L’odeur du gazon humide se mélange à l’anticipation tandis que je traverse le terrain d’entraînement à Vancouver. Les joueurs des Roughriders de la Saskatchewan exécutent leurs derniers exercices avant l’affrontement de championnat de dimanche, leur souffle visible dans l’air frais de novembre. Après une saison de remontées spectaculaires et de défaites déchirantes, la 111e Coupe Grey est enfin arrivée – opposant les Roughriders aux champions en titre, les Alouettes de Montréal, dans ce qui promet d’être une finale classique du football canadien.
« C’est ce dont on rêve quand on est petit, » me confie Trevor Harris, quart-arrière des Roughriders, en ajustant son maillot d’entraînement après une série d’exercices de passes. « Être de retour dans cette position, surtout après tout ce qu’on a traversé cette année – ça signifie tout pour nous et pour la Nation Rider. »
Le parcours des Roughriders jusqu’à ce moment a été tout sauf simple. Après avoir commencé la saison 4-0, ils ont trébuché pendant une période difficile en milieu de saison avant de retrouver leur rythme en octobre. Leur parcours en séries éliminatoires a inclus une victoire étonnante en demi-finale de l’Ouest contre BC et une victoire surprise contre Winnipeg en finale de l’Ouest.
De l’autre côté du terrain, les Alouettes de Montréal affichent la confiance tranquille des champions en titre. L’entraîneur-chef Jason Maas supervise la répétition de son équipe avec une précision méthodique. Les Alouettes n’ont pas perdu depuis le 31 août – une remarquable série de neuf victoires consécutives qui les a positionnés comme légers favoris malgré l’élan de la Saskatchewan.
Lors de ma visite à Regina plus tôt cette saison, la passion des partisans de la Saskatchewan était palpable. Les maillots verts dominaient les rues du centre-ville, les commerces locaux affichaient leur soutien dans les vitrines, et les conversations tournaient inévitablement vers les perspectives de l’équipe. Cette connexion communautaire les a suivis jusqu’à Vancouver, où des milliers de fans des Riders ont transformé certaines parties de la ville en une mer verte.
« La relation entre cette équipe et la Saskatchewan est unique en Amérique du Nord, » explique Rob Vanstone, chroniqueur sportif de longue date pour le Regina Leader-Post. « Les Roughriders ne sont pas qu’une équipe de football – ils sont tissés dans le tissu culturel de la province. Quand ils jouent une Coupe Grey, ça devient un jour férié provincial. »
Les Alouettes, quant à eux, représentent une histoire de redressement remarquable. Il y a à peine deux ans, l’équipe était dans une telle débâcle financière que la LCF en a temporairement pris possession avant qu’Anthony Calvillo et Pierre Karl Péladeau n’achètent la franchise. Le championnat de l’an dernier était leur premier depuis 2010, et un deuxième titre consécutif cimenterait leur statut de nouvelle dynastie de la ligue.
Le quart-arrière montréalais Cody Fajardo ajoute une autre intrigue captivante. L’ancien Roughrider a été essentiellement écarté par la Saskatchewan après la saison 2022, pour finalement trouver sa rédemption à Montréal. Quand je lui parle après l’entraînement, il est diplomate mais franc.
« J’apprécierai toujours mon temps en Saskatchewan, » dit Fajardo, « mais trouver un foyer à Montréal a été incroyable. La chimie de notre équipe est spéciale. Nous croyons les uns aux autres, et c’est ce qui compte le plus dans les matchs de championnat. »
Les statistiques de la saison 2024 suggèrent une bataille serrée. Selon les données de la LCF, les Alouettes possédaient la défense la plus avare de la ligue, n’accordant que 19,7 points par match pendant la saison régulière. Les Roughriders ont répliqué avec une attaque opportuniste qui a marqué en moyenne 28,3 points par match, deuxième derrière Toronto.
Ce qui rend cette confrontation particulièrement intrigante est le contraste de styles. La Saskatchewan prospère sur les jeux explosifs, avec les receveurs Samuel Emilus et Shawn Bane Jr. qui moyennent plus de 15 verges par réception. Montréal, quant à elle, s’appuie sur une défense étouffante et une attaque méthodique qui minimise les erreurs et contrôle le temps de possession.
La météo pourrait également jouer un rôle significatif. Les prévisions d’Environnement Canada annoncent des périodes de pluie et des températures autour de 8°C au Stade BC Place – des conditions qui favorisent typiquement le contrôle du ballon et un jeu au sol solide. Les deux équipes se sont entraînées avec des ballons mouillés cette semaine en préparation.
« La météo est toujours un facteur dans les matchs de championnat, » reconnaît Corey Mace, entraîneur-chef des Roughriders. « Mais nous avons joué dans toutes les conditions cette saison. Nos gars sont prêts pour tout ce que dimanche nous réserve. »
Pour les communautés à travers la Saskatchewan, ce match transcende le sport. À Moosomin, une petite ville située à 225 kilomètres à l’est de Regina, le théâtre local organise une soirée de visionnement de la Coupe Grey qui devrait attirer des centaines de personnes des environs. Des rassemblements similaires auront lieu dans les centres communautaires, les salles de la Légion et les salons à travers la province.
L’impact économique s’étend au-delà des revenus des équipes. Selon un rapport du Comité du Festival de la Coupe Grey de Vancouver, l’événement devrait générer environ 100 millions de dollars d’activité économique pour la ville hôte, avec des hôtels presque à pleine capacité et des restaurants qui proposent des spéciaux Coupe Grey tout au long du weekend.
À la fin des entraînements du samedi, les deux équipes semblent détendues mais concentrées. Les joueurs signent des autographes pour les fans qui se sont rassemblés pour apercevoir leurs héros. Des enfants en maillots trop grands tiennent des ballons et des téléphones, espérant une signature ou un selfie pour commémorer le moment.
Debout sur la ligne de touche, je me rappelle ce qui rend la Coupe Grey si spéciale dans notre paysage national. Ce n’est pas seulement le match lui-même, mais la communauté qu’il crée – une célébration typiquement canadienne qui comble les différences géographiques, linguistiques et culturelles à travers une passion partagée pour notre version du football.
Quand les équipes entreront sur le terrain dimanche soir, elles joueront pour plus qu’un trophée. Elles ajouteront un nouveau chapitre à une tradition sportive de 111 ans qui continue de nous unir, alors que tant d’autres choses dans notre monde deviennent de plus en plus divisées.
La Coupe Grey n’est pas qu’un match de championnat – c’est un moment du patrimoine national qui se déroule à nouveau chaque novembre. Et peu importe si c’est le vert de la Saskatchewan ou le bleu de Montréal qui l’emporte, le véritable gagnant sera une tradition de football canadien qui reste aussi vibrante et significative que jamais.