En me promenant sur le campus de l’Université McGill à Montréal, je remarque des étudiants en pleine discussion animée, non pas à propos des examens de mi-session, mais d’un phénomène troublant qui transforme la façon dont les jeunes hommes canadiens se perçoivent et perçoivent les femmes.
« Mon petit frère a commencé à citer Andrew Tate pendant le souper de l’Action de grâce, » explique Jayden Moreau, un étudiant de 22 ans en sociologie. « Au début, on pensait qu’il blaguait. Puis on a réalisé que ce n’était pas le cas. »
Cette conversation reflète une préoccupation grandissante chez les éducateurs, les parents et les professionnels de la santé mentale à travers le Canada : la montée de ce qu’on appelle communément « la manosphère » – un ensemble disparate de sites web, forums et personnalités des médias sociaux qui promeuvent des points de vue allant de l’amélioration personnelle masculine à la misogynie pure et simple, ciblant les jeunes hommes impressionnables.
Les chiffres sont alarmants. Selon HabiloMédias, le Centre canadien d’éducation aux médias numériques, l’exposition au contenu de la manosphère a augmenté de 62 % chez les Canadiens de sexe masculin âgés de 13 à 18 ans depuis 2020. L’isolement social causé par la pandémie a créé des conditions parfaites pour la radicalisation en ligne, de nombreux garçons passant un temps sans précédent dans des espaces numériques non surveillés.
Dr. Michael Kehler, professeur de recherche en études sur les masculinités à l’Université de Calgary, y voit une crise d’identité masculine. « Les jeunes hommes peinent à trouver leur place dans un monde en mutation. Ces influenceurs offrent des réponses simples, souvent régressives, à des questions complexes sur la masculinité. »
L’attrait n’est pas mystérieux. Le contenu de la manosphère promet des voies claires vers le succès, la confiance et les relations amoureuses – particulièrement séduisant pour les adolescents navigant dans l’incertitude. Le message commence généralement par des conseils apparemment raisonnables sur la forme physique ou l’indépendance financière avant d’introduire des idées plus troublantes.
À l’école secondaire Riverdale de Toronto, la conseillère d’orientation Priya Sharma a constaté l’impact de première main. « Nous voyons le langage de ces espaces en ligne s’infiltrer dans les conversations de couloir, » remarque-t-elle. « Des termes comme ‘alpha‘, ‘bêta‘ et ‘pilule rouge‘ qui ne faisaient pas partie du vocabulaire adolescent il y a cinq ans. »
Ce qui rend ce phénomène particulièrement inquiétant, c’est la façon dont ce contenu atteint les jeunes hommes. Les contrôles parentaux traditionnels sont facilement contournés lorsque le matériel se propage via les algorithmes de TikTok et les courts métrages YouTube – des plateformes où la modération peine à suivre le rythme des créateurs de contenu qui contournent stratégiquement les restrictions.
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