L’arôme du ragoût de caribou remplit la salle communautaire de Baker Lake, au Nunavut, tandis que des bénévoles servent des portions fumantes dans des bols aux résidents qui attendent. Après une interruption de trois mois due à des problèmes de financement, la Banque alimentaire de Baker Lake a repris son service de repas chauds—une bouée de sauvetage pour de nombreux habitants de cette communauté nordique éloignée où les taux d’insécurité alimentaire avoisinent les 70 %, les plus élevés au Canada.
« Nous accueillons environ 40 à 50 personnes à chaque service de repas maintenant, ce qui est en fait plus qu’avant notre pause forcée, » explique Mary Uqayuittuq, qui coordonne la banque alimentaire depuis huit ans. « Avec les prix des épiceries qui continuent d’augmenter, ce repas chaud fait une énorme différence, surtout pour les aînés et les familles avec de jeunes enfants. »
La reprise des services intervient après une collecte de fonds communautaire qui a généré suffisamment de soutien pour assurer l’approvisionnement pendant au moins six mois. Les chasseurs locaux ont également intensifié leurs efforts, en faisant don de nourriture traditionnelle comme le caribou et l’omble chevalier, qui permettent aux bénéficiaires de renouer avec des aliments culturels que beaucoup ne peuvent plus se permettre de chasser eux-mêmes.
L’insécurité alimentaire au Nunavut existe à une échelle difficile à comprendre pour de nombreux Canadiens du Sud. Les données de Statistique Canada montrent qu’un ménage moyen au Nunavut dépense environ 395 $ par semaine en épicerie—presque le double de ce que les familles en Ontario ou au Québec paient habituellement. Une étude de 2019 de PROOF, un groupe de recherche sur l’insécurité alimentaire de l’Université de Toronto, a révélé que 57 % des ménages du Nunavut ont connu une forme d’insécurité alimentaire, dont près de 36 % souffrant d’insécurité alimentaire grave.
Pour les 2 000 résidents de Baker Lake, la situation est devenue plus précaire pendant l’interruption du service. Emma Tagoona, qui enseigne à l’école locale, a remarqué des impacts immédiats lorsque le programme de repas a temporairement cessé.
« J’avais des élèves qui venaient en classe affamés, incapables de se concentrer, » raconte Tagoona. « Nous avons commencé à garder de la nourriture supplémentaire à l’école, mais ce n’était pas suffisant. Les repas de la banque alimentaire fournissaient cette nutrition fiable que de nombreuses familles ne peuvent tout simplement pas se permettre actuellement. »
Les défis dépassent le simple accès à la nourriture. La chasse traditionnelle—autrefois le pilier de la sécurité alimentaire de la communauté—est devenue de plus en plus difficile alors que les changements climatiques modifient les schémas migratoires des animaux et que la hausse des coûts met l’équipement et le carburant hors de portée de nombreux chasseurs.
« Une motoneige peut coûter 15 000 $ ou plus, et puis il faut des vêtements spécialisés, des munitions, de l’essence—cela représente des milliers de dollars supplémentaires, » explique Peter Tapatai, un chasseur local qui fait don de gibier à la banque alimentaire. « Nos grands-parents n’avaient pas besoin d’argent pour manger. Maintenant, on ne peut pas chasser sans ça. »
Le programme de subvention Nutrition Nord Canada, conçu pour compenser les coûts élevés des aliments dans les communautés éloignées, apporte un certain soulagement mais a fait l’objet de critiques pour ne pas avoir adéquatement abordé l’ampleur complète de l’insécurité alimentaire nordique. Une évaluation de 2019 par le gouvernement du Canada a reconnu les limites du programme, notant qu’il « n’a pas entièrement répondu aux préoccupations liées à l’accessibilité des aliments périssables et nutritifs. »
Malgré ces défis persistants, le rétablissement du service de repas chauds de Baker Lake représente une réponse communautaire aux besoins immédiats. Le programme fonctionne trois jours par semaine, servant environ 150 repas hebdomadaires, avec des boîtes alimentaires disponibles pour les familles à emporter.
« Ce qui fait fonctionner ce programme, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de nourrir les gens—il s’agit de le faire d’une manière qui respecte notre culture et nos traditions, » explique Uqayuittuq. « Quand nous servons des aliments traditionnels, préparés de façon traditionnelle, nous nourrissons à la fois les corps et les esprits. »
Le programme renouvelé a attiré l’attention des responsables territoriaux. La semaine dernière, le ministre de la Santé du Nunavut, John Main, a visité la banque alimentaire et s’est engagé à explorer des options de financement supplémentaires pour assurer la durabilité du programme.
« Les initiatives communautaires comme la banque alimentaire de Baker Lake représentent une infrastructure critique, » a noté Main lors de sa visite. « Nous examinons les moyens de créer des mécanismes de financement plus stables pour ces services essentiels. »
Pour des résidents comme Sarah Nulliayuk, une aînée de 76 ans qui assiste à chaque service de repas, le retour du programme signifie plus que la simple sécurité alimentaire.
« Je vis seule, et c’est difficile de cuisiner pour une personne quand tout coûte si cher, » dit-elle par l’intermédiaire d’un traducteur. « En venant ici, je mange bien, mais je vois aussi ma communauté. Nous parlons, nous partageons des histoires. Cet endroit nourrit plusieurs faims. »
À l’approche de l’hiver—quand les coûts alimentaires augmentent généralement encore plus—la Banque alimentaire de Baker Lake travaille à constituer des réserves et à élargir sa base de bénévoles. Un partenariat avec l’école secondaire locale amène maintenant des élèves bénévoles qui obtiennent des crédits de service communautaire tout en apprenant les méthodes traditionnelles de préparation des aliments.
La détermination de la communauté à maintenir ce service met en évidence à la fois les défis persistants de la sécurité alimentaire dans le Nord et la résilience de ceux qui y font face. Comme le dit un bénévole : « Quand les programmes gouvernementaux sont insuffisants, nous intervenons. Nous ne laisserons pas nos voisins avoir faim, pas quand nous avons des solutions à portée de main. »
Avec l’accélération des changements climatiques et la hausse continue des prix alimentaires, la lutte pour la sécurité alimentaire dans le Nord canadien ne montre aucun signe d’apaisement. Mais à Baker Lake, du moins pour l’instant, le retour des repas chauds représente une petite victoire dans une bataille continue—un bol de ragoût de caribou à la fois.