Alors que la neige s’accumule devant ma fenêtre à Ottawa, une tempête d’un autre genre se prépare au Nouveau-Brunswick. Des parents de toute la province découvrent que la sécurité de leurs enfants dans les autobus scolaires pourrait être compromise par un changement de politique que peu ont vu venir.
La semaine dernière, le gouvernement Higgs a discrètement mis en œuvre une nouvelle directive d’entretien qui réduit la maintenance préventive des autobus scolaires de trois fois par an à seulement deux fois. Ce changement, enfoui dans une note du ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance, a suscité l’inquiétude des conducteurs, des mécaniciens et des parents.
« Ils jouent avec le feu, » déclare Martin Arsenault, mécanicien d’autobus scolaires avec 23 ans d’expérience à Moncton. « Ces autobus parcourent des routes difficiles en toutes saisons. Réduire les inspections d’un tiers ne concerne pas seulement la paperasse – il s’agit de détecter les problèmes avant qu’ils ne deviennent dangereux. »
Ce changement de politique survient alors que la province fait face à une augmentation de 12% des pannes d’autobus par rapport à l’année dernière. Selon les données du ministère des Transports obtenues grâce à des demandes d’accès à l’information, 682 autobus ont nécessité une assistance routière durant l’année scolaire 2022-23, laissant des milliers d’élèves bloqués ou retardés.
Pour des parents comme Christine LeBlanc de Fredericton, dont la fille Madeleine a passé 40 minutes par -18°C lorsque son autobus est tombé en panne en janvier, ces coupes sont personnelles. « Ma fille est rentrée avec le bout des doigts bleus, » m’a confié LeBlanc lors d’un entretien téléphonique. « Et maintenant, ils nous disent qu’ils vérifieront moins souvent les autobus? Ça n’a aucun sens. »
La flotte provinciale de 1 326 autobus parcourt environ 80 000 kilomètres quotidiennement sur des terrains variés. De nombreux trajets empruntent des routes non pavées qui usent les véhicules, particulièrement durant les rudes hivers maritimes où le sel et la neige fondue accélèrent la corrosion.
Le ministre de l’Éducation, Bill Hogan, a défendu ce changement, suggérant qu’il s’aligne sur d’autres juridictions. « Nous mettons simplement notre calendrier d’entretien en conformité avec les normes de l’industrie tout en assurant le respect de tous les protocoles de sécurité, » a-t-il déclaré lors de la session législative de mardi.
Cependant, une comparaison avec les provinces voisines révèle une autre réalité. La Nouvelle-Écosse maintient trois inspections annuelles pour sa flotte, tandis que l’Île-du-Prince-Édouard effectue des contrôles trimestriels plus une inspection supplémentaire avant l’hiver ciblant spécifiquement les systèmes de freinage et le chauffage.
L’Association des enseignants du Nouveau-Brunswick s’est jointe au concert de critiques. Leur présidente, Connie Watson, souligne que les enseignants sont souvent les premiers intervenants lors d’incidents d’autobus. « Nous confions notre bien le plus précieux – nos enfants – à ces véhicules chaque jour, » a déclaré Watson. « Ce n’est pas là qu’il faut faire des économies. »
Les documents financiers suggèrent que la réduction de l’entretien permettra d’économiser environ 1,2 million de dollars par an – soit environ 0,07% du budget provincial de l’éducation de 1,8 milliard de dollars.
La cheffe de l’opposition, Susan Holt, a remis en question ces priorités pendant la période des questions. « Alors que nous disposons d’un excédent d’un milliard de dollars, pourquoi faisons-nous des économies sur la sécurité du transport des élèves? Quel prix accordons-nous au bien-être de nos enfants? »
Ce changement de politique a mis en lumière des tensions plus profondes concernant l’éducation rurale dans la province. Dans des communautés comme Blackville et Doaktown, où les élèves passent parfois jusqu’à 90 minutes par trajet en autobus, la fiabilité n’est pas seulement une commodité – c’est une infrastructure essentielle.
« Quand un autobus tombe en panne ici, ce n’est pas comme en ville où un autre arrive dans les 15 minutes, » explique Sarah Donovan, parent et bénévole scolaire à Blackville. « Nos enfants peuvent attendre une heure dans le froid, ou des parents qui travaillent à une heure de route doivent organiser un ramassage d’urgence. »
La réduction de l’entretien survient au milieu d’autres défis de transport. La province fait face à une pénurie de chauffeurs d’autobus, avec 42 postes non pourvus en décembre. Cela a conduit à des consolidations de routes qui prolongent des trajets ruraux déjà longs.
Pour des mécaniciens comme Peter Robichaud à Saint John, la question dépasse la politique. « Je répare ces autobus depuis 18 ans. Nous sommes déjà à bout de souffle. Maintenant, nous vérifierons moins souvent, mais on s’attend à ce que nous détections tous les mêmes problèmes. Quelque chose doit céder. »
Le Syndicat des travailleurs du transport a déposé un grief, affirmant que ce changement viole les dispositions de sécurité dans leur convention collective. Le représentant syndical Thomas Bernard note que l’entretien préventif identifie souvent des problèmes avant qu’ils ne causent des pannes. « L’année dernière, nous avons détecté 128 défaillances potentielles de freins lors d’inspections de routine – ce sont 128 tragédies potentielles évitées. »
Alors que l’hiver s’intensifie au Nouveau-Brunswick, la question de la sécurité des autobus va probablement gagner en importance. Des parents de trois écoles ont organisé une campagne de lettres, et une pétition exigeant l’annulation de ce changement de politique a recueilli plus de 4 000 signatures en seulement cinq jours.
Pendant ce temps, des chauffeurs d’autobus comme Marie Cormier d’Edmundston se sentent pris au milieu. « Je vérifie mon autobus chaque matin, mais je ne suis pas mécanicienne, » m’a-t-elle confié. « Je compte sur ces inspections pour assurer la sécurité des 48 enfants que je transporte. Je connais les noms de leurs parents. Je vois leurs visages. Ce n’est pas juste une politique pour moi. »
Alors que cette histoire se déroule, elle met en évidence une tension fondamentale dans la gouvernance – l’équilibre entre responsabilité fiscale et services essentiels. Pour les familles du Nouveau-Brunswick affrontant un autre hiver maritime, les enjeux ne pourraient être plus élevés.
La province a promis de revoir sa politique si les données montrent une augmentation des pannes, mais pour des parents comme LeBlanc, cette approche semble rétrograde. « On n’attend pas que plus d’autobus tombent en panne avec des enfants à bord pour décider que la sécurité est importante, » dit-elle. « À ce moment-là, il est déjà trop tard. »