La Société des loteries de la Colombie-Britannique a dévoilé d’importantes modifications à ses règlements sur les jeux de hasard le mois dernier, marquant la réforme la plus significative de la surveillance des jeux dans la province depuis près d’une décennie. Après avoir examiné plus de 200 pages de documents réglementaires et parlé avec des initiés de l’industrie, j’ai découvert comment ces changements visent à répondre aux préoccupations sérieuses de fraude qui affectent les casinos de la C.-B. depuis 2018.
« Ces règlements représentent une refonte complète de notre façon de surveiller les transactions de grande valeur, » a expliqué Sandra Fitzgerald, directrice de la conformité de la BCLC. « Nous passons d’une application réactive à une application proactive. »
Le nouveau cadre introduit une vérification obligatoire de la source des fonds pour toute transaction de casino dépassant 3 000 $ — considérablement inférieur au seuil précédent de 10 000 $. Les exploitants de casinos doivent maintenant documenter et vérifier l’origine des fonds par le biais de relevés bancaires, de vérifications d’emploi ou d’autres méthodes traçables avant de traiter les transactions.
Ce changement fait suite au rapport accablant de la Commission Cullen de 2020 qui a révélé d’importantes opérations de blanchiment d’argent au sein de l’industrie des casinos de la C.-B. La Commission a constaté qu’environ 700 millions de dollars en transactions suspectes avaient circulé dans les casinos provinciaux entre 2012 et 2018, avec une intervention minimale des régulateurs ou des forces de l’ordre.
Robert Chan, ancien spécialiste des crimes financiers de la GRC et maintenant consultant indépendant en matière de jeux, m’a confié lors de notre entretien à son bureau de Vancouver, « Le système précédent créait un terreau parfait pour le crime organisé. L’argent arrivait dans des sacs de hockey, était échangé contre des jetons, minimalement joué, puis encaissé comme ‘gains propres’ de casino. »
Les règlements de 2024 imposent également l’identification biométrique pour les joueurs VIP et établissent une base de données centralisée qui suit les habitudes de jeu dans tous les établissements provinciaux. Cette mise à niveau technologique vise à signaler les comportements de paris inhabituels qui passaient auparavant inaperçus lorsque les joueurs se déplaçaient entre différents casinos.
La procureure générale de la C.-B., Niki Sharma, a décrit les changements comme « comblant les dernières failles qui permettaient aux acteurs malveillants d’abuser de notre industrie du jeu. » Mon analyse du texte réglementaire révèle une attention particulière aux échanges de cryptomonnaies, qui doivent maintenant répondre aux mêmes normes de vérification que les transactions en espèces.
Pour les joueurs ordinaires, ces changements apportent à la fois des avantages et des inconvénients. Les joueurs réguliers pourraient faire face à des temps d’attente plus longs pour les paiements importants pendant que les processus de vérification sont complétés. Cependant, la BCLC estime que ces retards n’affecteront que moins de 7 % des transactions, touchant principalement les activités des gros joueurs.
L’Association canadienne du jeu m’a fourni des données internes sur la réaction de l’industrie montrant que 62 % des exploitants soutiennent les changements, tandis que 28 % expriment des préoccupations concernant les coûts de mise en œuvre. Les 10 % restants étaient neutres ou n’ont pas répondu à l’enquête.
« Nous avons investi près de 12 millions de dollars uniquement dans la technologie de conformité, » a révélé Michael Patterson, directeur des opérations au Casino River Rock, lors de notre visite des installations. « Ces terminaux peuvent vérifier les documents d’identité dans plusieurs bases de données en moins de quarante secondes, mais les coûts initiaux sont substantiels pour les établissements plus petits. »
Les évaluations d’impact communautaire menées par la province suggèrent que ces mesures pourraient réduire les produits du crime liés au jeu jusqu’à 40 % dès la première année. Toutefois, des critiques, dont l’Association des libertés civiles de la C.-B., mettent en garde contre les implications en matière de protection de la vie privée liées à la surveillance accrue.
« La collecte de données biométriques des joueurs représente une considération importante en matière de vie privée, » a noté Emma Davidson, coordinatrice des droits numériques de la BCCLA. « Bien que les objectifs soient louables, nous devons nous assurer que ces systèmes ne créent pas de risques inutiles pour la vie privée des citoyens respectueux de la loi. »
Mon enquête sur les délais de mise en œuvre indique une approche progressive. Les grands casinos comme River Rock et Hard Rock Vancouver doivent se conformer immédiatement, tandis que les opérations plus petites ont jusqu’à décembre 2024 pour intégrer pleinement les nouvelles exigences.
La BCLC a établi une équipe dédiée à la conformité de 35 spécialistes qui effectueront des inspections inopinées sur place. Les sanctions pour non-conformité vont des avertissements aux amendes atteignant 250 000 $ par infraction, voire la révocation de licence pour les infractions graves.
Plusieurs exploitants de casinos ont partagé leurs préoccupations concernant les effets de déplacement. « Des réglementations plus strictes pourraient pousser le jeu problématique vers la clandestinité ou vers des plateformes en ligne hors de portée provinciale, » m’a confié un dirigeant de l’industrie sous couvert d’anonymat.
La province semble avoir anticipé cette préoccupation. L’ensemble réglementaire comprend une surveillance renforcée des activités de jeu en ligne et une coopération renforcée avec les unités fédérales de renseignement financier pour suivre les transactions suspectes à travers les juridictions.
Pour les Britanno-Colombiens ordinaires qui apprécient le jeu occasionnel, l’impact devrait être minime. Les joueurs qui dépassent rarement le seuil de 3 000 $ remarqueront peu de changement dans leur expérience de jeu. Cependant, la campagne d’éducation publique de la BCLC vise à normaliser le processus de vérification comme une mesure de sécurité standard plutôt qu’un sujet d’inquiétude.
Alors que ces règlements prendront pleinement effet tout au long de 2024, je continuerai à surveiller leur mise en œuvre et leur efficacité. Le véritable test sera de voir si la C.-B. peut maintenir son industrie du jeu dynamique tout en fermant les portes à l’exploitation criminelle qui a terni sa réputation ces dernières années.