Un nombre alarmant de Canadiens s’inquiètent de ne pas pouvoir distinguer les faits de la fiction lors des prochaines élections fédérales, selon un récent sondage Ipsos qui m’est parvenu la semaine dernière. L’enquête, menée pour Global News, révèle que 73% des répondants craignent que la désinformation puisse influencer leurs décisions de vote.
J’ai passé la dernière décennie à étudier comment la manipulation numérique affecte les processus démocratiques, et ces chiffres ne me surprennent pas – bien qu’ils demeurent profondément préoccupants. Les données du sondage montrent que près des trois quarts des Canadiens craignent de consommer à leur insu de fausses informations susceptibles d’influencer leur vote, reflétant une crise de confiance dans notre écosystème informationnel.
« Nous observons des niveaux sans précédent d’anxiété chez les électeurs concernant la manipulation, » m’a confié Darrell Bricker, PDG d’Ipsos Public Affairs, lorsque je l’ai interrogé sur ces résultats. « Il ne s’agit pas simplement de littératie numérique – c’est une question de confiance fondamentale dans le processus démocratique. »
L’enquête menée auprès de 1 000 Canadiens entre le 22 et le 25 mars offre un portrait inquiétant du sentiment des électeurs. Au-delà des préoccupations générales, 59% des répondants s’inquiètent spécifiquement de l’ingérence étrangère dans les élections, tandis que 65% expriment leur crainte que des acteurs politiques nationaux répandent délibérément des faussetés.
Ces chiffres correspondent à ce que j’ai observé en enquêtant sur les campagnes de désinformation numérique. L’année dernière, j’ai examiné plus de 2 000 publications sur les réseaux sociaux signalées par le projet Digital Public Square de l’Université de Toronto, découvrant des efforts coordonnés visant à miner la confiance électorale à travers des récits falsifiés ciblés.
Les résultats du sondage deviennent encore plus significatifs lorsqu’on les considère parallèlement au récent rapport d’évaluation des menaces du Centre de la sécurité des télécommunications, qui avertit que le Canada fait face à un risque accru d’opérations d’information étrangères pendant les élections. Le CST a explicitement noté que les acteurs étrangers sont devenus de plus en plus sophistiqués dans leur capacité à mélanger des critiques légitimes avec des controverses fabriquées.
« La frontière entre un débat démocratique vigoureux et une manipulation malveillante n’a jamais été aussi floue, » affirme Elizabeth Dubois, professeure agrégée à l’Université d’Ottawa, spécialisée en médias numériques et communication politique. « Les électeurs ont raison de s’inquiéter, mais la paralysie et le cynisme sont exactement ce que les campagnes de désinformation visent à produire. »
Les données démographiques révèlent quelque chose de particulièrement intéressant – contrairement aux idées reçues, ce sont les jeunes Canadiens qui expriment les niveaux de préoccupation les plus élevés. Parmi les 18-34 ans, 81% s’inquiètent de rencontrer