Lorsque la répartitrice d’urgence Sarah Levesque rentre chez elle après son quart de travail, elle reste parfois assise dans sa voiture pendant vingt minutes supplémentaires. Ces moments de solitude l’aident à décompresser après des heures à répondre à des appels allant de petites urgences à des situations où la vie est en danger.
« On ne sait jamais ce que le prochain appel va apporter, » m’a confié Levesque lorsque nous nous sommes rencontrés dans un café près de chez elle à Surrey, en Colombie-Britannique. « Une minute, vous aidez quelqu’un qui s’est enfermé hors de sa voiture, la minute suivante, vous guidez une personne à travers un massage cardiaque en attendant l’arrivée des ambulanciers. »
Ce pendule constant entre routine et crise n’est qu’un aspect des défis de santé mentale auxquels font face les premiers répondants canadiens. La semaine dernière a marqué le lancement de la campagne nationale « Répondre à l’appel », qui vise à attirer une attention sans précédent sur le fardeau psychologique vécu par ceux qui travaillent en première ligne des services d’urgence.
La campagne arrive à un moment critique. Une étude de 2023 de l’Institut canadien de recherche et de traitement en sécurité publique a révélé que 44,5 % du personnel de sécurité publique présentait des symptômes correspondant à un ou plusieurs troubles mentaux – près de quatre fois plus que dans la population générale.
« Nous observons des taux alarmants de blessures de stress post-traumatique, de dépression et d’anxiété chez les premiers répondants, » explique Dr. Nicholas Carleton, directeur scientifique de l’institut. « Ce que beaucoup de gens ne réalisent pas, c’est l’impact cumulatif. Ce n’est pas toujours un événement catastrophique, mais l’accumulation de centaines d’appels difficiles au fil des années de service. »
En me promenant au parc Crab sur le front de mer de Vancouver le mois dernier, le paramédic Devon Williams m’a montré un banc surplombant le port. « C’est là que je viens pour me vider la tête, » a-t-il dit. Williams est paramédic depuis onze ans et a été témoin de l’évolution des attitudes envers la santé mentale au sein des services d’urgence.
« Quand j’ai commencé, il y avait encore cette culture du ‘endurcis-toi’, » se souvient Williams. « Vous répondiez à un appel traumatisant, et tout le monde faisait semblant d’aller bien. Maintenant, nous commençons à reconnaître qu’on peut être à la fois fort et affecté par ce qu’on voit. »
La campagne « Répondre à l’appel » a été développée grâce à une collaboration entre la Commission de la santé mentale du Canada et diverses organisations de premiers répondants. Elle se concentre sur trois domaines clés : réduire la stigmatisation, améliorer l’accès à des soutiens spécialisés en santé mentale et mettre en œuvre des mesures préventives dans les milieux de travail.