Je me suis rendu Ă Windsor pour constater de visu ce qui se passe avec l’avenir de l’industrie automobile canadienne. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral intensifie la pression sur General Motors, leur faisant clairement comprendre qu’ils s’attendent Ă ce que le gĂ©ant de l’automobile prĂ©sente un plan solide pour sa main-d’Ĺ“uvre canadienne – et ce, rapidement.
La ministre des Affaires Ă©trangères, MĂ©lanie Joly, n’a pas mâchĂ© ses mots hier Ă l’usine de transmissions de GM Ă St. Catharines, en Ontario. Debout aux cĂ´tĂ©s de travailleurs inquiets et de reprĂ©sentants syndicaux, elle a soulignĂ© que GM doit prĂ©senter une stratĂ©gie concrète pour ses opĂ©rations canadiennes d’ici quelques semaines, pas des mois.
« Nous voulons voir un plan », a dĂ©clarĂ© fermement Joly. « Nous avons Ă©tĂ© clairs avec General Motors que nous avons besoin d’un plan pour la main-d’Ĺ“uvre canadienne. »
Cette pression survient Ă un moment critique. Le secteur automobile canadien navigue Ă travers d’Ă©normes changements industriels vers les vĂ©hicules Ă©lectriques tout en gĂ©rant les tensions commerciales avec les États-Unis. Le mois dernier, Unifor – qui reprĂ©sente 4 300 travailleurs de GM dans les installations de St. Catharines, Oshawa et Woodstock – a obtenu des assurances gouvernementales qu’ils dĂ©fendraient les emplois automobiles canadiens suite Ă des signaux prĂ©occupants de l’entreprise.
La prĂ©sidente nationale d’Unifor, Lana Payne, qui a rejoint Joly Ă l’usine, a exprimĂ© l’incertitude des travailleurs : « Nos membres s’inquiètent pour leur avenir. Ils ont besoin de voir l’engagement de GM envers le Canada soutenu par des dĂ©cisions d’investissement concrètes. »
Ce qui est particulièrement troublant pour les travailleurs automobiles canadiens, c’est le contraste entre l’approche de GM au nord et au sud de la frontière. Alors que l’entreprise a annoncĂ© des investissements significatifs dĂ©passant les 15 milliards $US dans les installations amĂ©ricaines depuis 2020, les opĂ©rations canadiennes ont reçu comparativement peu d’attention.
L’analyste de l’industrie Sam Fiorani d’AutoForecast Solutions souligne la dure rĂ©alitĂ© : « GM a systĂ©matiquement construit son avenir Ă©lectrique principalement sur le sol amĂ©ricain, tandis que les installations canadiennes restent en attente de plans de transition clairs. »
Le moment est particulièrement sensible alors que l’usine d’assemblage d’Oshawa fait face Ă d’Ă©ventuelles rĂ©ductions de production pour le camion Chevy Silverado. Pendant ce temps, les travailleurs de St. Catharines s’interrogent sur l’avenir de leur usine de transmissions dans un monde automobile de plus en plus Ă©lectrique, oĂą les groupes motopropulseurs traditionnels font face Ă l’obsolescence.
Le levier du gouvernement fĂ©dĂ©ral dans ces discussions provient en partie de son engagement de 2020 pouvant atteindre 1,8 milliard de dollars pour soutenir la conversion de l’usine CAMI de GM Ă Ingersoll pour produire des fourgonnettes de livraison Ă©lectriques. Cet investissement a dĂ©montrĂ© la volontĂ© du Canada de s’associer Ă la transition vers les VE, mais maintenant les responsables attendent un engagement rĂ©ciproque de GM.
« Nous avons fait preuve de bonne foi. Nous avons investi aux cĂ´tĂ©s de GM », a notĂ© le ministre de l’Industrie François-Philippe Champagne dans une dĂ©claration sĂ©parĂ©e. « Maintenant, nous attendons une stratĂ©gie globale qui garantit des emplois canadiens Ă long terme. »
Au-delĂ des prĂ©occupations immĂ©diates en matière d’emploi, cette confrontation reflète des dĂ©fis plus larges dans la stratĂ©gie automobile du Canada. Le pays a rĂ©ussi Ă attirer des investissements dans la fabrication de batteries, notamment l’installation Stellantis-LG Energy Solution Ă Windsor, mais obtenir des engagements d’assemblage de vĂ©hicules s’est avĂ©rĂ© plus difficile.
Entre-temps, le protectionnisme amĂ©ricain – particulièrement Ă travers les crĂ©dits d’impĂ´t pour VE de l’Inflation Reduction Act – a compliquĂ© le marchĂ© automobile nord-amĂ©ricain intĂ©grĂ©. Bien que le gouvernement canadien ait obtenu certaines exemptions, l’attraction globale de la fabrication vers les États-Unis reste forte.
Pour les travailleurs de St. Catharines comme Maria Cortez, une vĂ©tĂ©rane de 24 ans Ă l’usine de transmissions, l’incertitude est profondĂ©ment personnelle. « Ma famille a travaillĂ© dans la fabrication automobile pendant trois gĂ©nĂ©rations », m’a-t-elle confiĂ© après la visite ministĂ©rielle. « Nous avons traversĂ© des changements industriels auparavant, mais celui-ci semble diffĂ©rent. Nous devons savoir si nous avons un avenir ici. »
L’Ă©conomiste du travail Jim Stanford du Centre for Future Work note que la main-d’Ĺ“uvre automobile du Canada s’est dĂ©jĂ considĂ©rablement contractĂ©e au cours des deux dernières dĂ©cennies. « Ce qui est en jeu, ce ne sont pas seulement les emplois actuels, mais si le Canada maintient sa position dans la chaĂ®ne de valeur automobile du futur », explique-t-il.
La porte-parole de GM Canada, Jennifer Wright, a rĂ©pondu Ă la pression gouvernementale par une dĂ©claration mesurĂ©e : « Nous valorisons nos opĂ©rations canadiennes et notre main-d’Ĺ“uvre. GM s’engage Ă poursuivre le dialogue avec le gouvernement et les partenaires syndicaux alors que nous naviguons dans la transformation de l’industrie. » Cependant, elle s’est abstenue d’offrir des dĂ©tails spĂ©cifiques sur les plans d’investissement futurs.
Alors que la date limite approche pour que GM prĂ©sente sa stratĂ©gie canadienne, des communautĂ©s comme St. Catharines et Oshawa observent attentivement. Ce ne sont pas seulement des dĂ©cisions d’entreprise – elles dĂ©terminent si des communautĂ©s automobiles multigĂ©nĂ©rationnelles continueront d’avoir des ancrages Ă©conomiques.
La pression publique inhabituelle du gouvernement suggère une impatience croissante. Comme l’a soulignĂ© la ministre Joly avant de quitter le plancher de l’usine, « Il ne s’agit pas seulement de planification d’entreprise – il s’agit de familles et de communautĂ©s canadiennes qui ont bâti cette industrie. Nous attendons des engagements concrets, et nous les attendons bientĂ´t. »
Pour le secteur automobile du Canada, les prochaines semaines pourraient s’avĂ©rer dĂ©cisives pour dĂ©terminer s’il rĂ©ussit Ă naviguer dans la transition Ă©lectrique ou s’il fait face Ă une nouvelle contraction face Ă la concurrence mondiale et aux technologies changeantes.