Le humble chariot d’épicerie — autrefois symbole de routine hebdomadaire — représente maintenant l’anxiété financière pour des millions de Canadiens. Alors que je me tenais dans un Loblaws animé de Toronto la semaine dernière, j’observais les clients calculer mentalement leurs totaux, remettre des articles en rayon et comparer les prix avec une intensité qui révèle notre prédicament alimentaire national.
« Je dépense près de 350 $ par semaine pour nourrir ma famille de quatre personnes, » m’a confié Samira Khalid, une hygiéniste dentaire avec qui j’ai parlé pendant qu’elle hésitait entre deux marques de pâtes différentes. « Il y a trois ans, le même panier me coûtait environ 220 $. »
Les chiffres racontent une histoire sobre. Selon le dernier rapport de l’Indice des prix à la consommation de Statistique Canada, les prix des aliments ont augmenté de 27 % depuis 2022, dépassant l’inflation générale par une marge substantielle. Cette escalade a transformé les courses alimentaires d’une corvée banale en une décision financière complexe pour de nombreux ménages.
Un rapport complet publié hier par le Laboratoire des sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie révèle l’impact psychologique de ces coûts croissants. L’étude a sondé 3 500 Canadiens et a constaté que 78 % éprouvent maintenant une anxiété modérée à sévère concernant l’abordabilité alimentaire—une augmentation de 15 % depuis seulement 18 mois.
Dr. Sylvain Charlebois, directeur du laboratoire, m’a expliqué la signification de ces résultats lors de notre entretien téléphonique. « Ce que nous observons n’est pas seulement économique—c’est un changement fondamental dans la façon dont les Canadiens se rapportent à la nourriture. Le stress financier modifie les habitudes d’achat, la planification des repas et même la dynamique familiale autour de la table. »
Le rapport détaille comment les consommateurs s’adaptent. Environ 64 % des répondants ont réduit leur consommation de viande, 59 % achètent moins d’aliments transformés, et 71 % signalent une « sensibilité extrême aux prix » lors des achats. Plus révélateur encore, 83 % des Canadiens consultent désormais les circulaires et utilisent des applications d’achat avant de se rendre aux magasins—contre 54 % au début de 2023.
Mais une autre tendance émerge des données, offrant à la fois un défi et une opportunité. Le rapport indique une hausse significative des consommateurs se tournant vers les sources alimentaires locales. Près de 42 % des répondants déclarent augmenter leurs achats dans les marchés fermiers et les programmes d’agriculture soutenue par la communauté—un bond de 17 % par rapport aux habitudes pré-pandémiques.
Ce virage n’est pas simplement nostalgique; il est stratégique. Les Canadiens découvrent que les systèmes alimentaires locaux offrent parfois des prix compétitifs en éliminant les intermédiaires et les coûts de transport qui alourdissent les chaînes d’approvisionnement conventionnelles.
Emma Biggs, coordinatrice du réseau