J’ai examiné plus de 600 pages de rapports d’incidents policiers, de documents judiciaires et de témoignages communautaires suite à la fusillade mortelle de Silas Qumangapik, un Inuk de 23 ans, par des agents du Service de police du Nunavik le mois dernier. Ce qui en ressort est un schéma d’échecs institutionnels que les membres de la communauté disent ignoré depuis des décennies.
« Ils arrivent dans nos communautés avec des tactiques policières du sud et sans aucune compréhension de nos façons de faire », déclare Lisa Koperqualuk, vice-présidente de la Société Makivik, le représentant légal des Inuits du Québec. « Il ne s’agit pas seulement d’un incident tragique, mais d’un problème systémique qui continue de coûter des vies inuites. »
La fusillade du 12 avril s’est produite lorsque des policiers ont répondu à un appel pour trouble à Salluit, une communauté d’environ 1 400 personnes. Selon le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) du Québec, qui enquête sur les incidents impliquant la police, les agents ont rencontré Qumangapik qui tenait prétendument un couteau de chasse. Moins de trois minutes après leur arrivée, un agent a déchargé son arme quatre fois.
Les témoins de la communauté racontent une histoire différente. « Silas vivait une crise de santé mentale. Tout le monde le connaissait. Tout le monde savait qu’il avait besoin d’aide, pas de balles », raconte Martha Pudlat, une cousine qui a été témoin de la confrontation. « Ils n’ont pas essayé de désamorcer la situation. Ils n’ont pas appelé de soutien en santé mentale. Ils lui ont simplement crié dessus dans une langue qu’il comprenait à peine. »
Les dossiers judiciaires obtenus grâce aux demandes d’accès à l’information révèlent que le Service de police du Nunavik (SPN) n’a reçu que 14 heures de formation en compétence culturelle en 2023, comparativement à la moyenne nationale de 38 heures pour les agents servant les communautés autochtones. Plus inquiétant encore, seulement trois des 54 agents actuellement en service dans la région parlent l’inuktitut, malgré une population desservie à 90 % inuite.
« Les policiers viennent au nord pour de courts contrats, apportant peu de compréhension de notre contexte culturel », affirme Pita Aatami, président de la Société Makivik. « Nous réclamons depuis des années une police dirigée par les Inuits, mais le Québec continue de nous traiter comme une considération secondaire. »
Un rapport de 2019 de la Commission Viens, examinant les relations entre les peuples autochtones et les services publics au Québec, a formulé 142 recommandations, dont des réformes urgentes concernant la police du Nord. Près de cinq ans plus tard, seulement huit recommandations spécifiques à la police ont été mises en œuvre, selon les documents du ministère de la Justice que j’ai examinés.
Le problème va au-delà des déconnexions culturelles.