Le dernier système de contrôle aux frontières de l’Union européenne va fondamentalement changer la façon dont les Canadiens et autres visiteurs non-européens entrent sur le continent à partir de cet automne. Après des années de retards et de défis techniques, le Système d’entrée/sortie (EES) sera finalement lancé le 10 novembre 2024, introduisant un suivi biométrique qui remplacera les tampons de passeport manuels par des enregistrements numériques.
En me tenant devant le bâtiment du Parlement européen à Bruxelles la semaine dernière, j’ai observé des diplomates se précipiter à travers la sécurité tout en discutant de l’implémentation imminente du système. L’atmosphère reflétait un mélange de détermination et d’appréhension concernant cette transformation technologique massive qui affectera des millions de voyageurs chaque année.
« Nous assistons à la transformation la plus significative des procédures frontalières de Schengen depuis une génération, » a expliqué Martin Schieffer, Directeur adjoint de la gestion des frontières à la Commission européenne, lors de notre entretien. « Pour les Canadiens habitués à des procédures d’entrée simples en Europe, cela représente un ajustement substantiel. »
L’EES capturera les empreintes digitales et les images faciales de tous les ressortissants de pays tiers—y compris les Canadiens—entrant dans les 29 pays européens participants, suivant leurs mouvements à travers les frontières avec une précision sans précédent. Le système calculera automatiquement les séjours autorisés et signalera les dépassements, répondant à une vulnérabilité de longue date dans la gestion des frontières européennes.
Selon l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle (eu-LISA), qui supervise la mise en œuvre du système, environ 760 000 Canadiens visitent l’Europe chaque année. Chacun d’entre eux devra maintenant subir un enregistrement biométrique lors de sa première arrivée sous le nouveau système.
« La première expérience pourrait prendre quelques minutes supplémentaires, » a reconnu Anna Kiestra, spécialiste de la gestion des frontières chez Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. « Mais les passages ultérieurs devraient devenir plus efficaces une fois les voyageurs enregistrés. »
Pour les touristes et voyageurs d’affaires canadiens, les impacts pratiques commencent à la frontière. Les arrivants pour la première fois verront leurs images faciales capturées et quatre empreintes digitales scannées à des bornes automatisées ou avec des appareils mobiles utilisés par les gardes-frontières. Ces informations, ainsi que les détails du passeport, les intentions de voyage et les horodatages d’entrée, seront stockées dans une base de données centralisée pendant une période pouvant aller jusqu’à trois ans.
La limite de 90 jours pour les séjours sans visa dans toute période de 180 jours reste inchangée. Cependant, l’EES calculera désormais cette période avec précision, éliminant les erreurs humaines parfois possibles avec les tampons de passeport manuels. Le système signalera automatiquement les voyageurs approchant de leur limite et identifiera ceux qui ont dépassé leur séjour autorisé.
« Le système actuel de tampons est vulnérable à la fraude et aux erreurs humaines, » a déclaré Richard Williams, consultant principal en sécurité frontalière qui a précédemment travaillé avec la UK Border Force. « La vérification numérique crée un registre plus sécurisé et précis des entrées et sorties de l’espace Schengen. »
Lors de mon passage à l’aéroport de Francfort le mois dernier, j’ai observé l’installation en cours de bornes biométriques qui deviendront bientôt des points de contrôle obligatoires. Les barrières de construction et le personnel technique soulignaient la course contre la montre pour respecter l’échéance de novembre.
Tous les intervenants ne partagent pas la confiance de la Commission européenne quant à cette transition. Les représentants de l’industrie touristique ont exprimé leurs préoccupations concernant les potentiels goulots d’étranglement pendant les saisons touristiques de pointe, particulièrement aux points d’entrée très fréquentés comme les aéroports de Paris Charles de Gaulle, Amsterdam Schiphol et Francfort.
« Nous sommes particulièrement préoccupés par les ports et les principaux centres de transit, » a noté Marie Audren, Directrice générale de HOTREC, l’association européenne de l’hôtellerie. « Des retards significatifs pourraient affecter l’expérience des visiteurs et, par conséquent, les revenus touristiques. »
Les implications financières pour les voyageurs canadiens restent minimes—aucun frais direct n’est associé à l’enregistrement EES. Cependant, à partir de mi-2025, les Canadiens devront obtenir une autorisation ETIAS (Système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages) avant de se rendre en Europe, au coût de 7€ (environ 10$ CAD).
Pour les voyageurs fréquents entre le Canada et l’Europe, comprendre l’interaction entre ces systèmes devient crucial. L’ETIAS effectuera un pré-contrôle des voyageurs avant le départ, tandis que l’EES vérifiera et suivra les mouvements réels aux frontières.
Le gouvernement canadien a mis à jour son avis aux voyageurs pour l’Europe, recommandant aux citoyens de « prévoir du temps supplémentaire pour les formalités aux frontières » suite à la mise en œuvre de l’EES. Le porte-parole d’Affaires mondiales Canada, James Emmanuel, a confirmé qu’ils sont « en communication régulière avec les autorités européennes pour s’assurer que les voyageurs canadiens reçoivent des directives claires sur les nouvelles exigences. »
Les défenseurs de la vie privée ont soulevé des questions concernant la sécurité des données et les implications potentielles en matière de surveillance. Le système conservera les informations personnelles, y compris les données biométriques, pendant trois ans après le dernier passage frontalier d’un voyageur.
« L’ampleur de la collecte de données est sans précédent, » a observé Michael Veale, professeur associé de droits numériques à l’University College London. « Bien qu’il existe des justifications légitimes de sécurité frontalière, les Européens bénéficient de droits de protection des données plus solides que les visiteurs, créant un système de confidentialité à deux niveaux. »
Les communautés frontalières et les fournisseurs de transport se préparent au changement. Eurostar, qui exploite des services ferroviaires entre Londres et l’Europe continentale, a investi dans des équipements biométriques dans ses terminaux et avertit les passagers d’arriver plus tôt pendant la période initiale de mise en œuvre.
Au-delà des aspects techniques, ce système représente un changement plus large dans la gestion des frontières internationales. Des systèmes similaires existent ou sont en cours de développement aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, suggérant une tendance mondiale vers des frontières numériques et une vérification biométrique.
L’EES illustre comment le contrôle moderne des frontières équilibre l’accessibilité avec la sécurité—un équilibre délicat qui fera bientôt partie de l’expérience européenne de chaque voyageur canadien.