Alors que l’hiver canadien s’installe, les fraudeurs intensifient leurs efforts. La semaine dernière, j’ai visité un centre communautaire à Scarborough où des aînés se sont réunis pour partager leurs expériences face aux tentatives de fraude de plus en plus sophistiquées visant leurs économies.
« Ils connaissaient le nom de mon petit-fils et avaient exactement sa voix, » a expliqué Marianne Kowalski, 72 ans, retenant ses larmes en décrivant comment elle a failli envoyer 3 000 $ à quelqu’un qui se faisait passer pour un membre de sa famille. « Si ma voisine n’était pas passée, j’aurais tout perdu.«
Son histoire n’est pas exceptionnelle. Le Centre antifraude du Canada rapporte que les Canadiens ont perdu plus de 530 millions de dollars à cause des arnaques en 2024, et les projections montrent que 2025 pourrait être pire, l’intelligence artificielle rendant les fraudes plus convaincantes.
J’ai rencontré trois experts pour recueillir des conseils pratiques destinés aux Canadiens souhaitant se protéger dans ce paysage en évolution.
« Ce qui a changé radicalement, c’est à quel point ces attaques sont devenues personnalisées, » explique Darren Yung, spécialiste en cybersécurité de l’unité des crimes numériques de la GRC. « Les fraudeurs récoltent maintenant des informations sur les médias sociaux et dans les violations de données pour créer des messages qui semblent légitimes et urgents. »
Le premier conseil essentiel de Yung : créer un système de vérification avec les membres de la famille. « Établissez des phrases codées ou des questions personnelles que seule votre vraie famille connaîtrait. Quand quelqu’un prétend être un proche en détresse, testez-le. »
Les arnaques les plus courantes ciblant les Canadiens continuent d’évoluer à partir de modèles familiers. Les arnaques de l’Agence du revenu du Canada utilisent maintenant des clones vocaux générés par IA de fonctionnaires. Les arnaques amoureuses incorporent des appels vidéo en deepfake. Les fraudes à l’investissement utilisent de faux sites sophistiqués imitant des institutions financières légitimes.
L’experte en sécurité financière Priya Sharma de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada souligne que retarder son action est la meilleure défense.
« Les organisations légitimes n’exigent jamais un paiement immédiat et ne menacent jamais de conséquences immédiates, » note Sharma. « Quand on vous presse d’agir rapidement, c’est votre signal d’alarme. Dites-leur que vous rappellerez via le numéro officiel que vous trouverez indépendamment. »
Sharma se souvient d’un client qui a reçu un texto urgent concernant un achat présumé de 2 800 $ sur sa carte de crédit. Le message incluait un lien pour « vérifier » la transaction. Au lieu de cliquer, il a appelé sa banque directement et a découvert que le message était frauduleux.
« Cette pause lui a évité un potentiel vol d’identité, » explique-t-elle. « Vingt secondes de vérification ont empêché ce qui aurait pu être des mois de rétablissement financier.«
Ce conseil fait écho à ce que j’ai entendu au Forum sur la prévention de la fraude de Toronto le mois dernier. Presque chaque victime a décrit s’être sentie précipitée dans des décisions qu’elle a regrettées par la suite.
L’expert en technologie Marcus Chen de l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet offre la troisième stratégie cruciale : mettre régulièrement à jour son hygiène numérique.
« La plupart des Canadiens utilisent le même mot de passe sur plusieurs sites ou n’ont pas mis à jour leurs paramètres de sécurité depuis des années, » explique Chen. « Quand une entreprise subit une violation de données, les fraudeurs testent ces identifiants partout. »
Chen recommande une révision trimestrielle de la sécurité numérique : mettre à jour les mots de passe, vérifier quelles applications ont accès à vos comptes, revoir les paramètres de confidentialité sur les plateformes sociales et s’assurer que l’authentification à deux facteurs est activée sur les services financiers.
« Pensez-y comme au changement des piles de votre détecteur de fumée, » suggère Chen. « Ça prend quelques minutes mais offre des mois de protection. »
L’évolution du paysage de la fraude signifie que les conseils traditionnels doivent être actualisés. Bien que les Canadiens plus âgés restent vulnérables, les jeunes démographiques font face de plus en plus à des arnaques sophistiquées ciblant les portefeuilles numériques et les opportunités d’investissement.
Les enquêtes de Statistique Canada révèlent que les 18-34 ans ont perdu plus d’argent dans les arnaques liées aux cryptomonnaies et aux investissements que tout autre groupe d’âge l’année dernière, remettant en question les stéréotypes sur les victimes potentielles.
Les gouvernements provinciaux ont remarqué cette tendance. L’Ontario a récemment lancé sa campagne « Réfléchir avant de payer », tandis que l’agence de protection des consommateurs de la Colombie-Britannique a créé un outil d’évaluation des fraudes qui a été adopté au Manitoba et en Nouvelle-Écosse.
Pour ceux qui sont victimes, les experts soulignent l’importance d’agir rapidement. Contactez immédiatement vos institutions financières, signalez à la police locale et déposez une plainte auprès du Centre antifraude du Canada. De nombreux Canadiens ignorent que les banques peuvent offrir une compensation si la fraude est signalée promptement.
Ce qui m’a frappé tout au long de ces conversations, c’est comment les fraudeurs exploitent des traits humains fondamentaux : la confiance envers l’autorité, le désir d’aider la famille, la peur de manquer des opportunités et l’anxiété face aux problèmes juridiques.
En quittant le centre communautaire de Marianne, j’ai appris que son quartier organise maintenant des « cafés de sensibilisation aux arnaques » mensuels où les résidents partagent les tentatives récentes. Cette vigilance communautaire a déjà empêché trois fraudes potentielles.
« Nous sommes plus forts ensemble, » m’a dit Marianne. « Les fraudeurs comptent sur notre isolement et notre peur d’admettre que nous avons été ciblés. »
C’est peut-être le quatrième conseil, le plus important : partagez vos expériences. La conversation qui sauvera les économies de quelqu’un pourrait avoir lieu autour d’un café avec un voisin ou par un rapide texto à un membre de la famille concernant cet étrange appel que vous venez de recevoir.
Dans un monde numérique conçu pour nous isoler, notre meilleure défense reste nos liens les uns avec les autres.