Alors que je m’installais dans mon siège du petit avion à hélice quittant Fort St. John la semaine dernière, le vaste réseau d’infrastructures de gaz naturel en dessous disparaissait progressivement dans le paysage. Quelques jours plus tôt, j’étais debout au bord d’une station de compression, observant l’ondulation à peine visible des émissions de méthane contre le ciel d’automne—un gaz à effet de serre 80 fois plus puissant que le dioxyde de carbone durant ses 20 premières années dans l’atmosphère.
Ce qu’on ne voit pas peut tout de même tout changer.
L’accord historique d’hier entre le gouvernement fédéral et les exploitants de pipelines canadiens représente un changement significatif dans notre façon d’aborder ces émissions invisibles mais conséquentes. L’entente engage l’industrie à réduire les émissions de méthane de 75 pour cent d’ici 2030, un objectif qui dépasse les engagements précédents et s’aligne sur les preuves scientifiques croissantes concernant l’impact démesuré du méthane sur le climat.
« Ce ne sont pas juste des chiffres sur papier, » explique Mélanie Carson, directrice environnementale à l’Association canadienne des pipelines d’énergie. « Il s’agit de changer fondamentalement la façon dont nous surveillons, entretenons et modernisons des milliers de kilomètres d’infrastructures existantes. »
Pour les communautés vivant le long de ces pipelines, les implications vont au-delà des avantages climatiques. Lors de mes visites dans le nord-est de la Colombie-Britannique le mois dernier, j’ai parlé avec Linda Poirier, dont la famille vit près d’un corridor majeur de gaz naturel depuis trois générations.
« Quand ils réparent ces fuites, ils n’aident pas seulement avec les changements climatiques, » m’a dit Poirier alors que nous marchions le long de sa propriété. « C’est une question de qualité de l’air, de notre santé, de notre avenir ici. »
L’accord se concentre sur des protocoles de détection et de réparation des fuites que les exploitants de pipelines doivent mettre en œuvre dans les 18 mois. L’industrie devra déployer des technologies de surveillance avancées, incluant la surveillance aérienne, des capteurs au sol et des calendriers d’inspection réguliers qui n’étaient pas une pratique courante auparavant.
Environnement Canada estime que la mise en œuvre de ces mesures pourrait empêcher le rejet d’environ 5,2 mégatonnes de méthane annuellement d’ici 2030—l’équivalent de retirer près de 3,5 millions de voitures de la route.
Ce qui rend cet accord remarquable est son approche collaborative. Contrairement aux tentatives réglementaires précédentes qui ont fait face à la résistance de l’industrie, ce cadre a été développé par un groupe de travail technique conjoint comprenant des organisations environnementales, des représentants autochtones et des experts de l’industrie.
Mathieu Kirkpatrick, un scientifique de l’atmosphère à l’Institut Pembina qui a participé aux discussions techniques, croit que cette construction de consensus était cruciale.
« La science sur le méthane est devenue trop claire pour être ignorée, » a déclaré Kirkpatrick. « Nous avons maintenant les capacités de surveillance pour détecter ces émissions avec précision, ce qui signifie que nous pouvons cibler les réparations là où elles auront le plus grand impact. »
Pour les communautés du Nord où l’extraction des ressources a longtemps créé à la fois des opportunités économiques et des préoccupations environnementales, l’accord représente un point d’équilibre potentiel.
Lors de ma visite sur le territoire de la Première Nation de Blueberry River en septembre, la coordinatrice environnementale Jasmine Thomas m’a montré des données cartographiques des points chauds de méthane que leur nation a collectées indépendamment.
« Nos aînés nous ont toujours enseigné qu’on ne peut pas séparer la santé de la terre de celle des gens, » a expliqué Thomas. « Ces objectifs de réduction des émissions sont importants parce qu’ils reconnaissent cette connexion. »
Les coûts de mise en œuvre seront substantiels—l’industrie estime l’investissement à environ 3,8 milliards de dollars sur cinq ans. Cependant, l’Association canadienne du gaz note que le méthane capturé peut être vendu comme gaz naturel, permettant potentiellement de récupérer jusqu’à 40 pour cent de ces dépenses.
L’accord ne vient pas sans controverse. Certains groupes environnementaux soutiennent que l’objectif de 75 pour cent devrait être plus élevé, tandis que d’autres s’interrogent sur le fonctionnement de l’application dans les zones éloignées. Pendant ce temps, les représentants de l’industrie ont exprimé des préoccupations concernant le calendrier serré.
Sarah Richardson, qui dirige une petite entreprise de surveillance environnementale à Calgary, voit à la fois les défis et les opportunités.
« Cela va créer des emplois dans le secteur de l’atténuation du méthane, » m’a dit Richardson. « Nous constatons déjà une demande pour des techniciens spécialisés qui peuvent identifier les fuites et mettre en œuvre des solutions. »
Ce qui reste flou, c’est comment ces nouvelles normes affecteront la stratégie climatique globale du Canada. Bien que les réductions de méthane représentent une étape importante, elles existent parallèlement à l’expansion continue des infrastructures de combustibles fossiles dans certaines parties du pays.
Au cours de mes reportages dans les communautés du Nord ces derniers mois, j’ai observé une réalité complexe qui défie les récits simplistes. De nombreuses familles dépendent économiquement du secteur énergétique tout en étant témoins directs des changements environnementaux.
Le succès de l’accord dépendra ultimement de rapports transparents et de vérification. Environnement Canada s’est engagé à publier des mises à jour annuelles des progrès, avec une vérification indépendante par des tiers des réductions déclarées par l’industrie.
Pour ceux qui ont passé des décennies à pousser pour des réglementations plus strictes sur le méthane, comme le défenseur environnemental Jacques Wilson, l’accord représente un progrès mais pas un achèvement.
« Il y a quinze ans, nous ne pouvions faire prendre le méthane au sérieux par personne, » a réfléchi Wilson alors que nous examinions les détails de l’accord hier. « Maintenant, nous parlons de systèmes de surveillance sophistiqués et d’objectifs ambitieux de réduction. C’est un mouvement dans la bonne direction. »
Alors que notre conversation nationale sur le climat se poursuit, cet accord sur le méthane offre un exemple concret de la façon dont des engagements spécifiques et mesurables peuvent nous faire avancer au-delà des débats polarisés vers des solutions pratiques. Reste à voir s’il deviendra un modèle pour aborder d’autres défis environnementaux.
Ce qui est certain, c’est que les ondulations invisibles que j’ai observées au-dessus de cette station de compression la semaine dernière seront bientôt mesurées, surveillées et—si l’accord tient sa promesse—considérablement réduites dans tout le paysage des pipelines canadiens.