Alors que la lumière du matin traverse les fenêtres du Palais des congrès fraîchement rénové de Montréal, une énergie palpable remplit la salle d’exposition. Plus de 3 000 professionnels de la santé, défenseurs communautaires et décideurs politiques se sont rassemblés pour ce que les organisateurs appellent un moment décisif dans les soins de santé LGBTQ2S+ au Canada.
La conférence nationale inaugurale sur la santé 2SLGBTQIA+ a débuté hier avec une participation record, en faisant le plus grand rassemblement de ce genre dans l’histoire canadienne. L’événement de quatre jours a transformé Montréal en épicentre du dialogue sur les pratiques de soins inclusifs et la réforme des politiques.
« Nous ne parlons plus seulement de soins spécialisés, » explique Dre Marielle Tremblay, présidente de la conférence et directrice du Centre McGill pour la santé et la diversité des genres et sexuelles. « Ce que nous observons est un changement fondamental dans la façon dont les systèmes de santé canadiens abordent les soins affirmatifs du genre et culturellement adaptés dans toutes les disciplines. »
Le moment ne pourrait être plus crucial. Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2024, les Canadiens 2SLGBTQIA+ déclarent accéder aux soins préventifs à des taux inférieurs de 23% par rapport à leurs homologues cisgenres et hétérosexuels. L’écart s’élargit davantage dans les communautés rurales et parmi les personnes autochtones bispirituelles.
En parcourant le hall bourdonnant de la conférence, je remarque la diversité des sessions qui abordent ces lacunes. Les ateliers vont de la formation clinique pratique pour les fournisseurs de soins primaires aux tables rondes politiques avec les ministres provinciaux de la Santé. Le plus frappant est peut-être la prédominance des sessions dirigées par des Autochtones sur la santé bispirituelle—un choix délibéré des organisateurs pour mettre en avant les voix traditionnellement marginalisées.
Joseph Cardinal, un aîné bispirituel respecté de la Nation Crie de Chisasibi, a ouvert la conférence par une bénédiction traditionnelle. « Cette rencontre marque un retour à la compréhension que prendre soin de tous les aspects d’une personne—physique, émotionnel, spirituel—a toujours été le fondement de la guérison, » a déclaré Cardinal à l’assemblée.
La conférence arrive à un moment charnière pour les politiques de santé canadiennes. Le mois dernier, la ministre fédérale de la Santé, Anita Anand, a annoncé un investissement de 78 millions de dollars pour améliorer l’accès aux soins de santé pour les Canadiens de diverses identités de genre. Ce financement a suivi des débats provinciaux houleux sur la couverture des procédures d’affirmation de genre et les soins de santé pour les jeunes transgenres.
« Ce qui se passe dans ces salles de conférence cette semaine façonnera directement la façon dont ce financement se traduira par de meilleurs résultats dans les salles d’attente à travers le pays, » note Sam Everett, directeur exécutif du Réseau Santé Arc-en-ciel.
Les kiosques d’exposants présentent des innovations allant des plateformes de télésanté conçues pour les communautés queer rurales aux matériels éducatifs disponibles dans plus de quatorze langues. Le Centre universitaire de santé de Montréal a dévoilé une nouvelle unité mobile de dépistage spécifiquement conçue pour apporter des services de dépistage des ITS et du cancer aux communautés LGBTQ2S+ mal desservies.
Tout le monde n’accueille pas favorablement la conférence. Un petit groupe de manifestants s’est rassemblé à l’extérieur, soulignant les tensions culturelles persistantes. La sécurité de la conférence a travaillé en étroite collaboration avec la police de Montréal pour assurer la sécurité des participants tout en respectant le droit à la manifestation pacifique.
À l’intérieur, l’accent reste résolument mis sur les approches fondées sur des données probantes. Le Dr James Wong, présentant des recherches de l’Université de la Colombie-Britannique, a partagé des données convaincantes issues de leur étude longitudinale de cinq ans. « Lorsque les prestataires reçoivent une formation spécifique sur les besoins en soins de santé LGBTQ2S+, nous constatons une amélioration de 47% de la rétention des patients et des soins de suivi, » a expliqué Wong à un auditorium comble.
La conférence est également devenue un forum pour des conversations difficiles sur les disparités en matière de soins de santé au sein même des communautés LGBTQ2S+. Un panel de l’après-midi a abordé les obstacles spécifiques auxquels font face les Canadiens queer et trans racisés.
« Il ne suffit pas de créer des cliniques accueillantes pour les LGBTQ, » a soutenu Desiree Johnson, une défenseure de la santé trans noire du Centre de santé Sherbourne de Toronto. « Nous devons confronter les façons dont le racisme, le colonialisme et la transphobie créent des obstacles composés pour beaucoup dans nos communautés. »
L’impact économique n’est pas passé inaperçu auprès des responsables locaux. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, s’exprimant lors de la réception d’accueil, a souligné comment la conférence s’aligne sur la vision de la ville en tant que pôle d’innovation inclusif. Tourisme Montréal estime que l’événement apportera environ 5,2 millions de dollars d’activité économique à la ville.
Pour de nombreux participants, cependant, les aspects les plus précieux sont les liens formés entre des communautés qui interagissent rarement. Les prestataires de soins de santé ruraux partagent leurs défis avec des spécialistes urbains. Les organisateurs communautaires comparent leurs notes avec les chercheurs en politique. Les étudiants en médecine échangent avec les aînés.
« Je travaille dans ma clinique de petite ville depuis vingt ans, et c’est la première fois que j’ai accès à ce type de formation spécialisée, » déclare Dre Martha Kennard, médecin de famille de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse. « Je rentrerai chez moi avec des outils pratiques pour mieux servir mes patients LGBTQ2S+ de tous âges. »
La conférence se poursuit jusqu’à dimanche, se concluant par une session de stratégie nationale où les participants rédigeront des recommandations politiques pour les autorités sanitaires provinciales et fédérales.
Alors que les sessions de l’après-midi commencent, les participants circulent entre les salles de réunion avec un sentiment de détermination. Pour beaucoup, comme Thomas Bergeron, infirmier praticien de Saskatoon, le rassemblement représente quelque chose de profond.
« Il ne s’agit pas simplement de développement professionnel, » me confie Bergeron alors que nous attendons une session de l’après-midi sur la prestation de soins de santé en milieu rural. « Il s’agit de reconnaître enfin que fournir des soins compétents et affirmatifs aux personnes 2SLGBTQIA+ n’est pas optionnel ou de niche—c’est une partie fondamentale de ce que signifient de bons soins de santé au Canada. »
En regardant autour de moi les visages divers engagés dans la conversation, il est clair que cette conférence représente plus qu’un simple rassemblement industriel. Elle signale un système de santé en maturation qui prend conscience de sa responsabilité de servir tous les Canadiens avec dignité, quels que soient leur identité ou leurs amours.