Les consommateurs canadiens montrent une préférence marquée pour les produits fabriqués au pays pendant cette période des fêtes, même si l’inflation et les préoccupations concernant les tarifs transfrontaliers continuent de peser sur les portefeuilles. Ce virage vers les produits domestiques représente à la fois une réponse pratique aux conditions économiques et un changement plus profond dans les valeurs des consommateurs.
« Nous constatons une augmentation de 22% des clients qui demandent spécifiquement des articles fabriqués au Canada par rapport à l’année dernière, » explique Marianne Chen, propriétaire de Handcrafted Toronto, une boutique spécialisée dans les produits artisanaux. « Les gens n’achètent pas seulement local pour économiser sur l’expédition ou éviter les complications tarifaires—ils recherchent activement les histoires derrière les produits. »
Cette tendance survient dans un contexte économique complexe. Statistique Canada a rapporté le mois dernier que l’inflation s’est modérée à 3,1%, mais les produits essentiels comme l’alimentation et les coûts de logement continuent de croître plus rapidement que les salaires pour de nombreux ménages. Parallèlement, les incertitudes entourant le commerce transfrontalier planent alors que les augmentations tarifaires promises par le président-élu Trump commencent déjà à affecter la planification des importations pour les détaillants canadiens.
Pour des consommateurs comme Sarah McKenzie, une architecte de 34 ans de Vancouver, la décision d’acheter local cette saison des fêtes mélange des considérations pratiques et émotionnelles. « J’ai commencé à faire attention à la provenance des produits pendant les problèmes d’approvisionnement liés à la pandémie, » dit-elle. « Maintenant, je suis prête à dépenser 15-20% de plus pour quelque chose fabriqué localement parce que j’ai vu comment cela soutient ma communauté. »
Le plus récent suivi des dépenses de consommation de la Banque Royale du Canada montre que les budgets des fêtes sont en réalité en hausse de 4,2% par rapport à l’année dernière, malgré les vents économiques contraires. Cependant, les acheteurs sont plus sélectifs avec ces dollars, achetant moins d’articles mais investissant dans des pièces qu’ils perçoivent comme ayant plus de sens ou de durabilité.
« Ce que nous observons est une recalibration de la valeur, » note le Dr Marcus Tran, chercheur en comportement du consommateur à l’Université de la Colombie-Britannique. « Les Canadiens se posent des questions différentes sur leurs achats—pas seulement ‘combien ça coûte?’ mais ‘qui bénéficie quand j’achète ceci?‘ »
Pour les détaillants, cela représente à la fois un défi et une opportunité. Les grandes chaînes comme Canadian Tire et La Baie d’Hudson ont réagi en mettant en avant des sections « Fabriqué au Canada » et en élargissant leurs relations avec les fournisseurs nationaux. Pendant ce temps, la place de marché en ligne Etsy Canada signale une augmentation de 31% d’une année à l’autre des recherches incluant des termes comme « fabricant canadien » ou « artisanat local. »
L’impact économique s’étend au-delà du commerce de détail. Les chaînes d’approvisionnement se reconfigurent progressivement à mesure que les fabricants répondent à ce changement de demande. Quantum Textiles à Montréal, qui produit des tissus pour vêtements et articles de maison, a investi 3,5 millions de dollars dans de nouveaux équipements au cours de l’année écoulée pour répondre à l’augmentation des commandes des marques domestiques.
« Il y a cinq ans, nous ne pouvions pas concurrencer la production étrangère uniquement sur les prix, » admet Jean Lessard, directeur des opérations de Quantum. « Mais maintenant, les détaillants sont prêts à accepter des coûts de gros légèrement plus élevés parce que leurs clients comprennent la proposition de valeur des produits fabriqués au Canada. »
Cette évolution rejoint également une sensibilisation environnementale croissante. Transports Canada estime que les produits fabriqués localement génèrent généralement 40-60% moins d’émissions de carbone liées au transport par rapport aux alternatives importées. Pour les consommateurs soucieux du climat, cela devient un facteur supplémentaire qui fait pencher la balance vers les achats locaux.
La tendance ne se limite pas aux biens physiques. Les cadeaux basés sur des services comme les forfaits d’expérience, les billets pour des événements locaux et les bons de restaurant connaissent une croissance substantielle, en hausse de près de 28% selon les données de traitement des paiements Moneris.
Cependant, des défis demeurent. La base manufacturière relativement petite du Canada signifie que certaines catégories de produits dépendent encore fortement des importations. De plus, la capacité de production nationale n’a pas complètement rattrapé la soudaine augmentation de la demande, créant des défis de fulfillment pendant la saison des achats des fêtes.
« Nous avons dû arrêter de prendre des commandes personnalisées pour les fêtes parce que nous ne pouvons tout simplement pas en produire assez à temps, » remarque James Hoffman, ébéniste dont l’atelier torontois crée des accessoires de maison artisanaux. « C’est un bon problème à avoir, mais nous laissons définitivement de l’argent sur la table. »
L’économiste Patricia Ramirez de la Banque TD prévient que cette tendance pourrait faire face à des pressions à mesure que les conditions économiques évoluent. « La question est de savoir si cette préférence pour les produits fabriqués au Canada persistera si l’inflation continue de peser sur les budgets des ménages, » dit-elle. « La prime que les consommateurs sont actuellement prêts à payer pourrait devenir plus difficile à justifier si les conditions économiques s’aggravent. »
Néanmoins, pour l’instant, les chiffres suggèrent que les consommateurs canadiens votent avec leur portefeuille pour les produits locaux. Industrie Canada rapporte que les fabricants nationaux dans les catégories de biens de consommation ont vu leurs revenus augmenter en moyenne de 8,7% d’une année à l’autre, dépassant substantiellement la croissance du PIB.
Alors que la saison des achats des fêtes atteint son apogée, il semble que de nombreux Canadiens découvrent que les meilleurs cadeaux viennent avec une histoire sur qui les a fabriqués et où—de préférence une histoire qui commence ici même, chez nous.