En regardant le pont Ambassador à Windsor la semaine dernière, j’ai observé le flot incessant de camions transportant pièces et véhicules entre le Michigan et l’Ontario. Ce seul passage frontalier gère environ 27% des 775 milliards de dollars d’échanges annuels entre les États-Unis et le Canada. L’annonce du président Trump d’imposer des tarifs de 10 à 25% sur les importations automobiles canadiennes a provoqué une onde de choc dans notre chaîne d’approvisionnement nord-américaine intégrée.
« Ces tarifs seraient catastrophiques. Nous expédions des composants à travers cette frontière plusieurs fois avant qu’un véhicule ne soit complet, » m’a confié un directeur d’usine chez un fournisseur de pièces local.
Les responsables canadiens se sont rapidement mobilisés. Le premier ministre Justin Trudeau et le premier ministre de l’Ontario Doug Ford ont émis des réponses coordonnées soulignant la nature intégrée de la fabrication automobile nord-américaine, où les composants traversent souvent les frontières huit fois pendant la production. « Ces tarifs proposés nuiraient autant aux travailleurs américains qu’aux canadiens, » a déclaré Trudeau lors d’une conférence de presse d’urgence à Ottawa.
Les enjeux économiques sont énormes. Selon une analyse de BMO Marchés des capitaux, un tarif prolongé de 25% pourrait réduire les exportations automobiles canadiennes jusqu’à 17 milliards de dollars par année et potentiellement éliminer 60 000 emplois manufacturiers canadiens. Le fabricant torontois de pièces automobiles Magna International a vu son action chuter de 8% suite à l’annonce de Trump.
« Cela crée une menace existentielle pour les communautés partout en Ontario, » a expliqué Flavio Volpe, président de l’Association des fabricants de pièces automobiles. « Des villes comme Windsor, Oshawa et Brampton dépendent de la libre circulation des échanges automobiles en place depuis le Pacte de l’automobile de 1965. »
Le moment choisi semble politiquement motivé, survenant quelques semaines après que la campagne de Trump ait subi des revers dans les sondages à travers les États de la Rust Belt. David MacNaughton, ancien ambassadeur canadien aux États-Unis, m’a confié: « C’est clairement à propos du Michigan, pas de préoccupations commerciales légitimes. La nature intégrée de nos industries automobiles signifie que ces tarifs augmenteraient les coûts tant pour les consommateurs que pour les fabricants américains. »
Ce qui distingue cette situation des tensions commerciales précédentes est l’unité sans précédent à travers le spectre politique canadien. Les leaders provinciaux conservateurs se sont alignés avec le gouvernement fédéral libéral pour s’opposer aux tarifs. La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a offert un soutien surprenant, malgré ses critiques antérieures des politiques commerciales fédérales. « Quand les emplois canadiens sont menacés, la politique partisane passe au second plan, » a commenté Smith lors d’une conférence sur l’énergie à Calgary.