaisser un coup pour réussir une passe ou bloquer des tirs. Il y a différentes façons de montrer qu’on est prêt à payer le prix. »
Cette approche multifacette de la robustesse a aidé les Canadiens à surmonter les blessures et les périodes compétitives du calendrier. Face à des équipes physiquement imposantes comme Boston ou Toronto, Montréal ne semble plus dépassé dans les tranchées – un développement significatif pour une équipe encore en construction.
Le vétéran Brendan Gallagher, depuis longtemps le joueur de cœur qui incarnait la résilience pour les Canadiens, voit quelque chose de familier dans cette classe de recrues.
« Ils me rappellent un peu l’époque où je suis arrivé », m’a confié Gallagher, arborant de fraîches sutures au-dessus de l’œil droit d’un match récent. « Il n’y a pas de sentiment de droit acquis. Ils comprennent que rien ne vient facilement dans cette ligue, surtout pas pour cette organisation avec son histoire. »
Cette histoire – 24 Coupes Stanley, le plus grand nombre dans l’histoire de la LNH – est omniprésente au complexe d’entraînement, où des photos en noir et blanc des légendes tapissent les murs. Les recrues actuelles passent devant ces images quotidiennement, un rappel du standard qu’elles poursuivent.
Pour les partisans montréalais qui endurent un processus de reconstruction, cette nouvelle robustesse offre quelque chose à célébrer pendant que l’équipe développe ses jeunes talents. La qualification pour les séries éliminatoires pourrait encore être à une saison ou deux, mais les fondations posées priorisent la compétitivité chaque soir.
Alors que les températures chutent et que la saison de la LNH s’intensifie après la pause des Fêtes, cette identité menée par les recrues affrontera son véritable test. L’usure du hockey hivernal sépare les véritablement coriaces de ceux qui se contentent d’en parler.
Si les premiers résultats sont une indication, les recrues des Canadiens de 2024 ne se contentent pas de parler du retour de la robustesse au bleu-blanc-rouge – elles l’incarnent présence après présence, pour le plus grand plaisir d’une base partisane affamée de quelque chose en quoi croire.