L’étrange cas du bétail disparu en Colombie-Britannique a mis les éleveurs sur le qui-vive et laissé les forces de l’ordre perplexes, alors que la province fait face à ce qui semble être une opération organisée de vol de bétail sans précédent dans l’histoire récente.
Depuis début septembre, la GRC a documenté au moins sept incidents distincts où du bétail a mystérieusement disparu des pâturages à travers l’intérieur de la Colombie-Britannique, le cas le plus récent ayant été signalé le week-end dernier près de Kamloops. Les vols ont principalement ciblé des vaches gestantes et des reproducteurs, ce qui suggère que les malfaiteurs savent exactement ce qu’ils recherchent.
« On a toujours eu quelques cas de vol de bétail au fil des ans, mais rien d’aussi coordonné, » explique Darren Williams, éleveur de troisième génération dans la région de Chilcotin, qui a perdu quatre génisses gestantes le mois dernier. « Ces voleurs arrivent la nuit, sélectionnent des animaux spécifiques et disparaissent sans laisser de trace. Ce n’est pas aléatoire—ils savent ce qu’ils font. »
L’unité des crimes ruraux de la GRC a intensifié ses patrouilles dans les régions touchées tout en collaborant avec l’Association des éleveurs de bovins de la C.-B. pour recueillir des informations et établir des tendances. La sergente Melissa Jongema, qui dirige l’enquête, note que la sophistication de l’opération soulève de sérieuses préoccupations.
« Ce ne sont pas des vols opportunistes, » m’a confié Jongema lors d’un entretien téléphonique depuis son bureau de Williams Lake. « Les voleurs contournent les caméras de sécurité, évitent les chiens et sélectionnent des reproducteurs de grande valeur. Ils utilisent du matériel spécialisé et possèdent des connaissances en manipulation de bétail. Cela suggère un réseau plutôt que des incidents isolés. »
L’impact économique a été considérable. Avec des vaches reproductrices gestantes évaluées entre 3 000 et 5 000 $ chacune, les éleveurs touchés ont collectivement perdu près de 250 000 $ de bétail depuis septembre. Mais les implications à long terme vont au-delà des dommages financiers immédiats.
« Quand vous perdez des reproducteurs, vous ne perdez pas seulement ces animaux—vous perdez des années d’amélioration génétique et de futurs veaux, » explique Dre Kathy Nelson, vétérinaire pour grands animaux et consultante en élevage auprès du ministère de l’Agriculture de la C.-B. « Certaines de ces lignées représentent des décennies de sélection minutieuse. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut simplement remplacer aux enchères. »
Le schéma des vols s’est principalement concentré sur des propriétés isolées dans les districts régionaux de Cariboo-Chilcotin, Thompson-Nicola et Columbia-Shuswap. Les enquêteurs pensent que les voleurs pourraient utiliser des routes forestières et des chemins moins fréquentés pour déplacer rapidement les animaux hors de la région, possiblement au-delà des frontières provinciales.
Cette affaire met en lumière les défis uniques de l’application de la loi en milieu rural dans une province comptant de vastes étendues de pâturages isolés. Contrairement aux environnements urbains dotés de caméras de surveillance et de témoins, ces ranchs éloignés s’étendent souvent sur des milliers d’hectares avec une infrastructure de sécurité minimale.
L’Association des éleveurs de bovins de la C.-B. a réagi en établissant un fonds d’urgence pour aider les éleveurs touchés à renforcer leurs mesures de sécurité. Elle coordonne également ses efforts avec ses homologues de l’Alberta et de l’état de Washington pour suivre les mouvements ou ventes inhabituels de bétail.
« On voit les éleveurs s’unir comme jamais auparavant, » affirme Monica Spencer, directrice régionale de l’AEBC. « Les voisins organisent des tours de garde nocturnes, installent des caméras de sentier et partagent des informations via des réseaux communautaires. Il y a un véritable sentiment que nous devons nous protéger mutuellement. »
Le gouvernement provincial a également pris note de la situation. Le ministre de l’Agriculture, David Chen, a annoncé la semaine dernière que son bureau travaille avec la GRC pour potentiellement augmenter les sanctions pour vol de bétail, qui relèvent actuellement des dispositions générales sur le vol dans le Code criminel.
« Nos éleveurs sont l’épine dorsale des économies rurales de la C.-B., » a déclaré Chen lors d’une conférence de presse à Victoria. « Quand leurs moyens de subsistance sont menacés par des activités criminelles organisées, nous devons répondre avec des ressources et des conséquences appropriées. »
Pour des éleveurs comme Williams, la peur va au-delà des pertes économiques. « Ces gens viennent sur notre propriété au milieu de la nuit. Mes enfants vivent ici. Ma famille est sur cette terre depuis des générations. C’est comme une violation qui va bien au-delà de la simple perte de quelques vaches. »
La GRC demande aux résidents ruraux de signaler les véhicules suspects, en particulier les remorques à bétail se déplaçant à des heures inhabituelles. Ils ont établi une ligne téléphonique dédiée spécifiquement pour les informations liées à ces vols.
Entre-temps, on a demandé aux enchères de bétail dans tout l’Ouest canadien de faire preuve d’une vigilance accrue concernant la documentation et l’identification lorsque des vendeurs inconnus amènent du bétail au marché.
À l’approche de l’hiver, alors que la plupart des exploitations déplacent leurs animaux vers des pâturages plus proches, les éleveurs espèrent que cette visibilité accrue dissuadera de nouveaux vols. Mais sans suspects identifiés et avec des vols qui continuent, les communautés rurales de l’intérieur de la C.-B. restent en état d’alerte.
« L’élevage a toujours fait face à des défis—météo, prédateurs, fluctuations du marché, » réfléchit Williams alors que nous longeons la limite de sa propriété au coucher du soleil. « Mais nous n’avons jamais eu à nous inquiéter de voleurs organisés ciblant nos troupeaux comme ça. Ça change la façon dont on pense à sa propre terre. »
Alors que cette enquête se poursuit, elle nous rappelle les vulnérabilités uniques auxquelles font face les communautés agricoles canadiennes et les défis du maintien d’une présence policière sur nos vastes territoires ruraux. Pour les éleveurs de la Colombie-Britannique, l’attente de réponses continue pendant qu’ils protègent ce qui reste de leurs troupeaux.