L’addition finit toujours par arriver—c’est une vérité aussi vieille que le commerce lui-même. Pour le Canada, ce moment de vérité financière semble imminent, et TD Économique vient de sonner l’alarme avec une clarté frappante.
Dans un rapport récemment publié, l’équipe de recherche économique de la Banque TD prévient que la compétitivité économique du Canada est progressivement minée par une combinaison de charges fiscales et de complexités réglementaires que de nombreux Canadiens pourraient ne pas pleinement saisir dans leur quotidien.
« Nous faisons face à un tueur silencieux de la productivité et des investissements canadiens, » explique Francis Fong, directeur général de la recherche économique à la Banque TD. « Le poids accumulé des exigences réglementaires combiné à notre structure fiscale crée des frictions considérables dans notre économie. »
Ce qui rend cette évaluation particulièrement troublante, c’est le moment où elle survient. Alors que l’économie mondiale traverse une période de recalibrage suite aux perturbations pandémiques, le Canada semble à la traîne par rapport aux nations pairs dans la création de conditions favorables pour attirer les capitaux d’investissement et favoriser la croissance des entreprises.
Le rapport met en évidence plusieurs indicateurs préoccupants. L’investissement des entreprises au Canada a progressé à la moitié du rythme observé aux États-Unis au cours de la dernière décennie. Entre-temps, la croissance de la productivité—l’ingrédient essentiel pour élever le niveau de vie—a pratiquement stagné, atteignant en moyenne seulement 0,7 % par année depuis 2015, bien en deçà des 1,3 % observés aux États-Unis.
« Quand les entreprises consacrent plus de temps à naviguer dans les obstacles réglementaires qu’à développer de nouveaux produits ou à étendre leurs activités, c’est un frein pour toute l’économie, » note Beata Caranci, économiste en chef de TD.
Il ne s’agit pas simplement d’une préoccupation économique technique. Les implications concrètes touchent directement les ménages canadiens. Lorsque les entreprises investissent moins, elles créent moins d’emplois. Quand la productivité stagne, les salaires aussi. Le lien entre ces indicateurs macroéconomiques et les préoccupations quotidiennes est direct, même s’il n’est pas toujours immédiatement visible.
Le gouvernement fédéral a répondu aux préoccupations précédentes en matière de compétitivité par des incitatifs fiscaux ciblés et des programmes spécifiques. Cependant, l’analyse de TD suggère que ces mesures ont été insuffisantes pour surmonter les défis structurels. Les crédits d’impôt pour des industries spécifiques, bien qu’utiles dans des contextes restreints, n’abordent pas l’environnement réglementaire plus large qui affecte les entreprises de tous les secteurs.
Ce qui est particulièrement frappant dans l’évaluation de TD, c’est la comparaison avec d’autres économies développées. Le Canada se classe maintenant au 15e rang parmi les pays de l’OCDE en termes d’efficacité réglementaire—un recul par rapport aux positions antérieures. Ce déclin est important car, dans une économie mondiale interconnectée, les capitaux affluent vers les juridictions offrant les conditions les plus favorables.
« L’investissement ne reconnaît pas la loyauté nationale, » explique Pedro Antunes, économiste en chef au Conference Board du Canada, qui n’a pas participé au rapport TD mais dont les recherches sont parvenues à des conclusions similaires. « Le capital recherche les rendements ajustés au risque les plus élevés, et de plus en plus, ce calcul mène loin du Canada. »
Les récentes baisses de taux d’intérêt de la Banque du Canada—bien que nécessaires pour gérer l’inflation et soutenir la croissance économique—ne peuvent pas résoudre seules ces problèmes structurels. La politique monétaire peut influencer les coûts d’emprunt à court terme, mais elle ne peut pas simplifier les approbations de permis ou réduire les charges de conformité.
À quoi ressemblerait une réforme significative? Les économistes de TD suggèrent plusieurs approches, notamment l’harmonisation réglementaire entre les provinces, l’examen systématique des réglementations existantes pour éliminer les redondances, et une structure fiscale globale plus compétitive.
Certains gouvernements provinciaux ont déjà commencé à aborder ces questions. La « Loi sur la mise en œuvre de la réduction des formalités administratives » de l’Alberta vise à éliminer les charges réglementaires inutiles, tandis que l’Ontario a mis en œuvre une approche « un pour un » concernant les nouvelles réglementations, exigeant qu’une réglementation soit supprimée pour chaque nouvelle introduction.
Cependant, le gouvernement fédéral fait face à des compromis difficiles. Les systèmes réglementaires servent souvent des objectifs publics importants—protéger les consommateurs, assurer des normes environnementales et maintenir la sécurité au travail. Le défi n’est pas d’éliminer la réglementation en bloc, mais de concevoir des systèmes qui atteignent ces objectifs avec un minimum de friction économique.
La situation devient plus complexe lorsqu’on considère les défis supplémentaires du Canada: les problèmes d’accessibilité au logement, les lacunes en infrastructure et les pressions démographiques d’une population vieillissante. Chacun de ces facteurs complique davantage l’équation de la compétitivité.
« Nous sommes confrontés à une tempête parfaite de défis structurels, » affirme Fong. « La bonne nouvelle est que l’amélioration de l’efficacité réglementaire est quelque chose largement sous notre contrôle, contrairement aux conditions économiques mondiales ou aux prix des ressources. »
Pour les Canadiens ordinaires, les implications de ce rapport peuvent sembler abstraites, mais le lien avec leur bien-être financier est réel. Lorsque les entreprises font face à des coûts excessifs pour opérer au Canada, ces coûts se répercutent éventuellement sur les consommateurs par des prix plus élevés, moins d’emplois ou une croissance salariale réduite.
Le rapport ne suggère pas que le Canada est en péril économique immédiat—le pays conserve des avantages significatifs, notamment une main-d’œuvre hautement qualifiée, un système politique stable et d’abondantes ressources naturelles. Il met plutôt en garde contre une érosion graduelle de la position concurrentielle qui pourrait devenir de plus en plus difficile à inverser si elle n’est pas traitée.
Alors que les décideurs canadiens considèrent leurs priorités économiques pour les années à venir, l’avertissement de TD rappelle que la prospérité n’est pas garantie. Elle nécessite des choix délibérés et parfois des compromis difficiles entre des objectifs publics concurrents.
« L’aspect le plus préoccupant n’est pas notre position actuelle, » conclut Caranci, « mais la trajectoire sur laquelle nous nous trouvons si ces problèmes restent non résolus. »